SAINT-TROPEZ. Propriétaires, rentiers, ou tout simplement riches, les artistes survivront-ils à l'instauration de la " taxe 75% " de François Hollande, ou devront-ils se débarrasser d'une partie de leur patrimoine immobilier ? C'est l'appel au secours lancé par François Hardy dans une interview à Paris Match. " Je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte du drame que l'ISF cause aux gens de ma catégorie. [...] Si Hollande le multiplie par trois, qu'est-ce que je fais ? [...] Tous les gens qui ont 150 000 euros de revenus [...] et qui, en même temps, ont économisé toute leur vie pour avoir un patrimoine immobilier, résidence principale et résidence secondaire, se retrouvent dans cette situation épouvantable ".
" ", " épouvantable " : si les experts ont pour le moment du mal à s'accorder sur les effets envisageables d'une hausse de la taxation des hauts revenus, tous reconnaissent le danger d'une augmentation en flèche du mal-logement chez les artistes. " Ce qui est dommage, c'est qu'une des rares catégories sociales à avoir échappé au descenseur social risque désormais de s'y retrouver exposée. On peut envisager plusieurs types de déclassements : devoir louer une partie de son hôtel particulier ; le revendre pour investir dans un arrondissement parisien moins cher ; voire, dans les cas extrêmes, quitter Paris, pour se replier, faute de mieux, dans une résidence secondaire dans le Var ou en Corse ", analyse Bernard-Marie Galouzeau de Vabres, directeur du Centre de Chrématistique Immobilière. Les risques sanitaires de ce type de dégradation de la vie quotidienne sont mal connus, et varient selon les personnes. " A la différence de vous ou moi, chaque artiste est un individu unique, avec une sensibilité à fleur de peau. ",explique Stève Casiraghi, directeur de recherches au RIMEL (Rothschild Institute for Mental and Emotional iLlness). " Les symptômes peuvent aller de rougeurs passagères à des crises de sanglots, voire, dans des cas extrêmes, à des phases de désorientation. Où est passé mon bistro favori, pourquoi n'ai-je plus ma table réservée ? Tous ces petits privilèges qui rendaient leur quotidien supportable et qui, du jour au lendemain, disparaissent ".
Cet avènement d'une société plus " horizontale " risque surtout de rejaillir négativement sur la qualité de la scène artistique française. " On le sait depuis les premiers penseurs grecs, le peuple a besoin de savoir qu'il existe une petite " élite " échappant aux soucis du commun pour rêver, pour s'enthousiasmer par identification à elle ", rappelle Fernando Von Furstenberg, chercheur à l'Institut Supérieur Téléologique de Budapest (IST Business School), et biographe d'Ivana Trump. " Savoir que Françoise Hardy vit dans une maison luxueuse à Paris, c'est un peu y vivre soi-même. D'où d'importantes économies d'échelle : la maison d'un ouvrier profite à ce seul ouvrier, tandis que la maison de François Hardy peut profiter à 1000, 10 000 ouvriers qui lisent Gala ou Paris Match par capillarité. C'est un enjeu de développement durable dans la société de parcimonie qui s'annonce. Acheter un disque de François Hardy, c'est contribuer à ce mode de vie qui rejaillit sur toute une population, c'est dans l'esprit des Français populaires une forme de don, un peu comme on en faisait aux dieux il y a quelques siècles. Si son standing se dégrade, ses ventes de disques risquent de chuter, et c'est vrai pour tous les artistes de son rang. Que va devenir la scène musicale française ? ".
L'acharnement fiscal contre les vedettes les conduit à mettre en place des stratégies de survie inédites. " On a vu se développer ces dernières années des formes de nomadisme, d'errance, de la part d'artistes chassés de leur propriété parisienne ", rappelle Bernard-Marie Galouzeau de Vabres. " C'est un phénomène comparable aux bandes de jeunes, la violence en moins ", indique-t-il, en évoquant le cas de Sheila ou Stone & Charden, et de leur tournée dite " des idoles ".
Restent la solidarité et le soutien réciproque. Selon nos informations, sur le modèle des Restos du Cœur s'apprêterait à être lancé un concept intitulé le " Salut des copains ", avec des concerts caritatifs et la réalisation d'un album collectif, dont les bénéfices serviraient à abonder un fonds pour maintenir les célébrités dans leur demeure parisienne. Pour la première édition, une reprise chorale de " VIP " de Françoise Hardy serait déjà en cours d'enregistrement.
Reportage réalisé par Romain Pigenel pour l'Agence de Presse Variae