Erika: La mer, parent pauvre du droit de l'environnement (AFP)
PARIS - Annulation possible de la procédure de l'Erika, questions posées par la fuite de gaz sur une plateforme en mer du Nord ou les futures éoliennes au large des côtes françaises: la mer reste le parent pauvre du droit de l'environnement, estime l'avocat spécialisé Arnaud Gossement.
Q: La possible annulation par la Cour de cassation de la procédure judiciaire qui avait abouti à la condamnation de Total après le naufrage de l'Erika en décembre 1999 est-elle une surprise?
R: Objectivement, oui. Parce que nous avons quand même deux juridictions, le TGI de Paris puis la cour d'appel de Paris, qui avaient conclu à l'application de la loi française et à une indemnisation pour atteinte à l'environnement. C'était une première. Mais c'est une question d'interprétation du droit international: est-ce que l'infraction est constituée par le lieu de réalisation de la pollution, en zone maritime française, ou est-elle constituée par le lieu même du naufrage du bateau, qui n'était pas dans la zone économique exclusive (ZEE) de la France. Ces juridictions avaient estimé que les juridictions françaises étaient compétentes, mais pas l'avocat général de la Cour de cassation.
Q: Environnement et droit font-ils bon ménage en mer?
R: Le droit de l'environnement en mer est flou, c'est une mosaïque de textes pas toujours très précis. Concernant le cas de la fuite de gaz sur une plateforme pétrolière en mer du Nord, un rapport récent du Conseil économique, social et environnemental (Cese) montre bien que le droit n'est pas suffisamment protecteur pour prévenir ce type d'accident. Il propose qu'on puisse étendre sur les installations en mer les législations s'appliquant sur terre. Sur l'éolien en mer, une controverse a éclaté sur les dispositions du cahier des charges (de l'appel d'offres dont les résultats ont été dévoilés vendredi). On est également dans le brouillard concernant les forages en mer.
Q: Pourquoi un tel flou?
R: Historiquement, on s'est intéressé à la terre. Et on est en train de découvrir que la mer est le parent pauvre du droit de l'environnement. On a un peu oublié que les activités humaines allaient aussi se développer en mer, que ce soient les activités pétrolières ou de production d'énergie renouvelable. Mais ce flou ne profite pas qu'aux pollueurs. Les acteurs économiques eux-mêmes, par exemple dans l'éolien en mer, ont besoin d'un cadre juridique clair pour prévoir leurs investissements. Personne ne peut se satisfaire de cette incertitude juridique.
(Propos recueillis par Anthony LUCAS)
(©AFP / 06 avril 2012 13h21)