Le réel n’est jamais ce qu’on pourrait croire mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser.Ensuite la lettre d’adieu du père à ses trois enfants avant son suicide:
Dehors, les arbres font une couronne mouvante à la maison qui craque de toutes ses jointures. Du bois, partout du bois. Le vent s’est remis à souffler comme un dieu furieux, je lui confie quelques baisers pour vous. C’est un temps parfait pour partir.Le récit lui-même est divisé en deux parties: les fantômes du temps et le temps des fantômes.
Dans la première, la plus réussie, on découvre les trois enfants de Sergueï, de 20 à 30 ans, un an après le décès de leur père. On apprend à les connaître avec leurs faiblesses. Pierre, l’aîné, le plus sérieux et le plus raisonnable mais qui cache aux autres sa liaison avec une maîtresse, Anne, toujours un peu révoltée, prête à retourner vivre avec celui qui l’a récemment quitté, au grand désespoir de ses frères et enfin Joshua, le peintre dessinateur, sympathique, enjoué, mais fantasque et rêveur, qu’on adore mais sur lequel il ne faut pas trop compter.Leur ascendance russe les a marqués mais leur vie est pleinement parisienne. Ils vivent au présent et à cent à l’heure, désireux d’oublier le passé trop lourd et encore plein de secrets d’une famille qui s’est en partie compromise avec le régime stalinien
Dans la seconde partie, plus lente, ils se retrouvent en pleine campagne dans cette maison qu’ils doivent vendre à contre cœur pour des raisons financières. Auparavant, ils doivent faire le vide de cette maison d’enfance encore si pleine de souvenirs. Elle est froide, humide, encombrée de vieilleries mais encore si tendrement aimée. L’agent immobilier chargé d’en faire l’estimation est une personne odieuse et indélicate. Ils hésitent désormais à la vendre.La fin est belle bien que traumatisante. Une vraie fin de roman. J’ai surtout aimé le ton léger, vivace et sensible à la fois, adopté par l’auteur pour traiter cette histoire de famille qui s’effrite. Loin d’être triste, c’est plutôt de nostalgie légère, de révolte feutrée et de tendresse enfantine qu’est fait ce récit dont l’humour n’est d’ailleurs pas absent. Un premier roman qui laisse espérer un second peut-être encore mieux maîtrisé.La maison Matchaiev de Stanislas Wails (Serge Safran éditeur, décembre 201, 251 pages)