L’ennemi qui venait du froid… dans le dos !

Publié le 07 avril 2012 par Kamizole

Un nouvel article de « Coup de Grisou ». Outre que j'apprécie énormément la qualité de ses écrits et partage ses analyses, il traite de sujets qui m'intéressent au plus haut point mais que, faute de temps, je n'ai pas le loisir d'aborder... Partage du travail, en quelque sorte. Bonne lecture !

"A chaque jour suffit sa peine" peut-on lire dans le nouveau testament . Mais ce qui était vrai hier peut-il encore l'être aujourd'hui ?

Car nous vivons dans une société sophistiquée et complexe où la technique et la science sont censées nous garantir la "sécurité". Sécurité des biens et des personnes, sécurité sanitaire, sécurité d'avoir une vie décente, de pouvoir vivre, manger, boire, se vêtir et se loger correctement .

Partout en occident on se félicite d'avoir fait régresser la mortalité infantile, d'avoir prolongé de plusieurs dizaines d'années l'espérance de vie, d'avoir guéri presque toutes les maladies . Certains même affirment que les crimes et les délits ont baissé considérablement.

Mais les enfants que nous sommes aiment quand même se raconter des histoires qui font peur.  On s'invente alors un ennemi hypothétique, celui qui viendrait égorger nos femmes et nos enfants et surtout nous priver de cette fameuse "sécurité" dont nous ferons bientôt notre emblême national . Sur le fronton de nos édifices publics, certains rêvent de remplacer "liberté égalité fraternité" par "individualisme, propriété et sécurité" !

Nous sommes tellement habitués à appuyer machinalement sur un bouton, tourner un robinet et mettre de l'essence dans nos bagnoles, à mettre des plats tout prêts dans nos micro-ondes que tout nous paraît "normal" . Comme si la nature dans sa grande générosité nous avait dotés de toutes ces ressources illimitées, de tous ces accessoires et tous ces bienfaits automatiques.

Nos rues sont éclairées la nuit comme en plein jour, jusqu'aux usines qui illuminent fièrement leurs enseignes comme des arbres de Noël dans des quartiers où le soir tombant on ne rencontre plus personne. Les vitrines famboyantes des magasins alignent les kilowatts de guirlandes juste pour deux ou trois passants... qui s'en foutent éperdument.

Les robinets coulent à flot, les douches s'éternisent, les lessives se font permanentes et surtout il y a ce rituel dominical du lavage de notre bien le plus précieux , notre vénérée automobile. Du vélo-moteur au 4x4, il faut que ça brille, que ça en jette car on s'imagine que le monde entier a les yeux rivés sur nos petits "bijoux" devenus le symbole de notre toute puissance industrielle .

Nous sommes devenus des automates avec des idées en kit, en prêt à penser, en prêt à avaler. La télévision qui encombre toutes nos pièces fait notre éducation. Et puis le summum de la technologie, nos téléphones portables qui nous donnent une importance considérable lorsque leur sonnerie retentit au milieu d'un repas ou d'un embryon de discussion !

L'illusion de rêve en quelque sorte.

Pendant ce temps nos déchets s'accumulent. Oh pas seulement nos déchets ménagers qui représentent en moyenne 250 à 300Kg/an par individu mais les déchets plus sournois, les résidus toxiques des milliers d'entreprises qui jour après jour s'entassent inexorablement dans des locaux ou dans des sites réservés à cet effet. Tout n'est que plastique, plastique et encore plastique !

Haroun Tazieff avait donné l'alerte il y a bien longtemps sur les catastrophes écologiques qui menaçaient la planète, sur sa capacité relative à digérér tous ces détritus, fumées et CO2 compris . Car avec une population qui grossit en progression géométrique notre petit globe finira par déborder !

En 1974, répondant à l’appel de son ami Paul-Emile Victor, il participe à la constitution du Groupe Paul-Emile Victor pour la Défense de l’Homme et de son Environnement, aux côtés d’Alain Bombard, de Jacques-Yves Cousteau, de Louis Leprince-Ringuet, de Jacqueline Auriol et du professeur Jacques Debat.

Les dirigeants de l'époque n'avaient pas pris ou pas voulu prendre le problème à bras le corps et le 26 Avril 1986, Tchernobyl éclatait à la face du monde .

Mais non , mais non ça ne peut pas arriver jusque chez nous se défendirent bien vite les autorités scientifiques de l'époque ! Le nuage radioactif dans sa grande clémence s'était arrêté pile poil aux frontières de la France ! Ouf, merci , nous étions sauvés.

