es lecteurs, auteurs, traducteurs et plus largement tous ceux qui aiment le livre en souhaitant d'autres pratiques et d'autres institutions pour favoriser son développement qualitatif et quantitatif, ne peuvent penser que les présidentielles sont un coup pour rien.
Même si chacun peut penser son activité et sa réflexion uniques et maîtrisées, il n'en est pas moins impacté par les changements politiques dans le pays. C'est une des leçons que nous a enseignée la sociologie depuis qu'elle a décidé d' « étudier les faits sociaux comme des choses » (Emile Durkeim) et a réussi, par le travail de nombre de grands auteurs, à établir qu'il existe indéniablement des effets de système et de structure pesant sur les existences singulières des individus.
Cet article tentera donc, modestement, de recenser les propositions de chaque candidat concernant le livre, telles quelles sont offertes sur leurs sites. L'objectif étant que chacun puisse appréhender un peu mieux les visées politiques des candidats et peut-être comprendre les conséquences potentielles quant à sa situation de lecteur, auteur, éditeur...
Les candidats sont classés par ordre alphabétique.
Arthaud
La candidate révolutionnaire n'a pas proposition précise en matière de culture ou concernant le livre, mais une analyse globale qui peut servir de clé pour comprendre ce qu'on pourrait attendre d'elle si elle venait à être élue : « la transmission des savoirs et de la culture se heurte aux limites propres à toute société de classe. » Il faudrait donc changer de société et/ou donner les moyens aux classes populaires de construire l'autre monde du livre. En clair, elle délègue aux citoyens les changements à construire. Amoureux du livre, débrouillez-vous pour bâtir votre univers du livre et de la création à votre idée, qu'on se le dise !
Bayrou
Le chapitre « Culture », dans le volet articulant les propositions, est le plus court.
Le candidat demande des contrats avec les collectivités territoriales et veut une « aide dégressive au démarrage des petites structures », ce qui, peut-être, concerne les petits éditeurs. Il désire également faire « toute sa place au mécénat ». Tout cela demeure vague. Le livre n'est absolument pas cité en tant que tel, il est donc difficile de déduire une volonté ou des mesures à venir en la matière, de la part du candidat centriste. Mais on peut raisonnablement penser que des contrats passés avec des régions inégales conduiront à des résultats inégaux et que le saupoudrage des mécènes ne construit ni n'organise une action étatique égalitaire et d'ampleur.
Cheminade
Il déclare vouloir « créer les conditions pour qu’apparaisse et se développe une vraie culture populaire », ce qui ne mange pas de pain. Et affirmer que « toute restriction ou tarification mise à l’accès (internet) aboutit fatalement à un contrôle social commençant par le commercial et l’abêtissement » est soutenable, mais ne donne pas vraiment idée de l'intervention d’État qu'il conduirait en matière de culture. In fine, le candidat neparle pas du tout du livre ou de la culture au sens institutionnel.
Dupont-Aignan
Le candidat entend « maintenir le traitement particulier de notre secteur culturel », notamment le prix unique du livre. C'est à peu près la seule proposition concrète, dans ce volet culture qui fait furieusement penser à un discours préfectoral se gargarisant du « rayonnement de la France » et de la culture comme « identité nationale ». Les réalités difficiles des créateurs, des acteurs réellement impliqués, face au laminage de la création par l'argent et à la bouillie sans saveur que les mass-medias font ingurgiter aux populations, ne peuvent trouver dans de solutions dans des pétitions de principe fumeuses.
Hollande
Le candidat convoque des mesures à venir emblématiques, reçues dans l''opinion, comme la TVA au niveau où l'établit en son temps Lang, l'abrogation d'Hadopi, ou plus prestigieuses comme la remise en route du Centre National de la Culture. Il partage avec d'autres candidats l'ambition d'établir « entre l’État et les collectivités locales des contrats visant à doter le territoire d’un maillage culturel mieux coordonné et plus efficace. ». Pas de mesure ni d'objectif spécifique au livre, ce qui est un peu paradoxal de la part d'un candidat prolifique avec une dizaine d'ouvrages publiés. Il laisse les créateurs, les petites structures, le livre vivant espérer que l'engagement « Je soutiendrai la création et la diffusion qui sont le levier de l’accès de tous à la culture. » sera réellement performatif, s'il est élu.
