Nous n’exigeons pas de nos citoyens qu’ils s’habillent, mangent ou prient tous de la même manière. Mais en revanche, nous leur demandons une conscience civique commune, une loyauté partagée. Quel dommage de voir un candidat contester cette loyauté partagée et gagner à cause de cela.
Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume-Uni.
« Alhamdulillah ! » comme on dit à Dundee.
Monsieur, je salue votre courage, votre force, votre infatigabilité. Il est difficile de ne pas ressentir une certaine admiration pour George Galloway. La plupart des britanniques aiment voir des francs-tireurs se battre contre le système. Le beau George a tracé son chemin aux travers de crises personnelle, politique et financière qui auraient eu raison d’à peu près n’importe quel autre personnage public. La confiance qu’il porte en lui est une force inexorable de la nature.
Il n’en est pas moins déprimant de le voir façonner la politique identitaire de la Grande-Bretagne. Quand les candidats qui se présentent aux élections portent une barbe grandissante, en proclamant leur aversion de l’alcool, en adoptant avec ostentation une phraséologie musulmane et en se concentrant presque entièrement sur les questions de politique étrangère, ils œuvrent peu à la cohésion nationale.
J’ai vu le travail fait par la politique confessionnelle et ethnique au travers de toute l’Europe. Il s’est formé de petites poches sur tout le continent, de partis représentant des minorités linguistiques et des communautés irredenti (de laisser pour compte). Ils sont toujours complaisants et souvent corrompus, car rien n’est plus nuisible à l’engagement démocratique que la croyance que vous avez à voter pour «votre» parti. Les candidats finissent par prendre les électeurs pour une chose acquise, et les électeurs cessent de se préoccuper du programme politique.
Nous avons jusqu’à présent, Dieu merci (ou « Macha Allah », comme dirait Galloway) évité ce type de sectarisme sur le continent britannique. Nous l’avons vécu cependant en Irlande du Nord, où s’est développée une classe politique pléthorique et vénale – bien que le phénomène se soit amélioré en ayant des partis concurrents au sein de chaque communauté. Ce que nous ne voulons certainement pas, c’est qu’un grand nombre de citoyens britanniques importent des disputes venant de l’étranger, où le vote se base sur le positionnement des candidats sur des questions concernant Chypre, le Cachemire, le Kosovo ou ailleurs.
Je ne veux pas exagérer les choses. La victoire de Galloway doit beaucoup à l’inutilité monumentale d’Ed Miliband. Beaucoup de non-musulmans à Bradford ont clairement voté pour lui. Et, en effet, il n’y a pas de honte – au contraire, c’est un grand honneur en fait – de s’être opposé à la guerre en Irak. À ce sujet, je suis entièrement d’accord avec Galloway, et je partage son désir de voir la Grande-Bretagne se retirer rapidement de l’Afghanistan. Il a parfaitement le droit de se battre sur ces questions. L’ennui, c’est qu’il va plus loin. Meeting après meeting politiques, il exprime son opposition aux impérialistes occidentaux qui tuaient « des millions de musulmans ». En d’autres termes, il encouragerait les électeurs à s’identifier, sur des bases dévotionnelles, aux étrangers plutôt qu’à ses compatriotes. De manière à ce que l’on reçoive bien son message, il a lancé un appel spécifiquement religieux (voir ce clip). Il croit, dit-il, en Dieu. Comment les musulmans dévots se sentiraient-ils si, le jour du jugement dernier, ils auraient à expliquer au Tout-Puissant qu’ils avaient eu l’opportunité de se prononcer pour le chef de file du mouvement anti-guerre, mais qu’ils avaient finalement voté à gauche ?
Peu importe l’impudeur (voter pour moi ou Dieu vous punira !) Comment ce type de rhétorique affecte notre solidarité en tant que citoyen ? Les lecteurs réguliers de mon blog se fâchent souvent avec ce qu’ils appellent mes messages « dhimmis » [NdT : les juifs et chrétiens qui se trouvèrent à vivre sous la loi islamique], mais je ne crois absolument pas qu’être un musulman pratiquant et un patriote britannique soit un problème. La plupart de mes électeurs musulmans ont les mêmes préoccupations que le reste d’entre nous au sujet des impôts, de la criminalité, de l’Europe et ainsi de suite. Ce dont ils se plaignent le plus souvent en tant que musulmans, c’est qu’ils en ont marre d’être représentés à la télévision par de désagréables jeunes hommes avec de longues barbes plutôt que par des musulmans qui ont pris la peine de se faire élire pour exercer des fonctions publiques.
Il y a des soldats musulmans qui servent avec distinction, des policiers musulmans, des conseillers municipaux musulmans, des députés musulmans, et des députés européens musulmans de tous les partis. L’un de mes plus vieux amis est le député conservateur du Parlement Européen Syed Kamall. D’une manière très britannique et non ostentatoire, Syed est dévot. Il respecte le jeûne, essaie de prier cinq fois par jour et fait de son mieux pour que ses jeunes fils développent un respect de sa foi. Quels sont les enjeux principaux que Syed défend dans la vie politique ? Les réductions d’impôts, l’argent honnête, la déréglementation, le rapatriement du pouvoir de Bruxelles et la promotion du libre-échange. Lorsque, comme cela arrive parfois, certaine organisation islamique auto-désignée lui demande de s’exprimer au sujet de la Palestine ou l’Irak, il répond aimablement qu’il représente Londres, et qu’ils devraient poser leurs questions aux politiciens de ces territoires.
Il n’est pas déraisonnable de demander aux colons de laisser derrière eux la géopolitique de leurs foyers ancestraux. Nous n’exigeons pas de nos citoyens qu’ils s’habillent, mangent ou prient tous de la même manière. Mais en revanche, nous leur demandons une conscience civique commune, une loyauté partagée. Quel dommage de voir un candidat contester cette loyauté partagée et gagner à cause de cela.
—-
Sur le web
Traduit par JATW pour Contrepoints.