Leah West : "Je rêve d'un album totalement en français"

Publié le 04 avril 2012 par Titus @TitusFR

En 2010, l’une de ses chansons a fait l’Eurovision, sans qu’elle le sache. Une starlette slovaque, Lucia Olesova, y avait en effet interprété un remake de son tube « Spring ». Heureusement pour Leah West, la chanson avait été déposée quelques années plus tôt... Cet épisode qui la fait aujourd’hui sourire lui aura finalement donné la publicité qui fait souvent cruellement défaut à une artiste de la scène indépendante. Cet auteur-compositeur-interprète basé à Kelowna, en Colombie-Britannique (Canada)  peut s’enorgueillir de vivre aujourd’hui confortablement de sa musique, sans pour autant bénéficier du soutien logistique d’une maison de disques. Son secret ? Un réel talent, d’une part, mais aussi un certain sens du marketing en ligne ! Aujourd’hui, Leah West collectionne les prix et jouit d’un succès assez exceptionnel dans le paysage musical nord-américain où ses refrains pop passent en boucle sur les chaînes de télé et stations de radio. Cette Américaine originaire du New Jersey rêve aussi d'un album en français. Un projet qui la tient à cœur depuis quelques années, et qu’elle tente de concrétiser avec l’aide du poète québécois Louis Royer.

Titus – Leah West, plus d ‘un million de personnes ont déjà écouté vos chansons sur MySpace. Vous avez remporté, en 2011, le prix du public aux prestigieux BCIMA, les British Columbia Indie Music Awards. Vous étiez aussi nommée pour trois autres prix, notamment celui de compositrice de l’année. On dirait bien que vos efforts commencent à porter fruit, non ?

Leah West – Je fais tout moi-même, vous savez. Même si je n’ai ni agent ni maison de disques pour m’aider, je m’efforce, jour après jour, d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice. En étoffant mon carnet d’adresses et en accordant des interviews, comme aujourd’hui, dans le but de gagner en notoriété.

On entend beaucoup votre chanson « Spring » depuis quelque temps. Elle a même été reprise sur le fameux show américain « Live with Kelly » à plusieurs reprises, une émission de télé suivie chaque jour par des millions de téléspectateurs… Tout le monde ne connaît pas cependant l’histoire incroyable de cette chanson sortie en 2009 sur votre premier album, « Beyond words ». La starlette slovaque Lucia Olesova l’a présentée à l’Eurovision en 2010 sans que vous en ayez été informée…

Tout à fait, ils ont utilisé ma chanson sans mon autorisation. Je ne l’ai su qu’après, en fait. Il se trouve qu’un de mes fans se trouvait en Slovaquie au moment du concours et a reconnu ma composition. D’après ce que j’ai compris, les producteurs de cette jeune chanteuse avaient décidé de réaliser une nouvelle version en slovaque en affirmant qu’il s’agissait de leur propre création. J’ai effectué quelques recherches et je suis tombée sur une vidéo de "Rok a Pol", l’adaptation slovaque de ma chanson, sur YouTube. C’est alors que j’ai appris que la chanson était inscrite au concours de l’Eurovision. En France, vous connaissez bien sûr l’Eurovision, mais ce n’est pas forcément le cas en Amérique du Nord. Personnellement, je n’en avais jamais entendu parler, mais quand j’ai réalisé que cette soirée était suivie par des millions de spectateurs, ça m’a filé un coup ! J’étais aussi flattée qu’horrifiée, en fait. La première chose qu’il m’a fallu faire, c’était de prouver que cette chanson était bien la mienne. Heureusement pour moi, « Spring » avait été déposée dès 2008. J’avais pris l’habitude, dès le départ, de déposer mes compositions au US Copyright office. Même si, à l’époque, je n’étais pas sûre de la qualité de mes chansons et n’aurais jamais rêvé que quelqu’un veuille m’en voler une… On ne dira jamais assez l’importance de protéger son œuvre ! En tout cas, cette affaire m’a apporté beaucoup de publicité en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, notamment à Kelowna, où je vis. J’ai fini par me dire que tout cela n’était pas arrivé pour rien. Je crois dur comme fer à la destinée, et je crois que je n’aurais jamais pu rêver meilleur tremplin.