Joly
« L’État et les collectivités doivent agir en cohérence, avec une attention particulière à la diversité, aux petits projets, aux lieux et pratiques en émergence sur les territoires. » Small is beautiful, on sent la patte écologique. Démarrage tout a fait général, absolument pas incarné, dans les grands domaines de la Culture. Mais la candidate se fait plus concrète et propose « une super-fiscalité » pour favoriser « les biens culturels Art et essai », notamment une TVA très réduite pour le livre. Le prix du livre étant, comme pour la musique, dissuasif notamment pour les pauvres,.C'est une bonne idée, en attendant plus.
Le Pen
Le volet culturel n'est pas présent dans l'articulation des propositions programmatiques de la candidate. Il apparaît dans le chiffrage du projet avec une ligne spéciale pour le livre, indiquant « soutenir le livre et l'écrit ». Malheureusement, il n'y a aucun crédit de prévu pour 2012. En 2013, 2014, 2015 et 2016 les crédits affectés à cette activité seront respectivement baissés de 91 millions d'euros, puis 92 l'année suivante et l'année d'après. L'année finale du quinquennat culturel de Marine le Pen, 2016 donc, verrait une baisse des crédits affectés au livre encore plus forte, puisqu'elle atteindrait 93 millions d'euros. Autant la mission est vague, autant l'objectif est clair. Le livre, comme ses créateurs ne devraient pas sortir en excellente santé d'un quinquennat pareil.
Melenchon
Le programme veut mettre « la culture au cœur du projet politique du FDG » et renouer avec un ministère bien doté, pour atteindre les fameux « 1% ». « Régulation des industries culturelles », « éducation populaire », bref la culture au peuple et le peuple créateur. L'intention est bel et bonne et se veut financée. Le programme entre même dans des cas précis comme la loi si critiquée, si douloureuse pour les intermittents, et veut abroger Hadopi. Malheureusement de projet précis et concret pour le livre, il n'y a pas. Le candidat ne veut sans doute pas préjuger des résultats de la grande consultation des français par voie de constituante qu'il propose. Cependant quelques axes et quelques réactions précises à des problèmes concrets n'auraient pas été de trop. Le livre est LE vecteur symbolique et pratique de la culture, il ne suffit de dire qu'on le porte au cœur, il faut le faire vivre.
Poutou
« On voit bien qu’il n’y a pas de moyens pour lutter à l’intérieur du système actuel : il faut en changer. » affirme le porte-flambeau du NPA, le 27 mars. Dans ces conditions on ne va pas s'étonner de ne pas trouver de programme particulier pour la culture, mais une dénonciation de l'asphyxie culturelle opérée par Sarkozy. Il dénonce également la culture « très inaudible dans le programme de François hollande ». L'univers du livre, précisément, ce sera aux citoyens de le créer et de le produire dans une autre système, dont le programme tout entier reste à écrire.
Sarkozy
Le candidat sortant vient de révéler son programme. A un peu plus de deux semaines de l'échéance, c'est dire s'il était attendu. Celui-ci se présente sous la forme de trente-deux propositions chiffrées. Peut-être le candidat en a-t-il d'autres en réserve, toujours est-il que la culture ou le livre ne font l'objet d'aucune mention particulière.
Une idée du « projet culture » du candidat est quand même raisonnablement déduite d'un document élaboré dernièrement (26/03/2012) par le Ministère : « Culture et Médias 2020 ». On y décline les tropismes connus du quinquennat finissant. Dans la mondialisation, l’État/le Ministère ne sont que des acteurs parmi d'autres. Ils doivent laisser se développer les inter-actions et s'employer à stimuler les énergies, notamment celles du marché, des industries culturelles. La création est une flamme diffuse qu'on invoque rapidement sur les lieux et projets créateurs de valeur ou dans les grands pôles d'excellence, à l'image des universités sommées de rayonner vers le peuple mondialisé, l'élite. Du livre lui-même il n'est pas question. On parle ici, on voit à une échelle plus vaste, celle de « la création ».
Les mesures déjà proposées pour après l'élection ne font non plus place à une stratégie nouvelle et incarnée pour le livre.
Si l'on se réfère aux dernières décisions effectives prises par le président-candidat, à l'évidence la culture n'est pas vraiment aux anges, puisqu'elle devra supporter un baisse de crédits en 2012 de 3,5 millions d'euros comme l'a acté la loi de Finance rectificative.