Je suis heureuse de vous présenter Jacques ! Un grand monsieur qui saura vous toucher en plein cœur.
Bravo et merci Jacques ! Une rencontre comme je les aime : belle et naturelle.
Merci également à Nadine du site “Planète surdoué” qui a permis cette nouvelle rencontre et cet échange.
Honneur à l’artiste !
Étiez-vous intéressé par la peinture et l’écriture lorsque vous étiez enfant Jacques ?
Oui tout à fait, enfin, …
Chronologiquement, j’ai d’abord ressenti vers le CE1 – CE2, de ce dont je me souvienne, l’incapacité à entrer dans un groupe d’amis, à pouvoir me lier d’affection avec mes camarades, à l’école, comme à l’extérieur, je n’aimais pas leurs activités, leurs jeux, leur monde, leurs cris, le bruit.
J’étais très contemplatif, et tourné vers la nature.
Puis ce fut les sensations de basculer dans une nécessité pressante, celle de prendre mes distances, de me mettre de coté, pour y être tranquille, et ne plus avoir à être celui qu’il fallait que je sois, pour faire parti de leur groupe.
C’est alors que les livres ont commencé à m’envahir, ceux qui me tombaient entre les mains s’en trouvaient avalés, de ces fades collections rose, verte, rouge et or, qui très vite m’ennuyèrent fortement. Je plongeai donc à corps perdu dans les livres de grands ! en entrant au collège, puis les classes s’en furent tandis que nombre d’auteurs s’en vinrent me subjuguer ; de fait ma marginalisation s’intensifiant, je dévorais les écrits et lisais presque tout le temps, en classe, en récréation, sur un banc, en bibliothèque où je me sentais en famille, au milieu de tous ces ouvrages, en mangeant, et caché sous mes draps tard le soir avant de m’endormir ma lampe de poche à la main.
Parallèlement, l’écrit m’est apparu comme incontournable, la nécessité d’exprimer par les mots ce que je n’échangeais pas avec les autres, et ceci ne fit qu’augmenter plus les années passèrent, surtout de la classe de cinquième jusqu’en terminale, puis en faculté de Lettres. Plus j’écrivais, plus je ressentais le besoin d’écrire.
De retour du service militaire, choqué et traumatisé par ce que j’y avais subi, mes orientations littéraires, picturales et culturelles s’en trouvèrent intensifiées et étendues, par la religion, la philosophie, l’Antiquité, l’architecture, la politique, l’ethnologie, les musiques modernes, classiques, l’opéra, le cinéma d’auteurs, la photographie, la danse, mais aussi, et c’était nouveau pour moi, l’intérêt pour des matières proches des sciences …
La plupart de mes quelques amis étaient plus âgés que moi, puis par la suite vraiment bien plus avancés en âge, pour aller chercher dans leurs souvenirs émus, les récits de l’histoire d’un passé dont souvent je doutais.
Quant à la peinture, c’est au lycée que j’ai gouté avec délices aux pages d’une encyclopédie, puis visité des musées, admirer des livres d’Art, et m’intéresser à l’histoire de l’Art pour avancer, comprendre, et me noyer dans cette soif torride d’appréhender les formes, les couleurs, le mouvement, l’émotion.
Mais je n’ai franchi le pas qu’après des années de tests, de doutes mêlés d’envies, d’un mode d’expression complémentaire à l’écrit, pour enfin vraiment m’enfuir par la peinture à vingt huit ans en figuratif, puis admirer l’Art Moderne, et me jeter dans l’Abstraction, où reste toujours captivé par la totale liberté créatrice qu’elle offre, en dehors des codes et des académismes.
Regardez-vous encore le monde avec vos yeux d’enfant ?
Tout à fait, et j’espère garder ces yeux le plus longtemps ouverts, comme les passions et les révoltes qui m’animent en me gardant vivant et alerte, sachant qu’on peut me voir comme un passéiste, un ringard, un réactionnaire, ou les trois ! peu m’importe, je ne suis pas le premier à penser de la sorte, le présent pleure déjà les manques du passé, que l’avenir viendra confirmer en termes de qualité esthétique et culturelle.
Oui, une certaine candeur est encore là en moi, mais souvent à y repenser, je ne crois pas avoir vraiment eu d’enfance, en tout cas pas celle que mes camarades ont pu vivre, car j’ai fuis leur enfance ou je m’ennuyais, à huit ans j’eu la chance de partir pour la première fois, sans mes parents, faire un voyage en Angleterre en immersion, puis bien d’autres voyages suivirent, et furent aussi, des vecteurs puissants pour m’inviter à l’ouverture et à la découverte de la différence des cultures et des personnes.