« Spring », la version originale de Leah West

Avez-vous eu un contact direct avec la starlette slovaque Lucia Olesova ?

Oui, nous avons été mises en rapport, et elle m’a assuré qu’elle n’avait rien à voir dans cette histoire et que c’étaient ses producteurs qui lui avaient menti. Elle n’était qu’interprète et lorsqu’elle a su que c’était ma chanson, elle était horrifiée d’interpréter une chanson volée. Elle m’a contacté par la suite pour me dire qu’elle souhaitait réenregistrer la chanson en question, qu’elle trouvait très entraînante, et la sortir sur un disque en Slovaquie. Je lui avais donné mon accord mais cela ne s’est finalement pas fait. En tant que compositrice, l’important est que ma musique circule et c’est toujours une bonne chose lorsqu’un interprète souhaite utiliser l’une de mes chansons. Je ne considère pas que je devrais être la seule à interpréter mes compos, bien au contraire. C’est d’ailleurs une facette de ma carrière d’artiste que je souhaiterais développer : j’aimerais beaucoup écrire des chansons pour les autres. Cet épisode aura eu au moins une conséquence : cela m’a donné envie de faire traduire certaines de mes chansons en français. Cela a pu se faire avec la collaboration de mon ami Louis Royer, qui vit à Montréal, au Québec. Louis est un poète, mais c’est aussi un auteur-compositeur-interprète. Il est très impliqué dans le petit monde artistique montréalais. C’est un honneur pour moi de pouvoir travailler avec lui. Il est parfaitement bilingue et il comprend donc le sens de mes chansons, ce que j’essaye de faire passer… A chaque nouvelle chanson que je compose en anglais, il m’aide à trouver son pendant en français. Ce qui veut dire que la prochaine fois que j’entrerai en studio, j’aurai deux versions à enregistrer de chacune de mes chansons. Certaines chansons sont plus compliquées à traduire que d’autres. Parfois, certaines idées ne peuvent s’exprimer de la même façon dans l’une ou l’autre langue, mais je crois que nos efforts finissent par porter fruits. Notre objectif étant en fin de compte de conserver l’essence de la chanson d’origine.

Est-ce que Louis Royer a collaboré à l’écriture de la chanson « Ton ange gardien » qui, à ma connaissance, est la toute première que vous ayez interprétée en français ?

Oui, en effet. C’était ma première chanson en français. J’avais un accent anglophone très prononcé à l’époque. Ma prononciation était loin d’être parfaite…

Allons, il était tout à fait charmant au contraire !

(Rires) Merci. Mais si je devais continuer sur cette voie, j’aimerais beaucoup travailler avec un producteur francophone qui pourrait me guider côté accent et prononciation. Je voudrais approcher de la perfection, que mon accent ne se remarque presque plus ! Je suis d’accord avec vous : un accent peut avoir un certain charme, mais il ne faut pas qu’il soit trop prononcé. Malgré tout, j’ai voulu que cette chanson soit publiée car je trouvais que Louis avait fait un sacré bon boulot d’adaptation. C’était aussi une sorte de test pour moi. Et les réactions, notamment les commentaires sur YouTube, ont été très positives. Beaucoup de gens me disent qu’ils pleurent en écoutant cette chanson, et ce en dépit de mon accent (rires). Cette expérience conforte mon impression qu’il y a un avenir pour moi dans cette voie. Je me vois même assez bien écrire une chanson pour un artiste francophone. Je suis tombée amoureuse de la langue française en 2009, lorsque j’ai commencé à l’apprendre. Je ne suis pas encore tout à fait l’aise en français, c’est pourquoi j’ai préféré que nous fassions cette interview en anglais, mais je n’éprouve pas de difficultés particulières à lire en français. En fait, mon objectif serait d’arriver à publier, à terme, un album complètement en français. Mais je ne suis absolument pas pressée. 

