Jour N-15. 4 h 30 du matin. Je travaille - en principe - sur des sujets sérieux et d’autres moins, glanés sur Google Actus ou Reuters. Les premiers oiseaux ont commencé à pépier dans le calme de la nuit. Je vais dans la cuisine et avant d’y avoir allumé la lumière, j’aperçois le ciel prenant cette teinte grisâtre qui annonce l’aube qui viendra plus tard. Ressuscitant une foule de souvenirs remontant à ma mémoire.
Longs voyages pour aller d’Orléans à La Grave en empruntant le Lyon-Nantes. Directs quand je partais en vacances de Pâques pour le ski ou en juillet avec les bonnes sœurs d’Orléans mais avec une longue attente à Vierzon par la suite. Quand j’y allais seule. Ce qui surnage dans ma mémoire est la traversée des zones encore industrielles du Forez du côté de Saint-Etienne. Le spectacle magique dans la nuit encore noire des éclairs lumineux, torchères ou hauts-fourneaux, des gares rapidement traversées. Rive-de-Gier ou Gisors, je n’ai point inventé ces noms qui restent gravés dans ma mémoire.
Je scrutais alors désespérément le ciel, attendant ce même affaiblissement de la couleur du ciel annonciateur de ma délivrance. Je connus aussi cela dans mes longues nuits d’insomnie à l’hôpital de Loches. Partagée entre la souffrance extrême à peine calmée par les antalgiques - pourtant qualifiés de majeurs - et les angoisses. M’endormant rassérénée au petit matin avant d’être rapidement réveillée à 6 heures pour la température et la cuvette de la toilette. J’ai lu exactement la même chose dans les mémoires - que je recommande particulièrement - de Jean-François Deniau quand il fut traité pour son cancer. Preuve que l’on peut apprécier les qualités humaines d’une personne qui n’est pas de son bord politique.
Je quitte ces considérations politiques pour revenir à mes chattes. Madame Tuarao m’ayant fait un petit comme l’avait annoncé mon faire-part (22 mars 2012)… Un seul et j’en suis bien aise. Je redoute toujours de la voir arriver sur la fenêtre, portant successivement dans sa gueule plusieurs autres chatons comme elle me ramena parfois en trophée souris ou oiseaux même pas morts !
Pour l’instant, et selon mon rapide examen, je pense que c’est plutôt une femelle, Je croyais qu’il ne fallait pas les toucher mais ma voisine, Madame Catherine - qui m’a donné Tubarao - m’a affirmé le contraire : mieux vaut les habituer tôt à la main humaine. Mais je ne vous dis pas comment Tuba se dresse et avec quel œil inquisiteur - qui pourrait devenir méchant - elle me regarde quand je prends - rarement - son chaton dans les mains !
Je l’ai aussi entendue subitement gronder dans la cuisine. J’étais occupée à lui donner sa pitance tout en la caressant. Juste le chat d’en bas faisant entendre son feulement. Elle doit en avoir gardé un mauvais souvenir puisqu’il l’avait agressée dans le jardin lorsqu’elle était encore petite. Je l’avais bien entendu protégée du fauve mais je ris encore tant elle avait fait preuve d’une redoutable combativité, paraissant quasi deux fois plus grosse et prête à la bagarre.
Madame Tubarao est grise et blanche, son rejeton également. La seule différence : une tache noire sous le menton. Avec son museau encore plus rose, il ou elle me fait littéralement penser au « fiston » de Gros Minet ! Espérons moins de bêtises…
Je suis toujours émerveillée par le spectacle et les changements que peux observer de jour en jour depuis un peu plus de deux semaines. En deux jours, le minuscule têtard noiraud avait quasi doublé sinon triplé de volume. Et pour cause, passant le plus clair de son temps à téter voracement et sans avoir à partager avec des frères ou des sœurs les tétines de sa mère. Bénaise ! Il y a trois jours, le prenant dans mes mains, je vis juste un petit éclair à l’endroit de ses yeux qu’il avait grand ouverts le lendemain.
