Il ne s'agit pas d'une statistique générale, indiquant quels sont actuellement les noms de baptême les plus usités. L'étude dont il s'agit, publiée dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, est toute locale, et porte sur les noms de baptême relevés sur les registres municipaux d'Amiens, en 1691, 1791 et 1891. Elle n'en est pas moins intéressante, et peut nous donner une idée de ce que sont la mode et l'évolution, en cette matière.
Tout d'abord, on remarque qu'il y a deux cents ans, on donnait moins de noms de baptême qu'aujourd'hui. En 1691, on relève 763 baptêmes à un nom, 511 à deux noms et 9 seulement à trois noms.
Cent ans plus tard, la mode des noms multiples s'affirme déjà : 171 à un nom, 715 à deux noms, 411 à trois et 51 à quatre.
Enfin en 1891, on trouve 301 fois un nom, 917 fois deux noms, 457 fois trois noms, 60 fois quatre noms et 7 fois cinq noms. Dans cent ans, vraisemblablement, on ira jusqu'à six noms.
En 1691, parmi les noms masculins, François et le plus usité ; en 1791 c'est Jean-Baptiste ; en 1891, c'est Louis. - Georges, Alfred, Emile, Jules, Léon, Fernand, Marcel, Arthur, Gaston, Gustave, Ernest, Octave, Raoul ne font leur apparition que dans le cours du siècle.
Pour les prénoms féminins, il y a plus de stabilité et d'esprit conservateur. Marie tient toujours la corde, en 1891, comme en 1691 et en 1791.
Marguerite est également un prénom très porté. Puis Françoise arrive troisième en 1691 et 1791, et Louise en 1891. En cette dernière année, Françoise disparait presque, et Jeanne est d'un très bon genre.
Germaine, Georgette, Yvonne, Berthe, Fernande, Angèle, Emilienne, Albertine, Juliette, Léonie, Octavie, Léontine, Alfreda, Alphonsine, Renée, Mathilde, Elise, Alice, Lucie, Lucienne, Marcelle, etc., sont des créations récentes, absolument inconnues au siècle dernier.
L'époque de la Révolution est marquée par une mode de prénoms caractéristiques ; on y trouve des Brutus, des Floréal, des Messidor, des Liberté, des Guillaume Telle, des Unité, des Egalité, des La Montagne, des La Paix, des République, des Bonarparte, des Barras, etc.
Puis viennent les France-Libre, des Sans-Besoin, des Bel-Oeillet, des Hercule, etc. On tombe dans la pure fantaisie.
Parmi les nom féminins, la fréquence de Joséphine, de Virginie, de Sophie, de Victoire, s'explique par l'influence de Rousseau, de Bernardin-de-Saint-Pierr et par les guerres de l'époque.
Pomme, Prime, Vertueuse, Marative, Déesse, Carmagnole, Bellone, Fructueuse, Aérine, sont aussi d'étranges prénoms de cette époque troublée.
A remarquer, à l'époque actuelle, le discrédit profond, au moins à Amiens, où sont les prénoms de : Antoine, Nicolas, Jacques, Françoise, Anne, Catherine, Elisabeth, Geneviève et Antoinette, qui eurent leur temps de splendeur.
Par contre, Georges et Germaine se rencontrent de plus en plus fréquemment.