Henry de JULLIOT : Cana

Par Unpeudetao

Notre-Dame est à la noce
Au village de Cana
Où le doux Maître amena
Tout son futur sacerdoce.

– Je n’ai bu que quatre doigts,
Chuchote un gaillard convive,
Est-il juste qu’on nous prive
Seraient-ils tant à l’étroit ?

Adieu la fête et la danse
Les promis sont morfondus
Dénigrés à corps perdu
Par de perfides silences.

Qui rallumera vos yeux
Où les fleurs se sont éteintes
Jeune femme, n’ayez crainte
Sur tout nid se penche un Dieu.

Notre-Dame est à la noce
Au village de Cana
Que Jésus prédestina
Pour des vendanges précoces.

En regardant son doux Fils
– Ils n’ont plus de vin, dit-elle.
Jésus feint d’être rebelle
– Faites bien tout ce qu’il dit.

Et les six urnes de pierre
Ont livré le meilleur cru
Tout nuage a disparu :
Telle est l’œuvre de la Mère.

Le voile des dons divins
Est tombé sur sa requête
– Mais bientôt gens de la fête
Vous boirez d’un autre vin.

Notre-Dame est à la Messe
Sur le mont du Golgotha
Et notre soif y planta
Le pressoir de la Promesse.

Quatre grands trous dans la chair
Que Marie avait œuvrée
Voici largement livrée
La vendange de sang clair.

Le baiser, les clous, la lance
Selon ce qu’Il avait dit
Pas un mot ne fut omis
Par ma triste obéissance.

Il a gardé le meilleur
Pour la fin de ces agapes
Il a pressuré la grappe
Nous avons bu tout son cœur.

Notre-Dame est à la messe
Où le Fils que je lui dois.
S’offre à nouveau sur la Croix.
Avec Lui mes clous la blessent.

Elle apporte son Agneau
– Quelle part du sacrifice !
Et je boirais au calice
Si j’offrais ma goutte d’eau..

Douce Vierge débonnaire
Comme aux noces de jadis.
Hâtez l’heure où votre Fils
Comblera ce cœur de pierre.

En mon aride jardin
Dépliez une corolle
Que Dieu sur votre parole
Change sa rosée en vin.

Henry de JULLIOT (1913-????), poète et missionnaire français.

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