“Les Tournesols”, en duo avec Bruno Labrie :

J’ai remarqué que vous attachiez beaucoup d’importance à ce que votre communication, notamment sur les réseaux sociaux, soit toujours en anglais et en français !

Malgré les erreurs de français qu’il m’arrive de commettre, je crois qu’il est important pour moi de faire cet effort car mon public francophone s’avère assez important et cela me touche énormément. Mes fans francophones sont aujourd’hui parmi les plus ardents ! Environ 20 % des personnes inscrites à ma page Facebook officielle sont francophones, et ce chiffre s’élève même à 40 % sur ma page Facebook personnelle. Je ne saurais pas trop l’expliquer (rires), mais c’est un fait ! Plusieurs m’ont dit qu’ils appréciaient que mes chansons soient traduites parce qu’ils cherchent à apprendre l’anglais et, de fait, ils peuvent comparer les textes dans les deux langues. Je trouve quant à moi que le français est une langue magnifique ; c’est ce que je disais à Louis Royer, l’autre jour. Il m’arrive de regretter que le français ne soit pas davantage parlé que l’anglais dans le monde. Il m’a répondu : « C’est vrai, mais malheureusement, Napoléon a perdu la bataille » (rires).

Si vous avez choisi d’apprendre le français, j’imagine que cela est lié, sans doute, au fait que vous avez émigré au Canada, non ? Car vous êtes en fait d’origine américaine…

Oui, si j‘ai émigré au Canada, c’est parce que je suis tombée amoureuse d’un Canadien. (Rires). Je me suis installée en Colombie-Britannique en 2005. Puis, après une dispute avec mon compagnon, nous nous sommes séparés. C’est alors que je suis allée m’établir à Montréal, en janvier 2010. J’avais découvert le Québec l’année précédente, en 2009, à l’occasion d’une tournée, et je suis immédiatement tombée sous le charme de cette province, de la culture et des gens, qui sont passionnés. Je me sentais chez moi là-bas. Je me suis ensuite réconciliée avec mon ami, et c’est alors que je suis retournée à Kelowna, en Colombie-Britannique. Mais je ne veux pas abandonner le français pour autant, bien au contraire. Je veux continuer à faire partie de cette communauté à laquelle je me sens très attachée malgré l’éloignement.

Avez-vous eu l’opportunité de venir jouer en France, ou en avez-vous l’intention ?

J’aimerais beaucoup ça. J’y suis allée avec ma famille quand j’avais 16 ans. Ma mère et ma sœur parlent français. Ça peut paraître ironique, mais j’étais la seule du groupe qui n’avait pas appris le français. J’avais suivi des leçons d’espagnol durant mes études… Ma grand-mère paternelle était française. Elle s’appelait Lulu Belle. Sa famille avait émigré aux Etats-Unis. Je ne l’ai jamais connue puisqu’elle est décédée avant ma naissance. Mon père ne l’avait plus revue depuis qu’il était lui-même enfant.

Vous avez grandi à New York ?

Je suis née dans le New Jersey, et j’ai grandi dans une petite ville, Upper Montclair, située à une quinzaine de minutes de la ville de New York. J’ai évoqué les origines françaises de mon père, qui, bien qu’il fût né aux Etats-Unis, avait aussi du sang hongrois et tchèque. Et les parents de ma mère avaient émigré aux Etats-Unis depuis l’Irlande. Elle était la deuxième d’une famille de douze enfants. Ce qui fait de moi un pur produit d’Europe (rires).

C’est vrai que vous avez le type irlandais (rires) !

