L’affrontement entre les deux entreprises se déroule autant sur les terrains juridiques et médiatiques que sur la morale en affaires. En effet, la stratégie de Nécotrans se décline en une plainte pour corruption internationale et un référé déposé en vue de la présentation du contrat de concession signé entre l’Etat de Guinée et Bolloré. De plus, Getma a introduit un recours auprès du CIRDI et de la cour d’arbitrage de l’OHADA, sur la base de la résiliation unilatérale du contrat. Bien que le référé fut remporté et l’ensemble du contrat révélé, le Tribunal de Nanterre classa sans suite la plainte pour corruption. Dès lors, le groupe Bolloré contre-attaquait en déposant une plainte pour « dénonciation calomnieuse », elle aussi classée sans suite. Cependant, la guérilla juridique se poursuit et une plainte pour « concurrence déloyale » est en cours d’instruction. Selon un audit de PWC les préjudices de Nécotrans sont estimés à 100M€. Le groupe Bolloré quant à lui n’a pas abdiqué et pourrait déposer une plainte avec constitution de partie civile afin de pousser le parquet à nommer un juge d’instruction. Enfin, même sans valeur juridique, Nécotrans a également instruit la société française INECOR, de réaliser un audit du contrat de concession de Bolloré. Ses conclusions témoignent selon le porte-parole de Nécotrans « de la position dominante de Bolloré pour imposer à la Guinée un contrat aussi léonin et mettre ainsi l’économie de ce pays sous sa coupe ».
Au-delà des péripéties judiciaires et des arguments utilisés par les deux parties, la réputation de Bolloré et le système mis en place depuis des années pour conquérir les terminaux portuaires et les transports du continent africain est aujourd’hui sous le feu des projecteurs. L’intérêt pour Nécotrans est bel et bien de présenter Bolloré et ses filiales comme une entreprise de déstabilisation et de vampirisation de l’Afrique (le groupe gérerait déjà entre 50 et 80% des exportations agricoles du continent, la maitrise du port de Conakry conduit à contrôler la richesse en minéral de la Guinée). Quitte à perdre le contrat de Conakry, il importe de frapper la crédibilité morale de l’adversaire. La bataille juridique déjà conduite par Bolloré pour la gestion du port de Lomé, les liens d’amitié et d’intérêt qui unissent Vincent Bolloré, Alpha Condé et Bernard Kouchner, et enfin la reconduction récente du contrat d’Euro-RSCG par le président Alpha Condé sont autant d’armes à utilisées par Nécotrans dans ses démonstrations.
Pourtant, le groupe Bolloré peut se prévaloir des expertises de l’Etat guinéen. En effet, pour justifier leur décision, les autorités portuaires invoquaient le non-respect, par le groupe Nécotrans de ses obligations contractuelles, de s’être prévalu de capacités qu’il ne disposait pas et le contexte d'instabilité politique dans lequel la convention de 2008 a été signée, deux mois avant le décès du président Lansana Conté.
Ainsi, face à l’activisme juridique et la communication de Nécotrans, le groupe Bolloré, à son habitude, garde le silence et continue d’agir par le jeux des réseaux et de la discrétion.