Aussi j’ai conservé et développé, frénétiquement, bien sur encore aujourd’hui, quotidiennement, ma vie par l’amour, l’émotion, les Arts et la culture, comme ma nutrition vitale en reflet de ma créativité.
Eclectique et très sensible à l’esthétique et la beauté, comme face aux sublimes merveilles de la nature et du monde animal, je garde encore une complète croyance et des espoirs (dont beaucoup se moquent et trouvent bêtement naïf, ce dont je n’ai que faire) en un juste retour à l’Humain vrai, propre, désirant fuir la vie consumériste, dévorante, étouffante, superficielle, égoïste, et suffisante, pour retrouver une vie simple et juste, axée sur l’essentiel utile et nécessaire.
Artistiquement et culturellement, j’étais et persiste accroché à nombreuses valeurs d’un passé, qui m’apparait si souvent plus riche et incontournable, dans les apports que l’on y trouve (et retrouve) continuellement, au point d’y revenir si souvent, pour y venir chercher les éléments qui manquent cruellement à notre époque, ou au moins pour mieux comprendre l’histoire et l’époque actuelle, mais aussi pour espérer en un futur plus juste et renaissant.
Quels sentiments vous a laissé votre première rencontre avec l’art ?
Ma première rencontre avec l’Art fut parallèle à la découverte de l’amour, j’ai été ému, mes mains transpiraient, mon cœur battait fort, ma tête me tournait, j’étais en apesanteur !
Je suis entré classe d’Art comme en voyage d’amour, j’ai pris le tout, et l’un motiva l’autre simultanément et réciproquement…
La vie m’a vraiment sauté au visage par le biais de la lecture, n’ayant à l’origine de part ma mise en marge, que peu perçu le monde qui m’entourait, je le redécouvris réellement au travers des riches œuvres qui me parlaient un langage auquel j’accédais, alors que je ne parvenais à comprendre celui du monde de la soi-disant “normalité”, tout en le fuyant d’ailleurs en simultané.
Ma première rencontre avec l’Art vrai et riche me vint par Tourgueniev, en entrant en classe de sixième, avec son si bel opus : Premier Amour, puis aussi avec l’Etranger de Camus, c’est alors qu’en ces moments j’ai vibré pleinement et pu m’émouvoir de l’excellence du texte, du vocabulaire , du phrasé, et surtout de la stylistique, ce qui ensuite me guida comme irradié vers l’écriture.
Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer par la peinture et par l’écriture ?
Tout d’abord j’ai eu beaucoup de mal, à mélanger l’écriture avec les aspects commerciaux qui suivent l’acte créatif, souvent prêtant puis donnant des exemplaires de mon premier livre, car je ne pouvais me résoudre à en demander de rétributions, il m’était bien plus plaisant d’avoir pu apporter mes mots choisis en évasions lettrées, et d’obtenir en cadeaux les émotions de mes lecteurs, puis d’échanger en direct avec eux, en leur joignant une dédicace personnalisée, que d’encaisser une somme d’argent.
Pour les toiles cela n’a pas été le même cas, vraisemblablement aussi en raison du fait que l’écriture est ma forme de créativité première, et que les mots qui viennent construire mes textes ne jaillissent pas du même processus créatif ; les mots, le phrasé, la stylistique, sont pour moi les plus purs éléments de ce que mes émotions et mon mental reflètent de moi ; la chromatique, le mouvement, l’instantané de ma peinture, sont les costumes et le décor qui viennent équilibrer mes écrits.
La création pour moi, (et j’utilise volontairement le terme de création, au regard du sale markéting financier de certains J.Koons ou Murakami, qui croient encore être des artistes, alors qu’ils ne sont que plus de vils marchands opportunistes, qui se moquent de l’Art et du monde au passage) n’est pas un produit de consommation au même titre que d’autres biens comme la technologie ou l’habillement, c’est un espace que j’entrebâille pour ceux qui le veulent investir, afin d’humblement tenter de leur donner le mieux de mes délires et ivresses de nuits à écrire, pour espérer masquer une part des monotonies de leur vie quotidienne, tout en se plaçant dans une volonté de faire passer ses idées, ses vues et réflexions, pour poser ou amener des questionnements, faire réagir, remettre en cause, échanger.
