Des militants du Front national, dont le secrétaire départemental de la Haute-Vienne, candidat frontiste aux législatives, sont poursuivis pour violences volontaires aggravées après avoir agressé dimanche le patron d'un bar de Limoges. Ils étaient armés d'un couteau, d'une matraque et d'une batte de baseball.
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Un article de "MEDIAPART"
Des militants du Front national, dont le secrétaire départemental du FN de la Haute-Vienne, ont été interpellés par la police dans la nuit de dimanche à lundi, après une violente agression dans un bar de Limoges, comme l'a révélé mardi le site local lepopulaire.fr. Ils sont poursuivis pour violences volontaires aggravées.
Dimanche 1er avril. Vincent Gérard, 46 ans, le patron départemental du FN, organise une réunion avec des militants frontistes dans une salle communale, à Limoges (Haute-Vienne). L'occasion aussi pour cette figure locale du FN – candidat aux élections régionales de 2010 et aux cantonales de 2011, pressenti pour être candidat aux législatives de juin –, de fêter les 20 ans de la création de son entreprise d’électricité, basée dans le nord du département.
Le début de soirée est arrosé. Peu avant minuit, quatre d'entre eux font irruption au Duc Étienne, un bar dans le centre-ville historique de Limoges. Au comptoir, quelques jeunes habitués. À une table, une équipe de trentenaires termine ses verres après la fin du tournage d'un court métrage.
« Je ne les avais jamais vus (les militants du FN – ndlr). Ils se sont dirigés vers l'équipe de tournage. Ils ont crié “communistes de merde”, “étudiants gaucho de merde”, “on va tous vous exterminer”, des choses comme cela. L'un avait une batte de baseball. Ils portaient tous un pin's avec la flamme du FN. Ils voulaient "casser du communiste" », rapporte à Mediapart le gérant du bar, Franck Biscarrat. Un client appelle la police. Le militant avec la batte est placé en cellule de dégrisement. Il écope d'un rappel à la loi pour port d'armes et d'une contravention pour « ivresse publique et manifeste ». « Vous êtes des petits flics de merde, et ça va pas se passer comme ça, nous on fait de la politique », aurait lancé l'un de ses camarades en sortant sa carte du Front national, selon Franck Biscarrat.
Les trois individus s'en vont. Le patron du bar et son employé rangent le bar pour la fermeture. Mais trois quarts d'heure plus tard, ils reviennent. Cette fois avec une matraque téléscopique et un couteau. « Ils sont revenus en courant, mon serveur rangeait la terrasse, il s'est échappé. Je me suis mis à l'entrée du bar pour bloquer l'entrée. L'un a essayé de me mettre des coups de couteau dans le ventre. Je me suis pris un coup de matraque, raconte Franck Biscarrat. Mon serveur est revenu, on s'est enfermés dans le bar. Je n'avais jamais vu cela de ma vie ! », explique-t-il. Une version confirmée à Mediapart par la police.
Les trois individus sont rattrapés dans la rue par la police. Ils passent la nuit en garde à vue. L'un est mis hors de cause. Les deux autres sont convoqués le 19 juillet devant le tribunal correctionnel de Limoges. Vincent Gérard pour « violence sous la menace d'une arme et port d'arme », son camarade pour « violence avec arme et port d'arme ». Le gérant, dont le nez a été cassé, bénéficie d'une incapacité temporaire de travail (ITT) de six jours.
Le bar est connu pour être historiquement « de tendance gauche », explique à Mediapart un journaliste de la presse locale. Plusieurs altercations ont déjà eu lieu entre red skins et skinheads. Mais pas des rixes telles que celle-ci. « C'est un bar de quartier, il y a de tout, des jeunes, des musiciens, des habitants du quartier », raconte le gérant, qui assure qu'il n'avait jamais vu ces militants frontistes auparavant. Il apprendra le lendemain que l'homme au couteau était Vincent Gérard, qui devait porter les couleurs du FN aux législatives de juin. « Ils avaient deux grammes, ils ont picolé pour se donner le courage de venir faire ce qu'ils ont fait », explique le gérant.
Contacté par Mediapart mardi après-midi, Vincent Gérard ne cache pas son embarras : « C'est un incident mineur, banal. Il n'y a rien à dire, c'est banal », répète-t-il, évoquant « un petit accrochage entre des gens de chez eux et des gens de chez nous ». La nuit en garde à vue et les poursuites ? « C'est normal, c'est la procédure. » Le responsable frontiste estime surtout qu'il « était au mauvais endroit, au mauvais moment ». « Je ne connaissais pas ce bar. Je n'ai porté aucun coup. Si j'avais su que j'allais me retrouver dans une rixe… Je le regrette, j'ai dit que j'étais désolé », explique-t-il. « On est allés boire une bière. Vous savez, c'est le truc bête, vous allez boire un dernier verre… » Une explication qui ne convainc pas le gérant du bar : « Quand vous allez boire un verre, vous prenez votre batte de baseball, vous ? ».
Un lien avec le meeting de Jean-Luc Mélenchon, le 4 avril, à Limoges ? « Je ne mettrai pas le côté politique en avant dans cette histoire », insiste Vincent Gérard. Il reconnaît qu'il avait « fait une réunion dans l'après-midi », mais affirme qu'il n'y avait qu'un militant frontiste avec lui dans le bar. Ils étaient pourtant tous les quatre frontistes, selon le gérant et un membre de la police. Vincent Gérard dit militer au FN « depuis cinq ans ». A Nations presse, le site d'extrême droite, il précisait en décembre dernier militer « depuis trente ans ». Il abrège la conversation : « Je ne tiens pas à m'expliquer sur le sujet. C'est malheureux ».
Sollicité par Mediapart, Alain Vizier, directeur de comunication du FN, ne répond pas : « Un candidat aux législatives ? Moi je m'occupe de la présidentielle déjà ! », réplique-t-il, avant de renvoyer la balle au secrétariat général. Steeve Briois, secrétaire général du FN, n'a pas retourné notre appel (lire notre «Boîte noire»).
« Je comptais être candidat aux législatives sur la première circonscription, nous verrons si cela est toujours possible », a confié Vincent Gérard au site lepopulaire.fr.