Les « plans de sauvetage » plongeront-ils l’Europe dans le chaos?

Publié le 07 avril 2012 par Copeau @Contrepoints

Les « plans de sauvetage » de la Grèce n’ont, à l’évidence, pas sauvé le pays, mais aggravé la situation. Bientôt la même chose pour le reste de l’Europe ?

Par Vincent Bénard.

Il est encore trop tôt pour dire si Dimitris Christoulas sera le Mohammed Bouazizi d’Athènes, mais le suicide public sur la place Syntagma de ce retraité de 77 ans qui « ne voulait pas faire les poubelles pour survivre », et qui a laissé sur son corps une lettre qui constitue un appel clair au soulèvement violent, déchaîne les passions en Grèce. Avec une hausse du nombre de suicides de 40% d’une année sur l’autre, il ne parait plus impensable que la partie la plus éprouvée de la population grecque ait atteint le niveau de désespoir propice à la génération de très violents remous politiques.

Qui vivra verra. Mais revenons sur la situation qui a amené la Grèce à ce désastre.

Les plans de sauvetage (des banques) ont aggravé la situation

Les « plans de sauvetage » de la Grèce n’ont, à l’évidence, pas sauvé le pays. Ainsi, nous apprenons que le gouvernement grec, à la fin du mois de mars, pour faire face à une échéance de paiement de ses créanciers, a opéré une razzia sur les sommes détenues par diverses institutions publiques, hôpitaux régionaux, universités, régie électrique, sur leur compte à la banque centrale de Grèce. Je précise que ces informations n’ont pas été publiées le premier avril.

Les recteurs des 6 universités ainsi pillées ont dû annoncer une fermeture prochaine des établissements. Voilà qui va sûrement calmer les étudiants concernés. La Grèce est en faillite depuis 2 ans, les « plans de sauvetage » n’ont fait qu’aggraver la situation, et la chute n’en sera que plus haute. Aujourd’hui, la Grèce ne peut plus payer ses universités et ses hôpitaux publics. Demain, sa police ?

En décembre 2009, j’affirmais que la pire des solutions serait de ne pas laisser la Grèce faire défaut et de monétiser la dette : c’est évidemment la solution que nos élites (il faut le dire vite) eurocratiques ont adoptée. Quand un pays doit demander des efforts d’austérité inévitables à sa population, parce qu’il a été trop prodigue auparavant, il peut planter soit ses fonctionnaires, soit ses fournisseurs, soit ses retraités, soit ses autres allocataires, soit ses créanciers. En situation de défaut, l’équité suppose que l’effort soit à peu près également réparti.

Les Eurocrates ont préféré maintenir l’illusion d’un maintien à flot artificiel de la Grèce, en échange d’un plan d’austérité uniquement tourné vers sa population : le résultat est que la Grèce est en train de sombrer. Les agents économiques ne s’y trompent pas en échangeant nettement au dessus de 1000% (mille pour cent) la dette Grecque à un an sur le marché secondaire. Le prétendu « sauvetage » fut d’abord celui des banques créancières, mais il a fait long feu.

La Grèce doit d’urgence remettre les compteurs de sa dette publique extérieure à zéro et quitter l’Euro : elle ne pourra jamais redécoller sans une reconnaissance de sa faillite par la dévaluation massive de sa monnaie. La Suède, en état de quasi faillite en 1993, n’a pas procédé autrement que par la dévaluation. Mais elle n’a pas attendu d’être morte pour se soigner, ce qui lui a permis d’honorer ses dettes…

Or, tout porte à croire que les eurocrates persistent dans l’erreur des pseudo « sauvetages », et que ces plans ne feront que créer quelques autres Grèce, mais plus grosses.

LTRO, conséquences inattendues

Le plan grec a entériné le fait que désormais, les créanciers privés voient leurs titres de dette « subordonnés » à ceux détenus par la BCE a posteriori, en dehors de toute règle de droit. Cette subordination revient à un « effet de levier à l’envers », et conduira les créanciers privés des États à être beaucoup plus pénalisés en cas de « haircut » (explications détaillées ici). Résultat, les taux de la dette espagnole et italienne recommencent à augmenter sur le marché secondaire : les créanciers voient mécaniquement leur risque augmenté par la subordination, et réclament une « prime de risque » plus élevée.

Mais il y a plus : l’opération de LTRO, ces prêts à trois ans à taux très bas de la BCE aux banques européennes, font rentrer la BCE pour des sommes tout à fait importantes au passif de certaines banques… Et de fait, entraîne une crainte de la part des créanciers privés de ces mêmes banques qu’ils aient à subir, eux aussi, une subordination « du fait du prince » (explications détaillées : Zerohedge). Voilà qui assombrit les perspectives des grandes banques créancières des États, à leur tour regardées de travers par leurs propres créditeurs…

Et l’ensemble du secteur financier, dont les comptes ne sont guère brillants, va probablement subir par contagion le même phénomène.

À venir : plus de QE, de LTRO, et autres « impressions monétaires » plus ou moins camouflées

Des banques exsangues, aucun plan de gestion ordonnée de leur faillite… Et des États qui dépendent d’elles pour se maintenir à flot : l’équation est intenable sans une fuite en avant dans les « opérations non conventionnelles » de la BCE. Autrement dit, via de nouvelles LTRO, ou de nouvelles trouvailles marketing permettant d’éviter l’emploi du mot maudit « monétisation », la BCE va devoir de plus en plus se substituer aux créanciers privés pour écouler les titres de dettes souveraines.

Au fur et à mesure que la BCE portera à elle seule une part croissante du risque de défaut des États, et que ceux-ci, sous stabulation de fausse monnaie, ne trouveront plus d’intérêt à retrouver les chemins de l’excédent budgétaire (malgré les belles déclarations pré électorales…), alors l’inflation jusqu’ici tenue sous le couvercle de la marmite s’échappera de son enceinte de confinement. Les craintes inflationnistes empêcheront les investisseurs privés d’être trop aventureux et reporteront les investissements de ceux qui ont encore de l’épargne à sauver vers des « valeurs refuges » - Pierre et métaux - transformées en autant de « bulles spéculatives de la peur ».

La seule inconnue est le timing du désastre annoncé. Mais qui, pour moi, ne fait absolument plus aucun doute aujourd’hui : la situation de pays comme l’Espagne ou la France ressemble à celle de la Grèce il y a trois ans… Au moment où son défaut aurait dû être prononcé pour être encore gérable.

Il faut d’urgence annoncer la fin de tout plan de sauvetage des États européens en faillite, dissoudre le MES et le FESF, et, si des faillites souveraines en résultent, gérer les faillites bancaires qui en résulteront de façon ordonnée. Et après la grande correction, repartir sur des bases saines, sur un capitalisme de capitaux plutôt que de dettes improductives achetant de la fausse croissance.

Sans quoi nous bricolerons le système à coups de LTROs pour le faire tenir tant bien que mal quelques mois, quelques petites années même, mais nous finirons exactement comme la Grèce : au bord du chaos le plus brutal, et en tombant de bien plus haut que nous n’aurions dû.

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Sur le web

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  • Grèce, Espagne, France, pourquoi il ne faut pas de sauvetage européen pour les états mal gérés. (Article écrit en 2009. À l’époque, j’espérais que les allemands s’opposent à toute monétisation. Le 10 mai 2010, j’ai compris que j’avais surestimé Mme Merkel et ses ministres )
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