Avant de donner un avis définitif sur ma vision personnelle de la campagne pour l’élection présidentielle dans sa phase finale, je me suis naturellement donné la peine de lire la « Lettre au peuple français » du candidat Nicolas Sarkozy. J’ai donc pris connaissance avec la plus grande attention du contenu des trente-quatre (34) pages qui constituent, en quelque sorte, le testament politique de l’actuel Président puisqu’il s’agit avant tout, pour lui, de justifier son bilan.
Puis, l’ayant justifié de long en large et selon ses propres critères, le Président candidat passe aux choses sérieuses en développant des considérations donnant lieu à un certain nombre de propositions pour le prochain quinquennat.
Ainsi, Nicolas Sarkozy se livre-t-il à une analyse serrée des événements survenus depuis 2007 dont le rôle déstabilisateur, certes, lui apparaît fondamental mais il ne va pas jusqu’à battre explicitement sa coulpe de responsable politique. Ainsi (p.19/20) :
Au début, le monde occidental s’est laissé enivrer par la mondialisation. Il faut maintenant tirer les enseignements de cette succession de crises (…) Dans cette mondialisation-là, les pays occidentaux, avec leurs lois, avec leurs principes, avec leur niveau de protection sociale, ne pouvaient résister.
Et le Président candidat de conclure une interminable tirade d’explications, plutôt d’ordre technocratique, où la nostalgie d’un monde perdu en quelques courtes décennies le dispute âprement avec la fatalité :
Nous n’avons pas vu, et la France moins que les autres, que nous avions aussi des faiblesses, qu’à la faveur de la longue période de croissance des Trente Glorieuses, nous nous étions partiellement endormis dans un niveau de confort jamais atteint par nos sociétés. Nous n’avons pas anticipé que d’autres pays pourraient un jour nous dépasser.
Quel terrible aveu d’impuissance ! C’est bien dans de telles circonstances, d’ailleurs, que l’on peut se rendre compte à quel point la France contemporaine se trouve orpheline des hommes et des femmes d’État qu’elle ne sait plus produire !
Comme trop souvent, avec Nicolas Sarkozy, les diagnostics se révèlent exacts mais, hélas, les actes ne suivent généralement pas ou, au mieux (!), ne parviennent pas à maturité ! Voici (p.26) un exemple de diagnostic parfaitement posé :
Il faut libérer les énergies. Nous avons atteint le seuil maximum de normes dans notre pays (…) Il faut libérer les créateurs, les artisans, les commerçants, les entrepreneurs individuels, les PME de l’excès de normes. Je propose une règle simple : chaque fois qu’un ministre voudra créer une nouvelle norme, il devra m’en proposer deux anciennes à supprimer.
Une règle simple que, pour ma part, je trouve simpliste et même, pour tout dire, infantile… voilà me semble-t-il un exemple caractéristique d’exiguïté politique à l’origine des réformettes à répétition qui furent le quotidien de ces cinq dernières années.
Ce que les candidats actuels à l’élection présidentielle, qui n’ont rien de commun avec la qualité d’homme ou de femme d’État, n’osent pas ou pis encore sont incapables de concevoir, un homme d’État comme il y en a peu aujourd’hui n’hésite pas, lui, à le faire savoir. En l’occurrence, il s’agit de Vaclav Klaus, Président de la République tchèque, qui a bien connu les horreurs du communisme que certains, bien à l’abri dans nos démocraties fragilisées, tentent encore et toujours de réintroduire sous divers masques :
Ce n’est pas une grande découverte, ni une courageuse analyse : nous vivons dans une époque d’énormes désastres budgétaires et de récupérations très lentes et peu convaincantes (…) C’est un problème euro-américain et je ne veux pas discuter pour savoir si l’Australie lui appartient ou non (…) Ce n’est pas non plus le résultat de simple erreurs facilement réversibles de la politique budgétaire d’un pays ou d’un autre. Les déficits budgétaires que nous voyons autour de nous, alors qu’il n’y a ni guerre ni révolution, n’existaient pratiquement pas dans le passé et la lenteur des redressements qui s’en suivent est le produit d’une défaillance systémique de nos sociétés, qui va au-delà de l’économie.
Cet extrait est tiré du livre du Président Klaus justement intitulé Sauver les démocraties en Europe et traduit en français chez François-Xavier de Guibert (février 2012). Nous avons une dette morale envers ces pays au grand courage : nous devons avoir l’humilité d’écouter leur voix autorisée.
Pour tout dire, les Français ont aujourd’hui réellement besoin d’un autre discours, quasiment à l’opposé de ce que l’on ne cesse de nous seriner à longueur de meetings ; car un pas de plus vers l’abîme et la France, réduite à quia, n’existera plus que sur le papier.