J’aimerai faire donc passer ces quelques messages au travers de mes écrits et de mes toiles :
La différence subie, cachée, étouffée par les autres, est souvent mal vécue par les hpi, parce que négative.
La différence affirmée, revendiquée, assumée, argumentée, est à contrario positive.
La différence n’est pas une volonté de sécession ou de prétentions, elle est, je crois, naturelle chez le créatif hpi et non décidée, ou calculée.
Aussi ” l’autre ” a besoin de stigmatiser le créatif et d’autant plus le hpi, car ” l’autre ” EST aussi de fait, parce que le hpi existe, dans le sens où le hpi est son non-Moi, en dehors de ses codes et de ses frontières ; donc une manière de pouvoir le désigner, le repérer, le mettre de coté, de cette différence dont « l’autre » veut se protéger, qu’il ne connait ou ne veut pas connaitre, et qui lui fait peur puisqu’elle le renvois à sa “normalité”.
En politique ce type d’attitude mène souvent au racisme (là où voir qu’un africain n’a pas la même couleur de peau qu’un européen est aisé, mais ne signifie rien évidemment sur une quelconque différence), et pire à l’antisémitisme (là où les pétainistes firent des expositions pour lister les soi-disant caractéristiques permettant de reconnaitre un juif d’un chrétien, qui pourtant ont la même couleur de peau, cela en amène au sordide et à l’abject).
La xénophobie ou la non acceptation de la différence, n’est que la piètre peur d’être l’autre que soi.
Pour ma part, l’artiste joue de sa créativité sur deux axes principaux : le fond et la forme.
L’un et l’autre, sont à mon avis, totalement indissociables, on ne peut écrire ou peindre dans seul but de rendu esthétique ou esthétisant, ce qui est pire ; il y a au préalable l’âme et la sensibilité ou hypersensibilité du hpi créatif, sa perception des strates, des rêves et des altérations de conscience où il se rend pour ensuite travailler à ses productions.
C’est ainsi, que je laisse constamment et naturellement se réunir ces deux aspects, qui sont complétifs et inséparables, pour apporter autre chose d’indicible, ces petits plus qui j’espère permettent de voyager, de s’en aller perdre vers des lieux insoupçonnés, partir à rebours de soi même, et surtout partager mes émotions avec ceux qui me liront ou observeront mes toiles, des joies et des tristesses parfois si mêlées, puisqu’elles sont l’expression de nous, de nos rêves, et de nos vies propres.
Et si l’adulte douancé était un guide pour l’autre ?! Quel(s) héritage(s) pourrait-il laisser ?
Très souvent je le dis (quand cela est possible) que je n’ai aucune prétention, je ne suis pas prosélyte, je n’oserais jamais dire que je prétend détenir la vérité, d’ailleurs y a t-il une vérité universelle, ou bien des aspects de vérités en certaines personnes et peu ou plus chez d’autres ?
Il n’existe personnellement que ma volonté de parachever au mieux mon ouvrage créatif, et de me donner tant que je le peux, du plus profond du cœur, de ma psyché, dans ma créativité, pour l’offrir ensuite à ceux qui y seront sensibles ; l’émotion que je ressens dans les yeux ou la voix d’une personne ayant aimé mes textes, est le plus beau des retours en terme humain que je puisse recevoir.
D’ailleurs je doute régulièrement, me remets en question, accepte totalement la critique argumentée et constructive, et ne dénigre pas (tous !) les autres, seulement la bêtise, la fatuité, la méchanceté gratuite, l’intolérance, le culte de l’apparence, le vide de certains qui se croient pourtant si plein de creux désertiques, qu’ils en viennent à monter sur des scènes médiatiques préparées à l’avance, ou venir se montrer dans des cénacles parisianistes bien pensants, pour remuer leur plumes et faire la roue, et se donner une contenance qui est bien souvent tant ridicule que pitoyable.
Il est je pense possible, que l’adulte douancé créatif, puisse apporter aux autres, au travers de ses travaux, pour autant qu’il soit accepté tel qu’il est, sans le stigmatiser ou le regarder comme une être difficilement compréhensible.
Faisons d’abord la paix, écoutons nous, puis l’échange pourrait s’instaurer, et le hpi saurait ensuite s’ouvrir et communiquer avec les autres, mais tant d’adultes douancés, non testés dans l’enfance, des années et souvent nombreuses périodes, d’incompréhensions, de rejets, de non acceptation, de perte de repères, d’états dépressifs, de douleurs multiples, de solitudes incomprises, de doutes, ne s’effacent pas si vite.