On me l’a beaucoup dit, surtout lorsque j’étais petite fille. J’étais très blonde avec de grands yeux bleus.

La chanson “Orange bliss” :

Nous avons évoqué votre collaboration avec le Québécois Louis Royer. J’aimerais que l’on parle aussi d’un autre de vos collaborateurs, le fameux Marty Rifkin, qui a travaillé, entre autres, avec Bruce Springsteen, Jewel, Tom Petty ou Elton John. Comment avez-vous été amenée à travailler avec lui ?

J’avais connu auparavant quelques déboires avec d’autres producteurs. J’ai trouvé que certains avaient un ego surdimensionné, ou qu’ils n’écoutaient pas mes suggestions. Les producteurs coûtent très cher, et j’étais très frustrée de n’avoir pas trouvé la personne idéale. C’est alors qu’une amie, qui connaissait Marty, m’a proposé de nous mettre en relation. Elle m’avait bien dit qu’il travaillait avec des artistes reconnus et qu’elle n’était absolument pas sûre qu’il accepte ! Je lui ai envoyé une demo comportant plusieurs de mes chansons. Ça fait quelques années maintenant, mais si je me souviens bien, il m’a dit quelque chose du style : « Wouf ! Ces chansons sont vraiment mal enregistrées, mais j’y vois beaucoup de potentiel ! »  Et c’est ainsi que tout a commencé…

Pouvez-vous nous décrire une journée de travail avec Marty Rifkin ?

On commence généralement vers 9 h ou 9 h 30. Je chante ma chanson à Marty et nous prenons des notes sur le déroulement de la chanson ; nous transcrivons les accords avant de discuter de la direction que nous souhaitons donner à l’ensemble. Marty me demande quels instruments j’imagine pour tel ou tel morceau. Puis il me dit ce que lui imagine. Parfois, mes idées sont plus ou moins arrêtées. D’autres fois, nous faisons ainsi évoluer les chansons. Généralement, nous commençons à travailler un morceau à la guitare acoustique. Cela ne veut pas dire qu’il y aura forcément de la guitare dans la version définitive, mais c’est une bonne base… Ensuite, on y ajoute un premier échantillon de voix. Un brouillon, en quelque sorte. Et c’est autour de ça que la chanson va se construire peu à peu. Par touches successives, la partie vocale va elle aussi évoluer. Elle gagne en intensité à mesure que les plages instrumentales sont mieux définies. Ce que j’aime, chez Marty, c’est qu’il n’a pas un ego démesuré. Il est toujours très humble et pourtant, il est brillant ! Il repère des choses qui parfois ne m’effleureraient même pas. Il a beaucoup d’instinct. Et il sait aussi se montrer d’une grande franchise quand quelque chose ne lui convient pas dans mon interprétation : un défaut de prononciation ou une note qu’il vaudrait que j’atteigne. Mais il le fait toujours d’une manière positive et encourageante. Et dans le même temps, il sait aussi écouter mes suggestions. Si je n’aime pas le son d’un roulement de batterie ou d’une plage de guitare, il accepte mes critiques et agit en conséquence. J’aimerais tant pouvoir dénicher un producteur francophone avec lequel j’aurais le même degré d’affinités. Je me montre très prudente dans mes choix, et tant que je n’aurai pas trouvé, je continuerai mon bout de chemin avec Marty !

Nous avons beaucoup parlé de votre collaboration avec Marty Rifkin. Parmi les gens qui comptent dans votre entourage, il y a aussi le guitariste Tom Stinson, qui est très impliqué dans la musique en Colombie-Britannique. Cela fait combien de temps que vous collaborez ?

