Quelques rappels méthodologiques ne sont pas complètement inutiles pour éviter de fâcheux contresens :
- D’abord, l’épargne des ménages n’est pas l’épargne de la France : cette évidence est souvent omise parce qu’on n’imagine pas que « l’Etat » où les entreprises puissent avoir une épargne. Et pourtant, si ! En comptabilité nationale, on trouve une ligne « épargne brute » pour tous les agents qui doit être comparée à leurs dépenses d’investissement. Lorsqu’on agrège l’ensemble des épargnes et des investissements, on arrive au constat que la France manque d’épargne pour financer ses investissements. Autrement dit, l’épargne des ménages est insuffisante pour couvrir les besoins de l’Etat et des entreprises ;
- Ensuite, si l’épargne est, par définition, la partie du revenu non consommé, ce qui lui donne l’apparence d’un « reste », la réalité est plus complexe. Il faut, en effet, aussi prendre en compte le comportement d’endettement des ménages qui vient impacter leurs ressources. Lorsque les ménages s’endettent (nouvelles dettes supérieures aux remboursements), leur épargne va ainsi mécaniquement s’accroître. C’est bien ce qui s’est passé en 2011 ou la forte du taux d’épargne est concomitante d’une augmentation de 6,3 % des crédits à l’habitat (à fin 2011) ;
- Enfin, l’épargne des ménages a deux formes d’emplois différents : le placement en actifs mobiliers et monétaires (pour un montant de 7,4 % du revenu en 2011) et l’investissement immobilier (pour 9,2 %). En 2011, l’augmentation de 0,7 point du taux d’épargne a tenu pour 0,4 point aux placements et à 0,3 point aux investissements. Concrètement, les ménages français ont accru leurs « réserves » (signe d’inquiétudes sur le futur) et leurs investissements (autre forme d’inquiétudes, cette fois ci quant à l’avenir de leurs retraites).
Résumons-nous : l’épargne des agents domestiques n’est pas suffisante, la hausse de l’épargne des ménages signe leurs inquiétudes sur le futur, les ménages continuent d’accroître leur endettement à long terme. Rien de très réjouissant…
Au-delà de ce qu’il nous apprend sur l’état psychologique des ménages, ce record historique d’épargne, nous montre aussi que la France gaspille, de deux façons, une ressource rare qui est le capital privé :
- D’une part, en l’affectant au financement du déficit de fonctionnement des administrations publiques. En 2011, l’écart entre le déficit public (103,6 milliards) et l’investissement public (61,6 milliards) a ainsi dépassé 40 milliards … Au lieu de permettre l’accumulation d’actifs qui génèreront des recettes futures, cette épargne est ainsi irrémédiablement perdue ;
- D’autre part, en l’utilisant à financer de l’investissement immobilier. Comme l’offre foncière est restée contrainte, cette augmentation des ressources aura surtout favorisé la hausse des prix du logement, sans grands bénéfices pour l’économie française.
Réorienter l’épargne des ménages vers des investissements productifs et adopter une « règle d’or » pour les finances publiques (déficit public inférieur à l’investissement public) seront bien deux priorités pour le prochain gouvernement pour que ce record historique d’épargne serve à quelque chose d’utile…