Théâtre Le Temple
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tel : 08 92 35 00 15
Métro : République
One man show écrit par Nicolas Bienvenu, Mohamed Bounouara, Lamine Lezghad, Manuel Montéro
Mise en scène par Nicolas Bienvenu
Le pitch : Lamine Lezghad nous plonge dans son univers à travers personnages et situations qui retracent sa biographie plus ou moins rêvée, voire délirée, en s’offrant le luxe de désopiler sans vulgarité et de tailler sans facilité…
Mon avis : Lamine Lezghad… Ah Lamine ! En me rendant au théâtre du Temple découvrir son one man show, j’avais en tête ses remarquables prestations dans l’émission On n’ demande qu’à en rire et sa performance d’acteur dans Le coup de la cigogne au côté de Jean-Marie Bigard. Je savais donc déjà que j’allais me trouver face à un excellent comédien. C’est déjà ça.
Une heure et quart plus tard, j’étais resté sur ma faim. Disons, pour être honnête, que j’avais grignoté et que j’étais loin d’être rassasié. Je m’explique… Lamine Lezghad a tout pour lui. Il est élégant, terriblement charismatique, très sympathique, et immensément doué dans tous les domaines. Il a les fossettes rigolardes. Il est toujours dans le bon tempo, il danse à ravir. Il est classe, quoi ! Dès son entrée en scène, qui est plutôt amusante, le public, la trentaine réjouie, est déjà chaud. Il est venu parce qu’ils l’ont vu à la télé et qu’ils en veulent un peu plus. D’ailleurs Lamine ne perd pas de temps pour rendre hommage à Laurent Ruquier et aux bienfaits qu’a apporté cette émission au petit monde des humoristes…
Le show qu’il nous propose est un habile cocktail entre le stand-up (pour le premier tiers) et les sketchs. Dans le prologue, Lamine se raconte. Il évoque avec énormément d’autodérision son métissage arabo-français, son enfance à Alger, son adolescence à Nîmes. Il émaille ses propos de nombreuses digressions. Il en ressort une sorte de bric-à-brac où alternent les bonnes vannes et les blagues un peu faciles, voire éculées (trouver qu’il y a beaucoup de Chinois à Pékin et dire qu’ils sont « débridés », c’est du niveau CM2). Dans cette première partie, j’ai trouvé que son jeu – en tout point excellent – méritait un texte plus en adéquation avec son talent. C’est parfois vraiment trop potache. Certes le public, qui lui est acquis, rit de bon cœur. Mais lorsqu’on possède un tel potentiel, on se doit d’être exigeant.
De fait, les quatre premiers sketchs, pour amusants qu’ils soient grâce justement à son aisance et à son capital sympathie, ne m’ont pas emballé plus que cela. Les idées sont bonnes (le maire qui bénit une union mixte arabo-juive, le régisseur africain qui découvre le monde de la corrida à Nîmes, l’animateur en milieu hospitalier, son entretien d’embauche) mais leur exploitation n’atteint pas un niveau de qualité suffisant. Ils lui permettent de faire étalage brillamment de sa facilité à prendre les accents (chinois, arabe, africain, juif pied-noir, antillais…). Mais ils sont plutôt convenus et souvent prévisibles. C’est la différence entre le prêt-à-porter et la haute couture.
Et puis soudain, à partir du cinquième sketch, que l’on pourrait intituler « J’ai arrêté d’être Arabe », il semble touché par la grâce, ou plutôt par la fée Ecriture. Là il est au niveau auquel on l’attend. Il y a tout dans ce sketch. Un super angle, un bon traitement, et il nous offre en prime une hallucinante séance d’exorcisme. Je me suis enfin régalé. Finis les amuse-gueule, place aux plats de résistance. Je les mets au pluriel car le suivant est aussi roboratif. Il s’y livre à une parodie de spermatozoïde que n’aurait pas désavouée Woody Allen. Au niveau de la gestuelle et donc du visuel, c’est du grand art… Quant au rappel, il n’est guère qu’un prétexte à jouer avec le public et à le taquiner. C’est également un bon moment.
Voilà ce que j’ai à dire d’Impeccable !, le one man show de Lamine Lezghad. Ce garçon a tout pour aller très loin et très haut. Il lui manque juste un peu plus de rigueur dans les textes. Il lui faut trouver des auteurs plus incisifs, plus caustiques. On peut tout se permettre avec un tel interprète. Quand on a un stradivarius à sa disposition, on ne lui fait pas jouer Viens boire un p’tit coup à la maison. Si tout était du niveau des cinquième et sixième sketchs, on toucherait à la perfection… Je me permets d’être un peu sévère car on n’a pas le droit de gâcher tant de talent. Mais, en dépit de mes critiques, je ne me suis jamais ennuyé car le garçon a une sacrée présence. Il faut même aller le voir pour imaginer tout ce qu’il est en mesure de nous offrir.