Débat: Il n'y a que le face à face qui vaille

Publié le 07 avril 2012 par Nicolas007bis

Le débat entre les candidats que France 2 souhaite organiser pose de nombreuses questions.

On comprend bien l'intérêt pour un Bayrou ou un Dupont-Aignant d'un débat qui réunirait tous les candidats. Une fois la campagne ouverte, la mécanique médiatique se focalise sur les 2 favoris et sur le fameux troisième homme, Bayrou en 2007, aujourd'hui Mélenchon. Tous les autres sont inaudibles, même Marine Le Pen. On comprend bien leur frustration devant ce traitement qu'ils jugent inégal. C'est donc l'occasion pour tous ceux là d'être mis sur un pied d'égalité avec le trio de tête au hit parade des médias.

Plus généralement, le débat est indispensable pour donner les moyens au citoyen de juger des propositions de ses futurs représentants. Pour aller au-delà des belles formules et des émotions procurées par la force d’un discours, il lui faut pouvoir juger du fond. Il lui faut les clés pour estimer la pertinence et la cohérence des programmes. Sans débat, pas de démocratie.

Pour autant, un débat à 5 et à plus forte raison à 10 n'est qu'un exercice de style sans autre intérêt que de permettre de juger de la capacité de répartie et du sens de la formule des candidats.

Ce ne peut être au mieux qu'un échange de belles phrases et de slogans déjà moult fois répétés à longueur de meetings. Au pire, ce sera un échange d'invectives et de propos caricaturaux destinés à dénigrer l'un ou l'autre de ses adversaires.

Par dessus le marché, un jeu d'alliances implicites entre des candidats aux intérêts communs faussera nécessairement leur attitude. A 10 ou à 5 ce sera tous contre Sarkozy. Si Mélenchon et Hollande sont dans un même groupe, gageons qu'ils ne polémiqueront pas mais s'allieront contre leurs adversaires de droite. Pourtant, s'il y a bien un débat qui pourrait être intéressant, c'est celui qui opposerait Hollande à Mélenchon, histoire de bien montrer que leurs projets sont radicalement différents.

Pour la même raison, Hollande et Sarkozy tenteront d'épargner Bayrou, avec l'espoir de récupérer ses voix au second tour ce qui leur sera d'autant plus facile, qu'ils auront d'autres adversaires à boxer. Un face à face Bayrou-Hollande ou Bayrou-Sarkozy obligerait l'un et l'autre à marquer sa différence et à expliquer en quoi voter Bayrou ce n’est pas du tout la même chose que de voter Hollande ou Sarkozy.

Mais pour cela, il faut que le débat soit une confrontation d’idées. Il faut qu’il se fasse dans les conditions qui permettent à chacun de développer, d’expliquer, d’argumenter. Et ces conditions ne sont pas réunies dans un débat à plusieurs (plus de 2). Au contraire, ce ne sera qu’une occasion de plus de simplifier à outrance les questions importantes qui sont en jeu. Le discours des candidats sera nécessairement réducteur et contribuera un peu plus à laisser croire que les questions complexes auxquelles est confrontée notre société peuvent être répondues à coup d’affirmations péremptoires et de bons sentiments affirmés avec force.

Il n'y a que le face à face qui vaille, qui ait valeur de débat. Pour peu qu'il soit bien organisé et dirigé par des journalistes dignes de ce nom, c'est le seul format qui permette un échange sur le fond ou du moins d'une manière suffisamment approfondie pour permettre aux électeurs de bien comprendre sur quoi s'appuient les positions des deux candidats. C'est le seul moyen, pour aller au delà des slogans et des affirmations péremptoires.

Malheureusement France 2, comme tout l’audiovisuel, est soumis à plusieurs contraintes dont la moindre n’est pas l’obligation de l’équité de temps de parole entre les candidats et plus largement l’équité de traitement des candidats. Cette contrainte exclut les débats bilatéraux entre 2 candidats qui s’opposeraient frontalement. Trop difficile à organiser, puisqu’en théorie, il faudrait, comme dans une sorte de tournoi, que chaque candidat rencontre chacun des ses adversaires ce qui nous ferait 45 combinaisons soit 45 duels à organiser, autant dire que c’est parfaitement inimaginable à ce moment de la campagne.

En conséquence de quoi, il ne lui reste plus qu’à tenter d’organiser, dans une sorte de simulacre d’exercice démocratique, un grand barnum médiatique superficiel et parfaitement inutile qui ne fera qu’entretenir les téléspectateurs dans l’illusion qu’il leur suffit de regarder la télévision pour pouvoir exercer en toute connaissance de cause leur devoir de citoyen.

Pour ma part, je ne perdrai pas mon temps à assister à un match de catch médiatique.