Je suis arrivé il y a cinq ans à La Rochelle avec un sentiment d’éblouissement et je ne l’ai pas perdu depuis. Ce qui saisit en effet le voyageur à La Rochelle (c’est d’ailleurs cet aspect qui a donné à l’écrivain Simenon l’envie de s’y installer), c’est la qualité de la lumière. La lumière éclaire diversement la ville, la creuse et la fait briller. La révèle enfin à ce qu’elle est profondément : une cité fascinante, miroitante d’histoires et de secrets.
En marchant inlassablement le long des rues, le promeneur appréhende peu à peu ce que Baudelaire désignait comme « les plis sinueux des vieilles capitales »... Ville palimpseste dont la plus belle métaphore serait précisément cette « Tour de la Lanterne » ou « Tour des quatre sergents » qui a d’abord été un phare, puis une prison où se lisent et se devinent encore, tout au long des murs, des graffitis inscrits dans la pierre (les plus anciens remontent au XVII° siècle).
Ce qui s’observe à l’échelle de la Lanterne s’observe également à l’échelle de toute la ville : étranges lueurs, ruelles, arcades, vieux bâtiments, enseignes, écussons (à l’angle des murs de certaines maisons protestantes), trottoirs (certains pavés de la rue de l’Escale ont voyagé : ils viennent du Canada et ont servi de lest aux navires engagés dans le commerce triangulaire), nom des rues (ces rues qui ont elle aussi changé de nom et dont la signalétique ancienne se distingue encore à l’angle de certains murs (place Verdun, Place des Armes...)
Certes je leur trouvais du charme à ces brillantes projections qui semblaient émaner d’un passé mérovingien et promenaient autour de moi des reflets d’histoire si anciens (Proust).