Yoanna nous offre cette année un bel objet sonore, un vrai bijou qui sera certainement l’un des coups de cœur de l’année à venir. Au bord de la rupture, elle n’arrête pas de nous émouvoir. On connaissait Yoanna, par un premier album « Moi, bordel ! » qui n’a laissé personne indifférent. Mais il y a tout sur cet album -pour ne pas dire un disque complet- de la tendresse, des textes percutants, une somptueuse orchestration des chansons sans oublier le charisme réjouissant de l’artiste et son chant qui délicieusement nous fait figer la colonne vertébrale pour ne nous laisser comme sens que l’ouïe et la vision.
Y a longtemps que j’ai compris le pouvoir magique qu’avait cette délicieuse artiste, je ne me suis jamais remis de son concert « solo » au Divan du monde, je me disais, le truc c’est de ne pas tomber amoureux d’elle … Bon je suis tombé amoureux de son univers et ses prestations scéniques (il s’en est suivi bien des concerts après … je ne dirai pas le nombre, on pourra -encore une fois- me lancer un foudroyant « Groupie »! ).
Bref tout cela pour dire, j’ai rencontré Yoanna !
Yoanna, tu es une suissesse qui est passée par plusieurs villes françaises et aujourd’hui tu vis à Grenoble. Quitter la Suisse, ça a été comme un « beau » départ sur ce chemin musical ?
Ben ça se comprend pourquoi j’ai quitté la Suisse, non ? (rires). Après faut bien le dire, la Suisse c’est un pays qui affiche un bénéfice de 13 milliards de francs suisse alors que la Grèce est sur le point de se trouver abandonnée à son triste sort … (silence). Je ne sais pas si tu as déjà été en Suisse, mais ça pue le pognon. J’ai voulu fuir cela, fuir ce pays, j’avais une grande envie de bouger de partir voir ailleurs. C’est ce que j’ai finalement fait à l’âge de 18 ans. (sourire)
Et qu’est ce qui t’a amené à Grenoble où tu vis aujourd’hui ?
Ce qui m’a amené à Grenoble c’est Fabien Daïan, qui a fait mon premier disque « Moi, bordel ! » et ce fut l’une des premières personnes à avoir voulu travailler avec moi. A ce moment-là, j’habitais à Paris. Donc on a bossé ensemble, j’ai joué avec ses musiciens dont Marion Ferrieu, qui aujourd’hui est ma complice fidèle au violoncelle et aux chœurs. C’est un sacré numéro cette fille (sourire), elle peut jouer de plusieurs instruments sur scène, je suis heureuse de l’avoir (rires).
C’est rare les filles avec un accordéon mais on remarque qu’il y a une nouvelle scène avec plein d’accordéonistes -filles- genre Chloé Lacan, Zaza Fournier, Géraldine Torres, …
Ben il y a Michèle Bernard et Yvette Horner et toi tu me parles de Zaza Fournier (rires)
Elles sont, comment dire, un peu âgées. Je parle de la nouvelle génération …
Je trouve qu’il y en a déjà beaucoup trop (rires). Mais en France, le nombre de gens qui joue de l’accordéon, le nombre de concours qui existe, c’est ultra développé quand même. Je me rappelle de mes premiers concours d’accordéon quand j’étais en Suisse … ben je les ai passé en France (rires), c’était à Bellegarde.
Après, le fait qu’il y ait plus de mecs qui jouent de l’accordéon que de femmes, ben c’est un peut-être parce que c’est très physique et ça reste un instrument très lourd.
Et si on parlait de ton nouvel album ?
Un 4ème album au titre « un peu » autobiographique « Un peu brisée ». Tu as mis 4 ans avant de le mettre au monde cet album
Il y a beaucoup de changement si on compare avec le précédent. Ce nouvel album est plus intime, plus personnel, il a été fait d’une façon plus différente et puis il est plus collectif …
Marion : Aussi, pour le premier disque, les chansons existaient depuis longtemps. Alors qu’ici, on retrouve des nouvelles chansons qui ont été écrites spécialement pour cet album. Avec « Moi, bordel ! », beaucoup de morceaux ont été joués sur scène avant d’être enregistrés alors qu’avec « Un peu brisée » c’est un peu l’inverse.