A la naissance, l’on pouvait difficilement qualifier de pattes les maigres filaments noirs qui en tenaient lieu. Je fus surprise un jour de lui voir se lécher le minuscule bout blanc et rose en forme de spatule qui en tenaient lieu aussi méticuleusement que le fait sa mère pour ses propres pattes quand elle rentre à la maison. J’y mis délicatement un doigt : et hop ! Un coup de léchouille… Je l’ai même vu lécher le cou Tubarao.
Les deux premiers jours, celle-ci n’a pas bougé de la caisse en plastique qui lui a servi de salle d’accouchement et ensuite de nurserie. Nul déplacement vers son bac à sable dans les cabinets ou en direction de la cuisine. Même pas faim ! Elle s’est ensuite bien rattrapée sur ce chapitre. Vorace de chez gloutonne. Elle est par la suite sortie par la fenêtre de la salle pour une très courte promenade. Quand elle revient, elle se précipite en courant vers sa progéniture.
Une première fois, j’ai été réveillée en pleine nuit par les pleurs du chaton. Je suis descendue l’appeler dans le jardin, pas de réponse. J’eus la bonne idée d’appeler du côté de la rue qu’elle traversa dare-dare. Plusieurs nuits de suite, elle me fit peur car son absence se prolongeait et j’avais beau l’appeler, sans succès. Je suis d’un naturel inquiet et me demandai comment je ferais s’il lui arrivait quelque chose… Mais le chaton ne mouftait pas et ne se réveilla chaque fois qu’à son retour. C’est à croire qu’elle est douée d’un sixième sens.
Aujourd’hui, elle n’est pas sortie. Chaque fois que je vais dans la chambre, comme d’habitude elle prend la pose : étirant le cou et s’étalant pattes largement écartées pour que je la caresse sur le ventre en ronronnant. Il faut la voir aussi lécher son chaton avec en même temps énergie et douceur, poser d’une manière protectrice sa grosse patte blanche sur son rejeton. Accepter sans réagir qu’il s’accroche à son museau avec ses petites griffes.
J’ai changé d’avis pour son nom. J’avais écrit que ce serait peut-être « Why not ?» à cause de la surprise suivie de l’acceptation - au demeurant fort réjouie - de ce qui m’arrivait.
A sa naissance, j’avais pris dans mon armoire un casier en plastique où je range des draps. Mais je m’aperçus très vite qu’il n’était pas assez haut : le têtard partait déjà escalader le vieux drap-housse dont je l’avais tapissé ! Un drôle de « bolide » ais-je immédiatement dit. Je m’empressai donc de prendre un autre casier de même taille mais plus haut. Pas question de patter en route ! Il me fallut donc en un tour de main vider l’autre casier, transférer le chaton et le drap dans la nouvelle nurserie en même temps que je devais empêcher Tubarao de s’engouffrer dans l’armoire pour s’installer sur le dessus d’une autre caisse !
Son sport favori… confort super douillet sur des pull-overs tout en étant cachée. Les poils sont pour moi. Au risque de se faire enfermer. Ce qui lui est arrivé une fois. J’entendais bien miauler mais impossible de déterminer d’où cela provenait… Je vous le donne en mille : coincée dans le bas d’un buffet haut situé en face de la porte de la cuisine.
Il y a quelques jours, j’ai donc pensé que je pourrais l’appeler « bolide » mais cela ne me satisfaisait pas vraiment. Toutefois, je me disais que cela se raccourcirait facilement en « bobo ». J’abrège déjà en « Tuba » et très souvent « mon titi » - « Titine » quand je ne suis pas contente : c’est le surnom de Martine Aubry ! Bien évidemment, bobo me fit penser aux fameux « bourgeois-bohèmes » bien plus bourgeois que bohèmes au demeurant… Euréka : ce sera « Bohème »…