PARIS, FRANCE. Dans une interview accordée au Nouvel Observateur de cette semaine, Carla-Bruni Sarkozy insiste sur le caractère restreint du rejet de son époux dans la population française. « Sur le terrain, je ne ressens pas d’agressivité, les gens semblent aimer Nicolas. L’anti-sarkozysme est un phénomène d’élite parisienne ». Cette observation de la première dame, déjà vivement décriée et moquée par les internautes, est pourtant confirmée par la toute dernière étude menée conjointement par l’institut OPIF et la Commission Opérationnelle Nationale de Nano-Economie (CONNE).
Karl-Heinz Di Salvatore, directeur de recherche à l’École Pratique des Hautes Études Supérieures et coordinateur de l’enquête OPIF-CONNE, a compilé toutes les données chiffrées disponibles pour arriver à cette conclusion. « La cote de popularité de Nicolas Sarkozy oscille entre 30% et 40% ces derniers mois, tandis que sa cote de confiance évolue entre 20 et 30% ». Si on y ajoute les sondages de deuxième tour pour l’élection présidentielle, qui donnent systématiquement François Hollande gagnant par au moins 53% des voix, « cela permet d’estimer la proportion d’antisarkozystes en France à environ 60% », ce qui recoupe effectivement « l’élite parisienne ».
L’OPIF a en effet mené une « enquête qualitative de terrain » très poussée pour mieux définir ce que la première dame a intuitivement défini comme l’élite parisienne. « Carla Bruni-Sarkozy a assez finement repéré une population très répandue en France, et au style définitivement parisien, même si elle ne se limite pas à Paris », décrypte Boutros-Boutros Kosciusko-Morizet, analyste senior à la CONNE. « Elle se définit par un mode de vie et des valeurs communes : rejet du matérialisme, usage de plusieurs langues (arabe, wolof …), habitude prise de dépenser peu d’argent, dans une éthique que l’on pourrait qualifier de bobo ou de grunge ». Dans des zones très différentes, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine de la sidérurgie, banlieues « métissées », régions rurales, on repère ainsi les mêmes pratiques : « il est du dernier chic de faire mine de ne plus avoir d’argent pour boucler son mois, ou d’aller faire ses courses chez Lidl – quand ce n’est pas aux Restos du Cœur – par snobisme et dérision », commente sévèrement Karl-Heinz Di Salvatore. « Les jeunes, quant à eux, ont si peu le goût de l’effort qu’ils arrêtent tôt leurs études, et intègrent par exemple très rarement les grandes écoles, tant ils savent bien que papa-maman pourra assurer leur avenir ! ». Tout le contraire, en somme, des ghettos de l’ouest parisien où Carla Bruni-Sarkozy accompagne son mari sur le terrain, et où « l’intégration d’HEC ou d’une autre business school est souvent le seul moyen de s’en sortir pour une jeunesse courageuse, mais défavorisée ».
Autre chiffre remarquable, le taux de chômage, qui est « sensiblement plus élevé » au sein de ces 60% d’élites parisiennes anti-sarkozystes. Une donnée finalement assez intuitive, pour Boutros-Boutros Kosciusko-Morizet : « cette population compte un grand nombre de rentiers, qui n’éprouvent tout simplement plus le besoin de travailler », et font « à peine semblant » d’aller « pointer chez Pôle Emploi pour sauver les apparences ».
La situation socio-économique de ces élites nourrit logiquement leur ressentiment anti-sarkozyste : « Nicolas Sarkozy a le grand tort d’être l’homme qui a dit « le roi est nu », qui a dit à ces Français « je sais que vous ne vous levez pas si tôt que ça, que vous pourriez en faire plus ». Forcément, être mis face à ses mensonges génère du ressentiment contre celui qui dit la vérité. », remarque Karl-Heinz Di Salvatore.
Une polémique qui pourrait bien occuper largement les derniers jours de la campagne présidentielle.
Propos recueillis par Romain Pigenel pour l’agence de presse Variae