Je l’ai contacté en 2007, au départ parce que je souhaitais suivre des cours de guitare. Tom continue d’ailleurs toujours à enseigner. Et comme je cherchais à monter un ensemble pour pouvoir jouer ma musique sur scène, j’avais pensé à lui. Mais à l’époque, il faisait déjà partie d’un groupe, et cela n’a pas donc été possible. Environ un an plus tard, son groupe s’est dissous et c’est alors que nous avons pu commencer à travailler ensemble. Nous avons formé un duo pendant quelque temps. Nous nous entendons très bien, et je lui ai proposé de m’accompagner en tournée en 2009, à travers le Canada et les Etats-Unis. Cette expérience n’a fait que consolider notre amitié. Depuis lors, nous continuons à collaborer assez régulièrement. Il connaît bien mon répertoire et nous nous accordons parfaitement. Tom n’est pas toujours disponible cependant, si bien que j’ai aussi travaillé avec pas mal d’autres musiciens depuis. D’autant que mon idée est toujours de constituer un vrai groupe. Récemment, j’ai beaucoup travaillé avec une pianiste, Brigitte. Le piano apporte une touche différente, qui correspond plutôt bien à l’ambiance de mes chansons. Et lorsqu’on y ajoute une batterie, une basse, une guitare, on se rapproche naturellement du son que nous obtenons sur les disques…

La chanson “Speechless” :

Par quoi commencez-vous lorsque vous composez une nouvelle chanson ?

Je compose dans ma tête. En général, ce sont les paroles qui me viennent en premier. Ça n’est pas facile à expliquer, mais la plupart du temps, les mots semblent avoir leur propre mélodie. Je sais que je ne suis pas la seule à travailler de la sorte, même si la plupart des compositeurs font exactement le contraire. Cela vient peut-être du fait que je ne suis pas une grande instrumentiste. Je préfère me faire accompagner par des musiciens. Quand les paroles me viennent, j’ai souvent déjà une idée de la façon dont je vais les chanter… Et c’est seulement lorsque mon texte est complété et que j’ai défini les mélodies que je travaille l’ensemble au piano ou à la guitare.

Votre nouvel album sera-t-il très différent du précédent ?

Mon premier album avait une tonalité très pop, une orientation très positive. Je souhaite demeurer dans le même registre. Il y aura toutefois davantage de ballades cette fois-ci, à l’image de « Speechless » ou de « Guardian angel ». Cette dernière, une chanson écrite sur les mamans, n’était pas encore sortie sur un album, même si elle fait partie de mon répertoire depuis un bout de temps. Mais on trouvera aussi des morceaux à l’esprit très pop, dans la lignée de « Spring » ou « Orange bliss » qui se trouvaient sur mon premier opus. Mon objectif est d’en faire des singles dont je pourrai assurer la promotion par le biais de clips vidéo. Ce deuxième album, qui s’appellera « Speechless », devrait voir le jour à l’automne 2012, mais j’ai déjà écrit toutes les chansons de mon troisième album, et sept d’entre elles, sur un total de douze, sont déjà enregistrées…

Vous avez une longueur d’avance, dites donc…

Je pense que ce troisième album, qui sortira en principe à l’automne 2013, s’intitulera « Storm stories ». Et ce disque prendra une direction complètement nouvelle. J’y explorerai une facette plus sombre de ma personnalité. Avec plus de profondeur, sans doute, et aussi davantage de poésie. Ces chansons accumulées au fil des ans expriment des choses plus personnelles que je souhaitais aborder. Il s’agira d’une escapade en terres jusqu’ici inexplorées, un voyage plus riche en émotions. Mais en attendant, mon second album se voudra léger et optimiste.

Ecrivez-vous toutes les paroles et musiques de vos chansons ?

Jusqu’ici oui !

Est-ce vrai que vous en avez déjà accumulé près de 150 ?

Oui. J’écris depuis que je suis toute petite, mais je crois qu’il ne faut pas tenir compte de ces premières chansons (rires).

La chanson “Parachute” en version acoustique :

Justement, vous rappelez-vous de l’instant où la musique est entrée dans votre vie ?

