"L'amour de la démocratie est avant tout un état d'esprit" écrivait dans la République Moderne, Pierre Mendès France. Voilà une citation qui résonne cruellement avec l'attitude des deux principaux candidats - Nicolas Sarkozy et François Hollande - par rapport à l'hypothèse d'un débat télévisé avec l'ensemble des concurrents à l'élection présidentielle.
Encore une fois, l'impossibilité d'organiser ce débat démontre le retard démocratique français et souligne une fois de plus la déconnexion entre les politiques et la réalité. La démocratie c'est avant tout le débat, la confrontation des idées, la mise en perspective, la capacité à s'adresser aux citoyens, et là, les deux candidats susceptibles de devenir présidents de la République s'octroient le droit de ne pas débattre, de ne pas venir échanger dans une concorde républicaine avec les autres candidats.
Comme si au final, lorsque l'on est l'un des favoris, on se glissait déjà dans la peau du monarque républicain qui - isolé dans son Palais de l'Elysée - n'a pas à se mêler avec la piétaille. Triste image de la politique.
Alors j'entends déjà les protestations des conseillers en communication : "mais ils n'ont absolument rien à y gagner. Ils vont se mettre en danger". Oui, sauf que bizarrement, il n'est pas question ici que les politiques gagnent ou perdent, il est question de faire gagner la démocratie en montrant que le débat est vivace, que les différences sont là et que pour se présenter devant les citoyens, il faut savoir leur parler et "affronter" les représentants des différents courants d'opinions du pays.
Nicolas Sarkozy et François Hollande ont décidé de s'en dispenser et rien ne les en empêchera. Il serait peut - être bon que le CSA intervienne et prenne une position courageuse en disant que ce débat est nécessaire pour le pluralisme et l'égalité auquel il est si attaché.
On pourrait même imaginer que des citoyens, des médias ou que sais-je encore se lèvent pour exiger que ce type d'échanges soient obligatoires. Mais tout cela n'arrivera pas. Cette République et son système de monarchie élective sont sclérosées. Les médias ont beau tenter de protester, ils n'y croient même pas eux-mêmes tant cette logique du "ils n'ont rien à y gagner" leur paraît normale.
Ne rappelons pas que dans toutes les démocraties modernes, ce genre d'exercice a lieu. La France est un phare pour le monde (sic) ne l'oublions pas, elle fait donc ce qu'elle veut.
"Être démocrate, ce serait agir en reconnaissant que nous ne vivons jamais dans une société assez démocratique", écrivait le philosophe Jacques Derrida. Voilà une autre citation très juste qui résonne avec notre maladie française.