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Kathryn Stockett, La Couleur des sentiments

Par Missmymoo @missmymoo

Kathryn Stockett, La Couleur des sentiments

Kathryn Stockett, La Couleur des sentiments, éd. Jacqueline Chambon, 2010.

(titre original : The Help)

Tant à dire sur ce roman fabuleux, mais tellement peur de ne pas lui rendre justice, c'est dire combien j'ai savouré chacune des 525 pages de l'édition française ! Ne vous laissez pas rebuter par l'épaisseur ahurissante de cet ouvrage, qui pourrait faire pâlir J. K. Rowling et son dernier volume de Harry Potter en terme d'envergure (si si, j'ai vérifié, La Couleur des sentiment est bien plus épais), car ceci est un pur bijou. Tout comme ce dernier, je tiens le pari que dès les premières pages, vous ne pourrez tout simplement plus trouver la force mentale de le refermer (même si vos pauvres bras vous supplient en silence de leur accorder quelque répit). Autant prévoir dès à présent une posture confortable pour entamer La Couleur des sentiments, car vous risquez bien de prendre racine !

Ayant déjà une petite affection pour tout ce qui touche au sud des Etats-Unis et à l'Histoire de ce pays vers le milieu du XXe siècle, ce roman de littérature contemporaine ne pouvait que me passionner. Et ce n'est pas peu dire...

Il ne fait pas bon être noir au Mississippi durant les années 1960. Cet Etat du sud des Etats-Unis d'Amérique fait parti des plus conservateurs mais également des plus enclins à la ségrégation raciale. Les faits divers relatifs à des actes de malveillance (des "simples" passages à tabac aux meurtres racistes inspirés des méfaits du KKK) à l'encontre de la population noire font écho dans tout le pays. Kennedy est au pouvoir pour quelques années, Rosa Parks a enfin permis aux Noirs de prendre le même bus que les Blancs en toute liberté, tandis que Martin Luther King marche sur Washington et que la voix de cette partie de la population commence tout juste à se faire entendre. C'est dans ce contexte socio-politique mouvementé que l'auteure, elle-même issue de Jackson, Mississippi, ville où se déroule l'histoire, installe ses personnages et tisse entre eux des relations plus que complexes : celles des bonnes ( the help, titre original de l'ouvrage) noires et de leurs patronnes blanches. Alors que les préjugés racistes sont encore profondément ancrés dans les esprits de la population locale mais que l'Amérique s'éveille peu à peu, une jeune aspirante journaliste blanche de la bonne société locale se pose des questions sur la mystérieuse disparition de Constantine, la bonne qui l'avait élevée depuis sa naissance au sein de son foyer... mais personne ne semble vouloir lui avouer la véritable raison de son départ. Toutes ses interrogations, combinées aux sempiternelles réflexions déplacées de ses amies vis-à-vis de leurs employées, la poussent à l'écriture, la vraie : celle d'un recueil de chroniques. Les chroniques des bonnes et de leurs expériences, heureuses ou tragiques, drôles ou tristes, tout au long de leurs carrières et des multiples familles pour lesquelles elles ont travaillé, nettoyé le linge, fait la cuisine, élevé les enfants comme s'ils étaient les leurs... ces petits enfants blancs qui passent du stade de l'innocence à l'attitude ségrégationniste de leurs parents une fois atteint l'âge adulte.

Au-delà du thème passionnant du roman, car il demeure une fiction même s'il est fort inspiré de la vie personnelle de l'auteure (qui nous réserve d'ailleurs un dernier chapitre autobiographique en fin d'ouvrage, post-remerciements d'usage), toute l'originalité du livre réside dans le système de narration qui est adopté. Comment traiter d'un sujet concernant les rapports entre Blancs et Noirs, si ce n'est par la multiplicité des points de vue ? Ainsi donc, c'est à la première personne que se conjugue la quasi-totalité de l'action (à l'exception d'un unique chapitre au narrateur omniscient, réunissant tous les personnages au cours d'un évènement commun). Mais là encore, quel personnage choisir pour narrer cette histoire ? Kathryn Stockett dévoile une fois de plus une part de son génie, en adaptant la narration de son propre ouvrage à celui dont il est question dans l'histoire : au fil des chapitres nous dévoilant la naissance d'un recueil de témoignages, ce sont tour à tour deux bonnes noires et l'auteure du recueil en question, la jeune journaliste blanche, dont on suit l'évolution tout au long du déroulement de l'action.

Cette démultiplication des narrateurs qui se succèdent et s'intercalent tout au long de l'histoire amène une vivacité supplémentaire à l'ouvrage que n'aurait pas permis un narrateur omniscient mais inconnu, tout en permettant de varier les points de vue sur un sujet au combien complexe à appréhender selon le rang social et la couleur de la peau du personnage à cette époque. Petite cerise sur le gâteau de cette exceptionnelle pièce montée, on glisse au gré des mots et des pensées des personnages, comme si nous lisions leur journal intime, mieux, que nous pouvions remonter le temps et les accompagner successivement, à chaque instant de leur vie si passionnante, si mouvementée, si tragique et si émouvante à la fois.

Ma note pour ce livre (entre 1 et 5 étoiles) :

Kathryn Stockett, La Couleur des sentiments


Cet ouvrage connu un tel succès immédiat qu'il fut aussitôt adapté au grand écran dans un film du même nom, qui je l'espère, lui fera justice, car ce livre est un monument !


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