Mes parents ont des vidéos de moi chantant et dansant à l’âge de deux ans. Je crois que je suis née ainsi (rires).

La musique occupait-elle une place importante au sein de votre famille ?

Comme je l’ai dit, j’ai des origines irlandaises. Mes grands-parents maternels étaient tous deux nés en Irlande. Ma mère fut d’ailleurs le premier de leurs douze enfants à être né aux Etats-Unis. Chacun d’eux a fait de la danse classique. Ma mère a toujours aimé danser et chanter. Je me souviens qu’elle chantait souvent pour moi lorsque j’étais petite… Mon père, quant à lui, joue de plusieurs instruments : l’accordéon, le piano, l’orgue et la flûte. S’il ne joue plus beaucoup aujourd’hui, j’ai de nombreux souvenirs de moi et ma sœur dansant autour de lui lorsqu’il jouait de l’accordéon à la maison. J’ai moi-même commencé la danse à l’âge de trois ans, puis le piano à l’âge de huit ans. J’ai toujours eu ce penchant pour les arts. J’ai commencé à dessiner lorsque j’étais très jeune. Je peins toujours beaucoup – gouache, aquarelle, etc. Je fais aussi de la poterie, de la peinture sur céramique, de la photographie, etc. Je suis persuadé que nous naissons tous avec certaines prédispositions. A mon sens, chaque âme est unique, avec un codage spécifique. Et j’ai le sentiment que si nous savons nous écouter et suivre certaines aspirations, notre destinée se déroulera naturellement devant nous. En ce qui me concerne, en plus de mon penchant pour les arts, j’ai toujours été passionnée de maths et sciences. Ma famille a toujours pensé, pour cette raison, que je me serais dirigée vers un métier scientifique. A mon arrivée à l’université, j’ai commencé à étudier la neurobiologie, que je trouvais absolument fascinante. Mais j’ai soudain réalisé, à peu près à cette époque, que l’existence était vraiment courte et que ça ne correspondait pas ce que je voulais faire de ma vie. J’avais une nature créative que je voulais vraiment explorer. Je me disais que je ne gagnerais sans doute pas autant d’argent en suivant cette inclination, mais qu’au moins, je serais plus en phase avec moi-même.

Vous êtes vraiment une artiste à part entière, car vous êtes aussi comédienne et danseuse…

Je n’ai pas beaucoup été actrice, mais j’ai joué dans quelques feuilletons. Je suis affiliée aux principales corporations de comédiens américains, la Screen actors guild ou l’American federation of television and radio artists. Durant mes études secondaires, j’avais déjà participé à nombre de comédies musicales ou pièces de théâtre. C’est quelque chose que j’ai toujours aimé faire. A la télévision, je n’ai jamais obtenu de grand rôle. J’ai rapidement compris que ce n’était sans doute pas ce qui me convenait le mieux, même si j’aimais beaucoup ça. Ceci étant dit, je continue à recevoir des propositions de rôle de temps à autre. C’est une page que je me refuse à tourner pour le moment.

On l’a vu, vous êtes une femme aux talents multiples. Malgré tout, est-ce que la musique est aujourd’hui l’art dont vous vous sentez la plus proche ?

Tout à fait ! Ce qui ne m’empêche d’avoir toujours mon appareil photo en bandoulière lorsque je vais me promener et de continuer à passer beaucoup de mon temps à dessiner, ou à danser. Mais c’est la musique qui est aujourd’hui mon activité principale, ma carrière si vous voulez. Et si vous me donniez le choix entre le chant et l’écriture, je crois que je choisirais la dernière, même si le choix s’avérerait particulièrement difficile car j’adore chanter. Je m’estime chanceuse d’avoir reçu cette voix, même si elle n’a peut-être pas la tessiture la plus étendue au monde. Mais pour moi, la forme la plus aboutie de l’expression artistique demeure l’écriture. D’être en mesure de partager mes idées, mes émotions, à travers les mots et les mélodies.

