L’Egypte s’apprête à vivre un période électorale charnière dans l’histoire du pays. L’armée est encore au pouvoir alors que le parlement ne lui est pas favorable. La future constitution reste à définir. Plusieurs candidatures importantes restent à préciser.
Article extrait de la lettre du monde musulman n°149.
Le processus électoral devrait commencer en mai et se terminer le 21 juin. Il est temps pour l’Égypte d’avoir un responsable politique national, alors qu’actuellement la gestion de fait est assurée par les militaires, en bisbille avec le Parlement nouvellement élu et sa majorité islamiste elle-même divisée entre Frères Musulmans et salafistes.
Mais la situation n’est pas décantée. Pour commencer le pouvoir du président ne sont pas définis, il faudra attendre pour cela la prochaine constitution, que le parlement est justement censé préparer. Et ce parlement penche pour un régime… parlementaire, laissant peu de pouvoir au président alors que les militaires préféreraient un régime présidentiel (voir nos lettres précédentes : « si ça marche, tant mieux, sinon on saura qui vider »). Donc le nouveau président pourrait commencer avec les pouvoirs quasi dictatoriaux de Moubarak, puis voir ses pouvoirs considérablement diminués lorsque la nouvelle constitution sera votée. Par ailleurs cette future constitution pourrait être islamiste, car la majorité parlementaire a parachuté ses partisans dans la commission chargée de la préparer, au grand dam des modernistes et des libéraux.
Et voilà que les Frères ont rompu leur promesse de ne pas présenter de candidat, et ont choisi de présenter Khairat al Chater, adjoint au guide suprême, fonction dont il a aussitôt démissionné. Il serait à la fois moderniste et conservateur, très libéral économiquement, partisan de la montée des barbes noires (les jeunes) au détriment des barbes blanches, mais traditionaliste en matière de moeurs. Ce choix enterre l’hypothèse d’un candidat acceptable à la fois par l’armée et les Frères et officialise leur conflit. « On » pourrait alors ressortir sa condamnation par le régime Moubarak, purement politique dit-on, mais qui pourrait permettre de le proclamer inéligible.
Quels pourraient être les autres candidats ? On pense à Amr Moussa, ancien ministre des affaires étrangère et secrétaire général de la Ligue Arabe, jugé laïque (à l’aune égyptienne, pas au sens français). On parle également d’Abd el Moneim Abomfotoh, un ancien Frère expulsé par la hiérarchie de la confrérie plus conservatrice que lui, et remarqué par ses déclarations relativement fermes vis-à-vis de l’armée, ce qui lui attire les sympathies des « démocrates » mais lui vaut de puissants ennemis. Ce serait le seul candidat d’envergure un peu libéral politiquement, les autres libéraux « issus de la révolution » n’ayant pas de cette stature nationale et ne pouvant a priori pas avoir le soutien de 30 députés ou de 30 000 électeurs répartis dans tout le pays qui sont nécessaires pour se présenter.
En face, le salafiste Abou Ismaël s’est lancé avec fracas.