Par Linsay la Binocle
Sans considérer que chaque révolte est légitime, il faut bien se rendre compte que le point de vue de l’ONU, même maquillé sous les dehors du droit (international), reste en une certaine mesure un point de vue. Pour Margaret Thatcher, Boby Sands était un terroriste et, ne cédant pas au chantage alimentaire, elle agissait comme défenseur de la nation britannique. Aujourd’hui Boby Sands est un héros de la libération irlandaise et Maggie la bête sans cœur qui le laissa mourir. La roue tourne.
Au Mali, il y eu bien coup d’État, mené comme il se doit, en toute illégalité, alors même que les élections étaient proches. Pourquoi donc faire péricliter le jeu de la démocratie maintenant, alors que les élections sont une potentialité de changement ? Pourquoi donner ainsi raison à tous ceux pour qui l’Afrique n’est pas un lieu où la démocratie peut avenir, au moment même où le Sénégal prouve le contraire ? Peut être qu’au Mali, le changement n’est pas satisfaisant.
Qui sont les putschistes maliens ? Le putsch ne vient pas d’un groupe politique intégré ayant décidé de se mutiner, de loin. Les putschistes sont des Touaregs maliens qui à défaut d’être entendus par le pouvoir ont décidé de le prendre. Ils considèrent que l’État malien ne fait rien pour eux. Certes, ils ne sont pas majoritaires au Mali, leur coup d’État ne peut donc pas se prétendre d’une telle légitimité, et emmène dans les bagages de sa conquête un fort risque de dérapage guerrier. De plus, ces rebelles sont issus des mouvances islamiste d'Al-Qaida au Maghreb islamique et agissent en clandestin grâce au putsch militaire. Pourtant leurs revendications ne sont pas qu’un feu de paille. Les Touaregs sont un peuple séculaire, berbère et nomade du grand Sahara, au croisement des frontières de l’Algérie, de la Lybie, du Sahel, du Burkina-Faso, du Niger, et encore, du Mali. Leur mode de vie n’est donc pas réellement compatible avec l’État de droit de la tradition westphalienne et rend la cohabitation complexe. Une partie des peuples Touaregs (moins d’un million et demi d’individus) se situe au Mali et les relations avec l’État malien sont quelque peu houleuses. Ces peuplements considèrent qu’il bafoue leurs droits et n’agit aucunement en leur faveur, malgré leurs demandes répétées depuis cinquante ans. Ainsi, les Touaregs, ont décidé de prendre les armes, pour se faire entendre du Mali.
Le propos ici n’est pas de justifier un putsch, ni de condamner l’État malien déchu, ou encore d’avaliser les demandes Touaregs. C’est bien plutôt de les relayer car les médias se font unanimement, ou presque, le fer de lance de la condamnation onusienne et annoncent déjà les risques d’une telle rébellion pour l’équilibre régional. Ce risque existe bien, peut-être le Mali aurait dû le considérer plus tôt… En tout cas, il serait tout aussi intéressant d’en savoir un peu plus sur ses revendications, leur histoire, les réponses qui lui furent apportées et leur forme, en plus des déclarations « choquées » du viol dont est victime la démocratie en terre africaine par des guerriers Touaregs islamisés. Ce putsch ré-impose encore des questions sur la sélection de l’information, le rôle informatif des médias et la manière dont il est assuré, volontairement ou non (il ne s’agit pas toujours d’une conspiration !).
En guise de conclusion, pour adoucir vos mœurs, je vous offre le désert de Tinariwen :