Vous faites partie d’une toute nouvelle génération d’artistes qui ne doivent leur succès qu’à eux-mêmes et à leur assiduité sur les divers réseaux sociaux. Vous n’avez en effet aucun agent, aucune maison de disques, ce qui ne vous empêche pas aujourd’hui de vivre de votre art… Souhaiteriez-vous parfois pouvoir bénéficier d’un encadrement professionnel de ce type ?

J’y suis très ouverte, mais il s’agirait de trouver la maison de disques qui me conviendrait. Le potentiel d’un artiste qui est bien conseillé, bien encadré, s’en trouve forcément démultiplié. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les maisons de disques traversent actuellement une crise profonde. Si l’une d’entre elles était prête à signer une jeune artiste comme moi, il faudrait qu’ils acceptent de reconnaître que je génère déjà des revenus très substantiels. Je suis persuadée que personne ne sera jamais aussi passionné que moi-même au sujet de ma carrière. Ou en tout cas, il faudrait pouvoir tomber sur la perle rare… Je ne pourrais pas me résoudre à signer n’importe quoi avec n’importe qui. Il faudrait d’abord que j’aie la conviction qu’ils sont aussi motivés que je le suis, et pas seulement parce qu’ils y voient un potentiel commercial.

Avez-vous déjà été approchée par une grande maison de disques ?

Pas par une « major », non. Mais j’ai été approchée par de nombreux agents ou producteurs qui souhaitaient travailler avec moi. J’étudie toutes ces propositions très sérieusement. Quelque chose en sortira peut-être… Mais en attendant, je ne perds pas une minute. Je continue mon bonhomme de chemin, avec détermination et persévérance. J’arrive à obtenir des passages à la télé. Mes chansons se vendent plutôt bien. J’ai le sentiment d’être sur la bonne voie. 

Quand on est musicienne indépendante, peut-on bien vivre de sa musique ?

Je peux en vivre, même si mes revenus ne sont pas non plus fantastiques (rires). J’ai quelques activités complémentaires qui me permettent de faire face. Mais je sais que la plupart de mes amis artistes qui tentent de vivre de leur art n’y arrivent pas. Je crois qu’il est plus facile aujourd’hui de gagner sa vie en tant que producteur que comme artiste. Ce qui me rapporte le plus, ce sont les droits d’auteur, lors des passages de mes chansons à la radio, à la télé, dans des spots publicitaires ou dans des films. Aux Etats-Unis notamment, mes chansons sont très souvent programmées à la radio. Le dernier bilan n’est pas si mauvais : mes chansons y ont été diffusées plus de quatre millions de fois au cours du trimestre. C’est la confirmation que la musique que j’écris est écoutée.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste qui souhaiterait faire carrière aujourd’hui ?

