Pour défendre l'exploitation par son camp des thèmes xénophobes, Henri Guaino disait : "Ne pas prendre en compte les passions populaires expose à la colère". C'est bien la seule "passion populaire" que la droite peut citer pour pousser les "électeurs populaires" à voter contre leur propre intérêt. Mais, pour l'instant, laissons-le dans ses tentatives desespérées de rallumer la xénophobie. Guaino se trompe de passion, et de colère.
Nicolas Sarkozy est assez doué pour trouver une expression "populaire", un emballage "café de commerce" pour faire passer un programme plutôt Medef. Depuis quatre ans, cependant, il y a un sujet très populaire qu'il est difficile pour le TGH d'exploiter : l'anti-sarkozysme lui-même. Qu'il soit primaire ou populaire, ce sentiment lui a effectivement explosé à la figure, avec pour resultat ces sondages têtus, qui jusqu'à présent résistent à tous les efforts de la machine de l'Union Médiatique du Pouvoir.
Le sarkozysme est une outrance de la communication. Je pense qu'aujourd'hui nous sommes, les pro- comme les anti-, tellement dedans, encore, qu'on a du mal à se rendre compte du caractère exceptionnel de cette hystérie collective. Je sais que si, à la place de Nicolas Sarkozy, une sorte de deuxième Chirac avait été élu en 2007, je n'aurais jamais même songé à créer un blog. Je n'aurai pas été atteint de cette passion populaire. La pratique sarkozyste des médias et du pouvoir est une sorte d'excitation permanente de l'ensemble de la sphère publique, et la projection des agissements d'un seul bonhomme sur une scène démésurément grande.
S'il reste quelque chose du gaullisme chez Sarkozy, c'est la démesure mythologique. Chez de Gaulle, si l'on veut, la mythologie était censée assurée la cohésion et la fièreté de la Nation. Chez Sarkozy, elle est autoréférentielle et ne sert que les intérêts de Sarkozy lui-même. Un narcissisme médiatique et euphorie communicationnelle qui, finalement, se sont même retournés contre l'Arroseur en Chef.
Même quand il est purement négatif, ce buzz assourdissant risque de noyer les opposants à Sarkozy. Le pari de François Hollande est de battre Sarkozy sans faire du Sarkozy. On lui reproche, Sarkozy le premier, de ne pas susciter une grande vague d'adhésion populaire. À gauche, seule Ségolène Royal pouvait rivaliser avec Sarkozy en termes de comm', de dimension mythologisante, d'adhésion populaire. Cette ligne-là, à gauche, comporte certains risques. De toute façon, François Hollande ne pouvait pas l'adopter. La passion anti-sarkozyste peut lui permettre d'en faire l'économie.
Refuser d'être comme Sarkozy pourrait être la meilleure réfutation du sarkozysme, et pourrait signifier que Sarkozy n'aurait été un accident de parcours, une erreur démocratique qui aura duré cinq ans mais qui n'aura pas de suite, la rencontre malheureuse des dérives mythologique de la Ve République et l'avalanche communicationnelle du XXIe siècle. Hollande, en président "normal" serait une manière de fermer la parenthèse.