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Nombres

Publié le 05 avril 2012 par Malesherbes

L’autre jour, j’assistais à une conversation où quelqu’un – j’espère singulier plutôt que quelconque – s’exprimait à peu près ainsi : «  Je ne comprends pas toute cette histoire à propos des écoliers tués à Toulouse. Tous les jours des enfants meurent, dans des accidents de la route ou ailleurs, on n’en fait pas un fromage ! ». Quelle logique implacable ! Si je comprends bien, cet individu ne trouverait rien de criminel à ce qu’un assassin le supprime, étant donné que, chaque jour, d’autres meurent, quelle qu’en soit la cause.

En fait, n’en déplaise à ce funèbre statisticien, l’homme ne se réduit pas à des nombres. Peu après son élection, notre illustrissime monarque assimilait les magistrats à des petits pois. Sans en avoir conscience, il chosifiait ainsi l’être humain, tout comme, à partir de 1933, des Allemands, le réduisait à un matricule sur le bras. En réalité, l’homme est un zéro et un infini : un rien peut le détruire mais il résume en lui toute la complexité de la création, la merveille de la vie. Et, en mathématiques, ce sont, comme le soulignait Arthur Koestler dans le livre avec ce titre, le zéro et l’infini, qui viennent briser  la belle harmonie du calcul. Lorsque dans une formule apparaissent un zéro ou une quantité infinie, les règles traditionnelles de l’algèbre ne s’appliquent plus et il convient de recourir à des techniques nouvelles pour tenter d’approcher une réalité impalpable.

Le  Talmud enseigne que qui sauve une vie sauve l’humanité tout entière, puisque la création racontée par la Bible permet d’inférer que la destruction d’Adam, le premier homme, aurait entraîné l’anéantissement de l’humanité. Au-delà du fait que le sinistre imbécile évoqué plus haut ne saisit pas les différences qui existent entre homicide involontaire et meurtre comme entre meurtre et assassinat, il faut noter que ramener de tels actes au décompte de leurs victimes revient à retirer à celles-ci leur humanité. Le nombre des morts accroît les souffrances, les peines, les blessures mais, quel que soit ce nombre, ces crimes dénient aux victimes leur qualité d’humains et conduisent à s’interroger sur la présence de cette même qualité chez leurs assassins. 


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