Il n’est pas facile de répondre à une telle question. Forcément, il faut se préparer à devoir surmonter de nombreux obstacles, mais je dirais qu’il n’y a pas de recette miracle. Il n’y a peut-être pas des millions de façons d’y arriver, mais il n’y a pas non plus une seule manière d’y parvenir. Le plus important est sans doute, dans un premier temps, d’arriver à définir ce que l’on veut vraiment faire. Il est parfois utile de se fourvoyer. C’est la meilleure façon de réaliser que ce n’est peut-être pas le meilleur chemin à suivre. Il suffit alors de rebrousser chemin et de suivre une autre voie. Je connais tant d’artistes dont les noms n’évoqueront rien à personne, et qui pourtant tirent fort bien leur épingle du jeu. C’est le cas de compositeurs écrivant des musiques pour le cinéma. J’ai quelques amis dans ce cas, et qui obtiennent des revenus très confortables de cette manière. Comme autre voie possible, il y a le chant. Certains interprètes s’en tirent très bien. Si l’on veut être populaire, je crois, plus généralement, qu’il est primordial de se bâtir une communauté de fans. Les contacts, il n’y a que ça de vrai. C’est notre planche de salut. Un artiste qui débute doit aussi réaliser que le premier travail qu’il réalise ne sera pas forcément son meilleur. Le propre de l’homme, c’est d’évoluer. Au départ, il ne faut pas se montrer trop sévère envers soi-même. Il faut se donner le temps de mûrir, d’ouvrir ses horizons, d’essayer plusieurs voies, plusieurs styles. Un autre conseil : il faut essayer d’éviter de se comparer à quelqu’un d’autre. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas avoir de modèle. Mon modèle a toujours été, en ce qui me concerne, la chanteuse canadienne Sarah McLachlan. De tous les artistes que j’aime, elle est celle qui m’inspire le plus. Il m’arrive de me demander, lorsque je fais face à un problème, ce qu’elle ferait en pareil cas. Mais s’il fallait que je compare ma carrière avec celle de Sarah, je serais facilement désespérée car elle a réalisé un parcours extraordinaire. La clef est donc de se laisse inspirer par ses modèles, sans se comparer à eux.

L’avez-vous déjà rencontrée ?

Non, jamais. J’ai pratiquement tous ses albums. Elle m’apparaît comme une personne extraordinaire. J’adore sa voix. Les gens me disent parfois qu’il y a des ressemblances entre nous, surtout lorsque je chante des ballades. Pour le reste, mes chansons sont sans doute plus pop que les siennes. En résumé, je crois avoir trouvé ma propre voie mais elle reste mon modèle numéro un.

Est-ce qu’il arrive encore à Leah West de rêver ?

L’un de mes rêves serait de réaliser davantage de vidéos. C’est quelque chose qui me permet de combiner mon goût pour la danse et ma passion pour la création visuelle. J’ai d’ailleurs récemment lancé mon premier clip véritable, sur la chanson « Simple love ». Nous l’avons sorti pour la Saint-Valentin et il a été très bien accueilli par le grand public. C’est d’autant plus satisfaisant que ça n’a pas coûté très cher. J’ai travaillé avec un réalisateur merveilleux, Douglas Brown, et nous nous sommes vraiment bien amusés. J’aimerais renouveler cette expérience, d’autant qu’une grande partie de mes fans me suit depuis l’étranger. C’est donc un bon moyen de les rejoindre. Parmi mes autres rêves, il y a celui de jouer dans une grande salle devant plusieurs milliers de personnes. Et puis aussi, d’avoir des enfants. De voyager. De poursuivre mes autres activités artistiques… Encore une fois, j’ai conscience que la vie est courte et je veux en profiter autant que possible.

La vidéo de “Simple love”, réalisée par Douglas Brown :

La spiritualité occupe aussi une large part dans votre vie, non ?

Je crois fortement au destin, à un chemin spirituel tracé pour chacun de nous. A mon sens, il y a beaucoup de gens complètement perdus sur cette Terre. Cela m’attriste sans pour autant me faire dévier de mon chemin. Je crois à la complémentarité du yin et du yang. Tout dépend où l’on se situe… Veut-on être une partie du problème ou une partie de la solution ? Je ne veux pas dire que tout ce que j’entreprends est parfait, loin de là. Je considère que la musique est un don que j’ai reçu et qu’il ne serait pas bien de le garder pour moi. Quand j’étais petite, ma grand-mère irlandaise me disait qu’il fallait toujours partager les dons que Dieu place entre nos mains, et que sinon, nous le déshonorions. Peu importe les convictions religieuses ou spirituelles, je suis convaincue que nous avons tous un dessein, une utilité.

Propos recueillis par Titus le 27 mars 2012.


DISCOGRAPHIE

Pour commander le premier album de Leah West, "Beyond Words" ("Au-delà des mots"), 

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Deuxième album, "Speechless", à paraître à l'automne 2012.