La France comme d'habitude qui se targuait d'être la championne toutes catégories du nucléaire civil et militaire avait feint d'ignorer le terrible avertissement.

Et pourtant des "incidents" plus ou moins graves eurent lieu par la suite dans l'ensemble de nos centrales sans que le vulgaire pékin en soit jamais informé ça va de soi ! Cf. Greenpeace  et même plus de 1000 incidents en 2010 ! Selon France-soir .

Et puis le 11 Mars 2011 , Fukushima nous a rappelé que le pays le plus productif, pris comme référence par nos capitalistes inter-nationaux, celui qui ne vit que par son électricité, un pays dont la capitale est un écran géant, a vécu un des drames les plus graves de son histoire. Un tsunami qui a semé la mort et la destruction d'une centrale nucléaire.

On n'a pas fini d'en évaluer les conséquences sur l'environnement. Quelle mortalité, combien de maladies, de cancers, de mutations génétiques ? Une région en friches pour des siècles, une pollution marine qui s'étend un peu plus à chaque minute qui passe . Tout est irradié, brûlé, anéanti. La vie s'est arrêtée brusquement.

Le 5 Avril dernier, c'était hier, le site de Penly en Seine Maritime connaissait un grave accident sur le réacteur numéro 2 avec arrêt d'une pompe de refroidissement et même un incendie au coeur du bâtiment ! A lire sur Paris-Normandie.

Mais bien évidemment comme en pareil cas chez nous, rien n'est jamais grave, tout est bénin, surtout lorsqu'on a un président-candidat qui a fait l'apologie du nucléaire pour éviter de parler de l'échec de son programme d'énergies vertes et qui se paie même le luxe ( aux frais de qui?) de faire la tournée des popotes !

Il y a peu de temps à Saint-Laurent des eaux, centrale qui a connu deux accidents sérieux en 1969 et en 1980, dans un discours déma-gogique il se présentait même comme le meilleur garant des emplois à EDF, lui qui a connu sous son règne une progression du chômage jusqu'alors inégalée !

Et pourtant jour après jour, mois après mois , élection après élection il nous aura désigné du doigt, du haut de sa verve hargneuse, l'ennemi juré, celui qu'il faut craindre le plus, l'étranger ! Si de surcroît il est chômeur ou Rsist, handicapé ou malade, s'il a une grande famille, une religion "pas très catholique", musulman , arabe ou tout à la fois, alors tremblez citoyens l'ennemi rôde près de chez vous, haro sur le responsable de tous nos maux !

Pendant ce temps, sournoisement, on entasse nos déchets nucléaires dont on ne sait que faire dans des immenses abris secrets (?) et souterrains.

Mais il paraît que là aussi c'est sans danger ! Je plains les archéologues de l'an 3000 (si les hommes existent encore) qui iront fouiller ces sites à la recherche de traces d'une civilisation qu'on disait avancée (et peut-être disparue?) et qu'un certain Guéant qualifiait même de supérieure à d'autres !

Car l'ennemi est invisible et froid, il ne fait pas la distinction entre les sexes et les couleurs de peau, ni entre les vieux et les jeunes, les civils et les militaires, les plantes et les animaux. Il frappe silencieusement, il instille son poison violent dans les organismes, indéfiniment. Il s'installe, il gagne du terrain, il colonise inexorablement. C'est une arme redoutable de destruction massive, qu'elle soit civile ou militair , l'atome tue rapidement ou lentement mais sûrement !

Et puisque "gouverner c'est prévoir" comme l'écrivait Emile de Girardin, journaliste, il faudra donc nous aussi pour notre sécurité prendre une décision énergique : tout faire pour éliminer cette arme redoutable que l'homme qui se prend pour Dieu a un jour créé pour alimenter ses usines à mickeys, et qui de plus n'a pas de frontières !

Le 22 Avril et le 6 Mai ne votons surtout pas pour un candidat-président furieux défenseur de de cette insécurité là !

Post-scriptum de mémé Kamizole :

Pas de chance pour Sarkozy : le 26 mars 2012, avant un meeting à Ormes (banlieue d'Orléans) il chantait les louanges de la sécurité du nucléaire à la centrale de Saint-Laurent des Eaux (Loir et Cher). Or, le 5 avril 2012, cette centrale tellement sûre connut un incendie affectant un de ses réacteurs... J'y suis d'autant plus sensible qu'ancienne Orléanaise, je passai à 7 ans mes premières vacances solognotes dans une ferme toute proche de Saint-Laurent, chez des amis de mes parents et que nous allions faire des courses dans ce charmant village dans une voiture tirée par un cheval... Pas à vapeur.