Canal ne se reconnaît guère dans les chapelles de la SF française, et ne s’est jamais privé de le dire. S’il est une œuvre dans laquelle le propos tenu n’est jamais loin de la manière dont il est tenu, ce sera celle de Richard Canal. Styliste, a-t-on dit de lui, et j’ai déjà employé les qualificatifs de lyrique et de romantique. La science-fiction, selon lui ? “Une forme de surréalisme avec plein d’espace autour” (11). Il parle alors, voici sept ans, des imbrications, des détournements qui font de ses textes des puits sans fond. Il évoque les tâches d’élagage et de ciselure que réclame son style. Aujourd’hui, il n’y a rien à retirer de ces propos : la vision politique anti-manichéenne de Canal se pare d’une écriture toujours remarquable.
Nul ne naît à la littérature tout armé. Une écriture se cherche parfois longtemps. Chez Richard Canal, oscillant de la préciosité au dialogue “blanc” style polardeux, elle semble s’être finalement trouvée dans un registre lyrique fait d’éclats et d’explosions enchâssés, avec une indéniable vitalité dans l’évocation — une évocation qui tient autant de la mise au jour d’une autre réalité, bref d’une “vision”, que d’une simple description littéraire.
Dominique Warfa
(10) Quoiqu’il faille relire aujourd’hui cette période d’un oeil débarrassé de tout a priori, et que l’on y découvrirait ainsi bien moins de ce que ses adversaires nommaient “tracts” que l’on a pu le croire en suivant certaines critiques d’alors. Il y a des enterrements trop rapides qui confondent pépites et scories. A moins qu’il n’ait véritablement fallu, en ces années quatre-vingt riches de golden boys, assassiner le discours proprement politique ? Il est temps, dès lors, d’y revenir. Richard Canal y contribue bien.
(11) Dans l’entretien déjà cité avec Richard Comballot.
Galaxies, n°7, décembre 1997