La critique de Claude :
La défaite de 1940 le trouve prisonnier de droit commun à Jersey. Pour sortir, il propose aux Allemands –qui occupent l’Ile- d’aller espionner à leur profit en Angleterre. Un gros poisson de l’Abwehr (le service de renseignements de la Wehrmacht, rien à voir, en principe avec la Gestapo) mord à l’hameçon. Il est, affirme t’il, bien décidé à contacter les services spéciaux britanniques dès son parachutage et a leur proposer de devenir leur agent.
Et voila notre Eddy (après, il est vrai, un détour tragique au Fort de Romainville) dorloté dans un château de la Loire qui sert de centre de formation à l’Abwehr. On est loin de l’austérité britannique décrite par Daniel Cordier, jeune Français libre futur radio et secrétaire de Jean Moulin. Avec leur Reichsmark au taux de change gonflé, les Allemands sont les rois du marché noir ; le Champagne coule à flots, pour arroser des nourritures délicieuses partagées par des compagnes françaises consentantes.
Mais les meilleures choses ont une fin ; notre héros sera parachuté, contactera, comme prévu, les services et sera recruté ; on le renverra en Allemagne via Lisbonne, ce qui donne lieu à une terrifiante description de la guerre des sous marins, vue d’un vieux cargo-cible.
L’Abwehr l’emmènera en Norvège, où les citoyens paraissent plus dignement résistants que les Français, et il verra la chute du Troisième Reich dans les ruines de Berlin. Il finira titulaire de la Croix de fer, mais non d’une décoration anglaise, sans doute en raison de son passé de malfrat.
Le récit est passionnant, et se lit avec avidité : on se dit parfois que c’est trop beau pour être vrai, mais la caution de François Kersaudy, biographe de Churchill, lève les doutes .
Récit de Eddy Chapman (1966), traduction Suzanne Sandry et Michel Talbot, préface de François Kersaudy, éditions Tallandier collection TEXTO, 280 p. 8,50 €