Magazine Journal intime

Grenouilles

Par Eric Mccomber
Depuis quelques soirs les batraciens chantent à tue tête le long des rives du Vidourle. C'est la troisième fois que suis témoin du phénomène et chaque fois, je me retrouve catapulté dans mes souvenirs. C'est que jadis, il y a de cela, disons, au moins trois ou quatre siècles — c'était juste après l'invention de l'électricité —, mon groupe Jéricho et moi avions loué un magnifique chalet isolé loin dans les Cantons de l'Est, à quelques lieues désertiques du lac Memphrémagog. Nous y avions monté un studio d'enregistrement temporaire et, pendant deux mois, nous avions vécu un trip inouï, à caler piste après piste de ce qui devait devenir Le Septième Jour, le seul et unique disque du groupe, dont absolument personne au Québec n'a voulu, mais alors totalement systématiquement personne. C'est finalement un label soul de NY qui avait failli sortir le CD, ce qui a fini par me convaincre (en conjonction avec les compliments insistants des Pink Martini, à l'époque sidéralement inconnus même de leurs mamans, c'est dire si ça fait une paie) que le truc valait quelque chose. La galette s'est mieux vendue au States, en France, au Japon et au Royaume-Uni (grâce à une dithyrambe de Steven Snyder de BCC World) qu'au Québec, ce qui n'est pas rien. Bref. J'ai toujours su me faire ignorer de ma mère patrie et c'est apparemment pas demain la veille que ça s'arrêtera. Tant pis, tant mieux, tempura, t'en pourras plus, tempus fugit, dura lex sed lex.
Pour faire une histoire courte (trop tard ?), c'était le printemps des grenouilles dans les Cantons de l'Est, en cet an de grâce 1148, et si vous écoutez bien, dans la plupart des pistes enregistrées de soir (toutes les batteries, par exemple, parce que Bertil Schulrabe était engagé le jour dans un autre projet) sont tapissées des chants nuptiaux des petits reptiles gluants. Après trois heures à tenter d'isoler les fenêtres et les portes avec des mousses et du ruban, nous avions fini par décider que bof, ça restera comme ça.
Et puis, pour un projet dissident, insoumis, rebelle, invendable, et résolument souverainiste, quoi de plus à propos que le chant des frogs…© Éric McComber

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