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Pourquoi la France a perdu le train de la mondialisation

Publié le 08 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

Philippe Manière n’avait pas publié de livre depuis 2003. C’est chose faite avec Le pays où la vie est plus dure, Grasset, 2012, essai parfaitement argumenté à l’usage de ceux qui considèrent la mondialisation comme la cause de nos malheurs économiques.
Par Bogdan Calinescu.
Publié en collaboration avec l’aleps.

Pourquoi la France a perdu le train de la mondialisation
De toute évidence, Nicolas Sarkozy n’a pas lu le dernier livre de Philippe Manière. Dans sa Lettre aux Français, les premières pages sont entièrement consacrées aux « ravages de la mondialisation » et aux « graves conséquences de l’ouverture des frontières ». Il accuse aussi l’Europe d’avoir mené cette politique d’ouverture à l’égard du monde. Le président se trompe et pour comprendre pourquoi, il faut lire l’ouvrage de Philippe Manière. Accuser les autres – les Américains, l’Europe, les Chinois… – a toujours fait partie des sports préférés des Français. Comme d’ailleurs le spleen économique. En 2010, plus de sept Français sur dix estimaient que la France était en déclin. Concernant la mondialisation, seulement deux Français sur dix considèrent que la France est porteuse de nouvelles opportunités. Le bouc émissaire est tout désigné.

Pourtant, en regardant attentivement les chiffres et les statistiques, on s’aperçoit que les malheurs de la France sont plus anciens, bien avant la vague de la mondialisation. Le problème du chômage – la principale préoccupation des Français – est beaucoup plus grave chez nous que dans la plupart des autres pays développés. Nous sommes à la sixième place pour ce qui est du taux de chômage sur 34 pays membres de l’OCDE. Et nous sommes deuxième pour ce qui est des dépenses publiques (56,6 % du PIB). Depuis 30 ans, notre taux de chômage a toujours été supérieur à la moyenne de l’OCDE. Et aussi supérieur à la moyenne européenne (sauf sur une période de 5 années). Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, la Suisse, l’Allemagne ou les Pays-Bas ont affiché durant cette période un taux de chômage souvent deux fois inférieur au nôtre. Et ces pays sont bien plus mondialisés que le nôtre : les échanges internationaux représentent 130% du PIB pour les Pays-Bas, 90% pour la Suisse, 60% pour l’Allemagne et… 40% pour la France.

Le paradoxe c’est que nos grandes entreprises se sont, pour la plupart, adaptées à la mondialisation. Elles investissent un peu partout dans le monde et créent des emplois. Si elles préfèrent délocaliser c’est parce que le coût du travail est extrêmement élevé en France. Il faut réformer le droit du travail – le principal ennemi de l’emploi en France – et baisser les coûts et nous aurons des milliers d’emplois créés ici aussi. Les ouvriers allemands ou néerlandais ne sont pas moins protégés que ceux français. Et néanmoins, dans ces pays il y a presque le plein emploi malgré la mondialisation !

On peut aussi se demander où sont les belles entreprises françaises nées de la mondialisation ? Où sont nos Google, Facebook, Zara, Ikea, Nokia ou SAP ? Les grandes entreprises qui font la gloire de la France dans le monde sont toujours les plus anciennes : Oréal, Total, Accor… en France, il n’y a pas de « bébé de la mondialisation », écrit justement Philippe Manière. La cause ? De trop nombreux patrons issus des grandes écoles (ENA, X…) et aucun qui ait gravi les échelons de l’entreprise, rigidité et réglementations, peur de la fiscalité… Peur de trop réussir et d’être stigmatisé plus tard. Et aussi le retard pris dans le domaine de l’innovation (nous sommes classés onzième en Europe).

Face à la désinformation économique ambiante, lire un ouvrage de Philippe Manière fait toujours du bien.

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