Mélenchon: «L'insurrection est un devoir sacré de la République» (journal Libération)
La place du Capitole, ce soir, pour le meeting de Jean-Luc Mélenchon. (Photo Pascal Pavani. AFP)REPORTAGE
Tout à tour lyrique, didactique, ou grave, le leader du Front de gauche a une nouvelle fois réussi à galvaniser la foule, massive, massée place du Capitole à Toulouse.
Par Lilian ALEMAGNA, envoyé spécial à Toulouse journal LIBERATION«Allez! On a fini le rouge, on fait le noir!» En plein milieu de la place du Capitole de Toulouse, ils sont huit en ligne à agiter de grands cartons pour faire sécher la peinture. A leur pied, la banderole du rassemblement: «Prenons le pouvoir, votons Mélenchon».
Du rouge, Jean-Luc Mélenchon en avait beaucoup en face de lui hier soir. Drapeaux, pulls, cravates, collants... Le candidat du Front de gauche à la présidentielle a rassemblé de nouveau plusieurs dizaines de milliers de personnes (70 000, selon les organisateurs), venus en centre-ville malgré la pluie. «Je connais bien ma ville. C'est colossal», entend-on en coulisses. La «réplique» voulue par Mélenchon à sa «reprise de la Bastille» mi-mars à Paris est d'une magnitude élevée.
Lyrique puis didactique, grave, son discours dure un peu moins de trente minutes. Mélenchon répond d'abord à la droite qui critique le «coût» de son programme: «Je vous demande moi des comptes sur le malheur que vous répandez?» Puis il égrène sa vision républicaine et internationaliste. «Constituante», nouveaux droits constitutionnels, «souveraineté» du pays, nouvelles alliances... «Dès lors qu'il n'y a plus de liberté, l'insurrection est un devoir sacré de la République», lance-t-il. Son discours est réussi. Le rassemblement aussi.
«RESISTANCE»
Avant l'entrée en scène du candidat, beaucoup patientait déjà pour assister au deuxième des quatre grands rassemblements du Front de gauche avant Marseille le 14 avril et le Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris le 19. Dans le public, les pancartes sont tenues fièrement: «Osons Mélenchon présidons», «Dans le Mélenchon, tout est bon»... Celle d'Elsa c'est «Le bonheur existe et j'y crois». Cette assistante de vie scolaire de 41 ans a inscrit «RESISTANCE» au feutre sur son front. Elle est fière: «Maintenant qu'il est troisième, le vote utile, c'est Mélenchon. Je dis aux copains de se faire plaisir!»
Derrière elle, en plein milieu de la place, Leïla Chaibi, agit-prop en chef au siège de campagne, l'Usine, aux Lilas (Seine-Saint-Denis), dirige «l'atelier
pancartes». Comme dans le métro à Paris, ses «mélenchanteurs» ont déambulé dans les rues de Toulouse avec guitare, écharpes à plume et perruques. Ils ont arrosé leur soirée et,
avec leurs chansons et affiches, «on a mélenchonisé le bar», s'esclaffe la militante. Elle y croit: «A chaque fois, la réalité de cette campagne dépasse nos espérances... Alors,
pourquoi ne croirait-on pas au second tour?»
«On était à la Bastille, et on sera à Marseille!»
Accoudés à la rambarde, Lucien 59 ans, attend de pouvoir se mettre au pied de la scène. «Mélenchon a le seul discours de gauche. Il parle du Smic, veut s'occuper de la base.» A côté de lui, André, 82 ans, est venu du Gers avec son fils. Il a 66 ans de carte au PCF: «J'ai connu Jacques Duclos, George Marchais!» Et il adore Mélenchon. Cinq camarades coiffés de bonnets frigiens se présentent. «On est allé sur Internet chercher le patron, puis c'est ma mère de 77 ans qui a terminé la couture hier soir», dit Nicolas, 48 ans, architecte et militant au Parti de gauche.
«On était à la Bastille, et on sera encore à Marseille!» prévient son camarade Jérôme, 36 ans, chef d'entreprise. Il a mis sa cravate rouge. A la Mélenchon. «Il faut que ce meeting recrée une dynamique comme après la Bastille, espère David, 23 ans et militant PCF. On n'a jamais été si proche du second tour!» D'un coup, on entend au loin Mélenchon scander «Résistance! Résistance!» C'est la sonnerie du portable! Jean-Michel, 52 ans, artiste, insiste lui sur son engagement: «Ce n'est que la deuxième fois que je descends dans la rue. Et pour me bouger, à mon âge... On a enfin trouvé quelqu'un qui nous fait sortir pour quelque chose.»
«Les socialistes ne comprennent pas...»
A la terrasse d'un bar, trois jeunes en bleu patientent avec un monaco. Ils sont à l'UMP. «On est venu voir», dit Franck, 23 ans, responsable des Jeunes populaires dans l'Aude. La mobilisation Front de gauche, ils n'y croient pas. «Pour moi, c'est un effet de mode. Leur programme est utopique». Plus loin, Marie-Pierre Vieu, présidente (PCF) du groupe Front de gauche au conseil régional Midi-Pyrénées ironise: «Les socialistes ne comprennent pas les ressorts de notre campagne... Ils ont oublié 2005. On n'est pas qu'un ''phénomène'' Mélenchon. Nos initiatives publiques sont pleines, on retrouve d'anciens communistes qu'on ne voyait plus, des socialisants retrouvent la lumière et il y a des jeunes!»
La responsable communiste, 44 ans, se rappelle à sa première «lutte» étudiante, «sur cette place» en 1986, contre le projet de loi Devaquet. Hier à Toulouse, la génération de gauche née en 2005 avec la campagne pour le non à la Constitution européenne a prouvé qu'elle a su se rassembler. Et qu'elle compte bien s'émanciper.