Mais la première tentative ne fut pas la bonne. «Ça n’a rien changé. J’avais encore l’obsession du jeu. Alors j’ai demandé à suivre une thérapie à l’interne pour 3 semaines. J’ai été abstinent pendant 6 mois parce que j’étais alors entouré de ma famille. Il y avait toujours du monde avec moi. On faisait attention à moi.»
Mais l’envie de converser avec les machines vidéopoker est irrésistible. Ali rechute. «Peut-être que je n’ai pas fait tout ce qu’il y avait à faire, comme me tenir éloigné des bars où il y a des machines», reconnaît-il. À cette époque, Ali avait un emploi. Les 6 mois d’attente lui ont permis de se renflouer. «Le jeu est revenu plus fort que jamais. C’était devenu un besoin. Je ne peux pas me l’expliquer…»
Abstinence du jeu
Le jeu revient dans la vie d’Ali et ses vilaines habitudes refont surface. En 2007, Ali vole encore son frère. «Je ne suis pas allé tout de suite en thérapie. Je venais de rencontrer une fille. J’ai plutôt déménagé chez elle à La Prairie pour m’éloigner, me changer les idées. Je travaillais 6 jours sur 7 dans la restauration, à Delson. Je m’abstenais. Je ne ressentais pas le besoin d’aller jouer jusqu’à ce que ça aille mal dans le couple. J’ai recommencé à jouer.». Ali dépense tout son argent, ce qui cause encore plus de frictions dans sa relation. Il revient à Montréal moins d’un an plus tard.
À son retour, il décide de consulter un psychiatre à l’hôpital Louis-Hyppolyte Lafontaine. Il en sort déçu. «Ça n’a pas donné grand-chose. Il a tout mis sur ma faute. C’est moi qui voulais aller jouer. Pour lui, ceux qui mettent la faute sur leur enfance, il n’y croit pas. Tu es responsable, tu veux jouer, tu y vas. C’est ta faute.»
Rechute
Ali est bien embêté. Malgré son bon vouloir, le jeu l’obsède toujours. Sa famille décide de l’envoyer vivre en plein désert marocain pendant 7 semaines. «Ils pensaient que ça m’aiderait, un endroit sans machines à sous. Ils pensaient que ça me guérirait. Dans le désert, ce n’était pas la joie. Mais j’ai réussi à oublier le jeu. Mais quand j’ai senti que mon retour était imminent, j’avais hâte d’aller au casino. Je niais, je mentais sur mon envie de jouer, sur le fait que j’allais jouer sitôt rentré.» Le lendemain de son arrivée, Ali ira dans un bar dépenser 750$ dans une machine vidéopoker.
Le jeune homme est bien décidé à trouver un remède à ses problèmes. Il entend parler du centre Dollar Cormier qui offre un an de suivi, à raison d’une rencontre par semaine. Sur les conseils des intervenants, Ali assiste également à des réunions de Gamblers Anonymes (GA). «Mais le jeu était toujours en moi. Parfois, après les rencontres, j’allais jouer. C’est con, mais quand j’allais jouer ces temps-là, je gagnais tout le temps. Quoiqu’on n’est jamais gagnant, à jouer. Parce qu’on finit toujours par en remettre plus que ce qu’on gagne. J’en ai parlé, aux intervenants de Dollar Cormier, que je continuais à jouer. J’avais besoin de plus d’encadrement.»
En 2009, Ali suit une thérapie à l’interne à la Maison Jean Lapointe. «Je voulais un endroit plus solide pour m’encadrer, m’enfermer.» Ali y séjourne 3 semaines avec un suivi de 3 mois par la suite. «Je suis sorti de mes trois semaines cassé en deux. Je me suis débarrassé d’un boulet que je traînais depuis l’enfance. J’y ai appris à pardonner. À me pardonner. Je n’avais pas d’emploi, je me sentais malade.
Le boulet d’Ali
Avec les intervenants de la Maison Jean Lapointe, Ali réalise qu’il a refoulé beaucoup de rage parce qu’il a été élevé en se faisant battre. «J’ai été frappé pour étudier, pour aller à l’épicerie, pour prier. Tout ce que ma famille savait faire, c’est de me battre.»
Ali repense à cette journée où son grand frère l’a sauvagement battu. «J’avais 14 ans. Mon frère avait la trentaine passée. Il m’a battu pendant que mes parents étaient à l’étranger. Il m’a battu de 15h à 21h. Il m’a donné des coups de genoux, il m’a brisé une chaise sur la tête. J’avais le visage tout boursouflé, comme un éléphant. J’ai reçu des coups de ceinture dans le dos. J’étais coupé à vif. Le lendemain, j’étais incapable de m’assoir. J’avais trop mal. Le pire, c’est que je ne l’avais pas vu depuis 8 mois!»
Son frère l’enferme dans la maison et le force à étudier. «Quand il rentrait, il venait me voir en me donnant une violente gifle derrière la tête, me demandant si j’avais bien appris mes leçons. La claque me faisait perdre tout ce que j’avais appris. Alors comme il pensait que je n’avais rien fait de la journée, il en profitait pour me battre. J’ai été élevé en me faisant traiter de bon à rien.» Quand l’histoire vient aux oreilles de sa mère, elle tente de se poser en arbitre. «Peut-être qu’Ali l’a mérité?» Cette phrase est restée gravée dans la mémoire d’Ali. «Je le lui ai souvent reproché. Je l’ai mérité, c’est ça maman? T’étais même pas là, tu ne sais même pas pourquoi il m’a battu.»
Ali envie ses amis, la façon dont ils sont traités par leurs parents. «Moi, on me forçait à apprendre mes tables de multiplication en une journée. Étudier sous la pression, manger sous la pression… Chez moi, c’était toujours ma faute. Ça ne servait à rien que je me défende. C’était une histoire entendue, j’allais quand même manger une volée. Te faire battre sans raison, quoi que tu fasses, il faut le vivre pour savoir comment ça peut affecter psychologiquement un être humain. C’était tellement rough chez nous.»
Il aura fallu bien des thérapies à Ali pour qu’il comprenne la rage qui ne le quitte jamais. Le jeune homme n’a pas encore fait la paix avec son enfance. Mais savoir qu’il a refoulé des traumatismes pourra le guider vers la guérison.
Première parti du témoignage
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