Roger Gariépy
Guy St-Jean éditeur
319 pages
Résumé:
Au début du siècle dernier, l'Ouest canadien intéresse de plus en plus les bâtisseurs, promoteurs et autres aventuriers avec la construction d'un important réseau ferroviaire. Une petite ville au nord de l'Alberta, encore isolée de tout et majoritairement francophone, semble particulièrement attirer les pionniers. Les bateaux à aubes ne cessent d'y débarquer de nouveaux venus, son développement fulgurant étonne... Joseph-Omer Boulanger et sa femme Florida, comme Honoré Corbeil et sa femme Antoinette, sont parmi ces nouveaux arrivants, fuyant les conditions de vie difficiles au Québec. Ils ont choisi la petite localité puisque l'endroit est pressenti comme point de passage important pour le chemin de fer qui reliera l'ensemble du territoire d'ouest en est. Or, quelques magouilles politiques viennent changer les plans de développement de la ville et l'avenir de la région est alors mis en péril. Celle-ci serait-elle destinée à sombrer dans l'oubli, avec tous ces habitants qui avaient rêvé d'en faire un Eldorado?
Mon commentaire:
Grouard est une petite ville du nord de l'Alberta qui a connu une forte croissance économique au début du siècle. Perçue comme l'Eldorado par beaucoup de canadiens- français, les gens débarquent à Grouard avec l'espoir au cœur. Rapidement, la ville compte près de 2000 habitants, plusieurs magasins, commerces et hôtels, des églises de plusieurs confessions, des banques, des écoles, un bureau de poste... C'est un lieu en plein développement, où la prospérité est assurée.
La vie est douce à Grouard. Cependant , elle se complique lorsque les tensions sont exacerbées entre les francophones et les anglophones. La guerre et la conscription obligatoire n'aide en rien les deux groupes linguistiques à s'entendre, surtout qu'ils ont chacun leur idée bien arrêtée - et bien différente - sur la question. Ce qui donnera le coup de grâce à la ville, c'est le développement du chemin de fer et les magouilles politiques qui y sont rattachées. Tant attendu par les habitants qui y voient l'occasion de prospérer encore plus, de se faciliter la vie et d'offrir un avenir à leurs enfants, Grouard n'est cependant pas dans la mire des décideurs. Grouard, la ville oubliée du trajet...
L'auteur met en scène l'histoire de cette ville, devenue un minuscule village aujourd'hui et qui aurait pu, grâce à une décision totalement différente, devenir une plaque tournante de la région. c'est d'ailleurs ce que les développeurs laissaient entendre et la ville a prospéré très rapidement. Peut être trop. Ce qui l'amena à sa perte.
Le roman La ville oubliée raconte l'histoire de Grouard, mais surtout celle de ceux qui auraient pu y habiter. C'est un roman tranquille, une chronique du quotidien, qui nous raconte la vie des gens. Nous suivons l'arrivée des premiers habitants, alléchés par la promesse d'un meilleur avenir. Le roman raconte des tranches de vie du quotidien: le magasin général, la guerre, la politique, les amours, l'amitié, le travail, la traite des fourrures... Ce sont les instantanés de vie des personnages qui nous sont présentés au début du roman. Nous vivons près d'eux leur arrivée à Grouard, leur quotidien, jusqu'à ce qu'il soit de plus en plus difficile de travailler et que les gens s'exilent.
La ville oubliée raconte tous les détails quotidiens de la création d'une ville à l'époque, du commerce, du transport et de la médecine. C'est l'histoire des premiers habitants, de ceux qui ont cru à cette ville et qui y ont misé tous leurs espoirs. C'est un roman agréable, aux personnages attachants.
Un extrait:
"Boulanger a sans doute raison, pensait-il. On s'attaque autant à notre langue qu'à notre religion. Et dire que Mgr Barbu m'a interdit de m'en mêler. Tout ce qu'on a construit depuis des années finira peut-être par disparaître complètement. Je me souviens encore de ce que disait cet emberlificoteur de Thompson, quand je suis arrivé ici. Une petite ville qui deviendrait un pôle d'attraction, presque le centre de l'Ouest canadien. Nom d'un chien! On a tôt fait de réaliser que pour les politiciens, on n'était absolument rien du tout." p.272
En complément:
Quelques informations sur la fondation de Grouard sur Bibliothèque et Archives Canada, ainsi que deux photos d'époque.