Car comme on le voit dans l’Antiquité iranienne en – 600 avant J.C, le rôle que le penseur Zoroastre prônait (fondateur du Zoroastrisme et réformateur de l’ancienne religion iranienne le Mazdeïsme), qui n’était ni un prophète ni un intermédiaire entre Dieu et les hommes : la bonne pensée, la bonne parole, la bonne action … On retrouve les mêmes fondements de pensées chez les philosophes du siècle des Lumières, puis chez V.Hugo, F.Nietsche, ou enfin J.P.Sartre : le vrai rôle du philosophe, de l’écrivain, est d’observer ses semblables dans leurs vies et problèmes quotidiens, puis de se retirer au loin dans un endroit calme et/ou désertique, dans le but d’intérioriser et de réfléchir, afin d’ensuite s’en retourner auprès des hommes, pour leur rapporter les fruits de ses réflexions et de ses acquis, afin de les aider à avancer, à se comprendre, à trouver leurs chemins.
C’est à ce titre que la douance est, il me semble, assez proche ce type de pensées.
L’adulte douancé créatif serait, selon moi, un passeur, venant par sa différence, toutes proportions gardées bien évidemment par rapport à ces grands écrivains et philosophes cités plus haut, et surtout sans prétention, hormis ses hautes potentialités spécifiques plus orientées dans tel ou tel domaine, de tenter au mieux de perpétuer une certaine idée de la mémoire culturelle, de par sa créativité et ses œuvres, comme un canal en suivant ce type de procédé de réflexion très ouvert, puis de libres échanges entre l’un et l’autre, en s’insérant pour ne pas les oublier, dans les traces des œuvres de ceux qui firent nos cultures artistiques et humaines, dans les siècles passés, et qui manquent si fort aujourd’hui, aux cœurs de la littérature, de la philosophie, de la peinture, mais surtout aux cœurs des hommes, et dans bien d’autres domaines créatifs, culturels, ou des sciences humaines …
Et si il ne vous restait qu’un seul mot à partager avec le monde, vous choisiriez lequel et pourquoi ?
Vous avez pu le constater dans notre entretien, il m’est difficile de synthétiser, je vous répondrais donc, que je choisirais :
amour, passion, merci.
- Amour : car c’est pour moi le moteur de tout ici-bas, le fondement de tout ce qui nous anime en tant qu’êtres humains, le sentiment le plus fort qui guide et participe profondément, à ce qu’humblement, je reçois et tente de donner au mieux d’abord à mes proches, puis à ceux que j’aime ou/et que j’espère pouvoir aider.
- Passion : car il n’y a pour moi que peu ou pas d’excitation dans une vie sans passion, qu’elle soit amoureuse, humaine ou artistique, mystique ou engagée, politique, philosophique, sociétaire, je vis dans ces passions qui parfois me veulent dévorer, mais dont aussi j’accepte souvent de l’être, pour ensuite jaillir en renouveau, heureux, presque ivre, et fasciné.
- Merci : d’abord ce mot pour ceux de mes plus proches qui m’ont laissé les aimer, m’ont fait confiance, et que j’espère avoir aimé aussi fort en retour, … ensuite le mot merci pour tous ces êtres qui ne m’ont pas attendu pour partir vers leur dernier voyage, tous ces artistes, ces maitres, qui toujours aujourd’hui bercent mes nuits, illuminant ma vie de leurs puissances suggestives indispensables et sublimes ; que n’aurais-je pu être, exister, et percevoir des Arts sans eux, dont je ne puisse me passer, et dont ils m’ont forgé tel que je suis, j’aurais tant voulu pouvoir leur donner l’accolade et les remercier du plus profond de moi-même, pour tout ce qu’ils m’ont donné et m’offriront encore d’eux même dans le futur, ce tout que je garde comme un trésor inaltérable et irremplaçable.
Voilà, ce n’est que moi et mon ressenti par rapport à vos questions, auxquelles il m’a été bien agréable de répondre, surtout dans le but d’alimenter le débat sur la douance, vu du coté créatif, comme de pouvoir apporter mon humble pierre à faire avancer les choses.
M E R C I … C’est moi qui vous dit un grand MERCI Jacques. Vous m’avez donné votre confiance et je vous en suis extrêmement reconnaissante.
Maintenant, je laisse à nos chers lecteurs, le plaisir de découvrir vos peintures…
Cliquer pour visualiser le diaporama.Peintures ©Jacques V.