Les pianos, guitares et cuivres du premier album ont disparu pour ne garder que ce duo que tu formes avec Marion : Accordéon-violoncelle
C’est ce qui restait sur scène (rires), on s’est retrouvée Marion et moi toute seule. Sur scène, on est passé d’une formule à cinq musiciens à quatre, puis à trois et aujourd’hui deux (grand sourire). On a aussi évité d’appeler d’autres musiciens même si on savait qu’il fallait refaire un disque.
Et ce qui est important à souligner par rapport aussi au changement entre le premier et le nouvel album, c’est que ça n’a pas été réalisé par la même personne.
N’empêche, c’est plus simple d’être à deux , non ?
Le mot humble sera un peu abusé, mais on voulait un disque simple et plus tranquille. Je ne cherchais pas à avoir une session cuivre pour qu’un des morceaux soit festif ! J’ai eu envie d’être dans une démarche qui soit la plus simple possible. Pareil qu’avec la scène, on se retrouvait avec toutes ces couleurs noir, rouge, blanc … ben aujourd’hui, il n’y a plus de couleurs (sourire).
Et puis cette simplicité, on la retrouve même dans le choix du studio. On s’est retrouvé à la campagne avec des choses un peu cheap, on avait moins de pression concernant le temps et surtout l’argent (sourire). On était loin des 550 euros la journée en studio, et puis même le micro… (Yoanna est morte de rire) … avant tu te retrouvais avec un micro à 15 000 euros, si tu le faisais tomber ben t’es grave dans de beaux draps (rires). Là, c’était différent, on avait que deux micros et c’était impec.
Tu t’es un peu faite violence avec ce deuxième disque. Je trouve que l’album « Un peu brisée », qui porte bien son nom, révèle un peu plus ta fragilité.
C’est maintenant que je me rends compte de cela. Concrètement, aujourd’hui j’arrive à supporter ma voix . Avant, je n’écoutais pas ce que je faisais comme musique, tu peux trouver cela drôle mais je ne m’enregistrai jamais. Puis quand j’ai eu l’ordinateur, le micro et tout le bazar qui va avec (rires), ben j’ai été un peu curieuse et j’ai enfin entendu ma voix (rires). Tu te dis à ce moment-là « ah ben ce n’est pas très merdique ce que je fais » (sourire).
Je pense aussi que le fait d’avoir une adolescence tellement agressive et j’étais tellement agressive, que je ne pouvais pas me calmer. Il n’y avait pas d’autres solutions que de brailler et d’hurler (rires), ça se ressent. Mais c’est toujours important de continuer à se rechercher musicalement, j’ai adoré faire ces chansons, j’ai adoré faire cet album, j’ai adoré chuchoter, à parler doucement.
On entend moins la voix devant et les musiciens (bon il ne reste que Marion) autour. Ici avec « Un peu brisée », tout est en équilibre.
L’alchimie on n’a pas essayé de la rechercher, Marion si elle avait arrêté l’aventure y a deux ans , je n’aurai pas recherché un violoncelle. C’est très important de le souligner parce que finalement ce projet, avant d’être un duo de deux musiciennes, c’est un projet humain avant tout. Ceci dit, je trouve que nos deux instruments vont bien ensemble (sourire). C’est extrêmement original et pas du tout calculé.
Je garde aussi le nom du « groupe » Yoanna, qui n’est entre autre que mon propre prénom. Pour dire, que ce projet ça reste le mien et je l’assume. Et je prends un énorme plaisir de travailler avec des gens et je me rend compte que toutes ces personnes ont de la valeur !
Avec ce duo, Marion et toi vous êtes accrochées à vos instruments. Donc Yoanna aura toujours son accordéon comme une sorte de protection ?
Pas du tout ! Je le lâcherai un jour et j’aurai ce besoin de passer à autre chose. Aujourd’hui, je fais de l’accordéon parce que j’aime cela, je trouve du plaisir à jouer de cet instrument. Le moment où je sentirai que je suis arrivée « au bout » de ce bel objet, ben je me pencherai sur un autre instrument, mais rassure-toi, il me reste beaucoup de choses à faire avec l’accordéon donc notre séparation n’est pas prévue pour demain (rires).
Album « Moi, bordel ! », sorti le 14 avril 2008 chez Matcha / Projet Bob / Musicast
Album « Un peu brisée », sorti le 14 février 2012 chez Matcha / Musicast
Crédit Photo : Vincent _C@ctus_ Vanhecke
Remerciements : La dream-team, le trio de choc Yoanna – Marion – Charline