C’est le printemps. Le printemps de poètes. La saison se prête justement à la sortie des carnets d’hiver, où dans la déprime et l’angoisse, l’âme du poète esseulée exprime son cri dense, tortueux, souvent incompréhensible par le commun des mortels. Le printemps, j’imagine que c’est le temps pour lire des poèmes.
Je me suis d’ailleurs construit tout un ensemble d’idées à propos de la poésie qui, pour moi, n’a de sens que lorsqu’elle est lue au bord d’un lac, dans les sentiers sinueux d’un bois de l’Essonne, clamée à haute voix. Là, le lecteur attentif peut sûrement entendre le cri du poète. Aux Lilas, Nimrod m’a assuré qu’il n’y avait pas besoin de tout cela, mais ma lecture des 40 moments tirés de la crucifixion d’un homme semble contredire sa thèse.
Ce recueil de poésie écrit par Jimmy Anjoure-Apourou est une succession de très beaux poèmes, certes. Mais, je ne les ai pas saisi dans leur complexité. Je n’ai surtout pas saisi le sens de nombreux de ces vers. Mon contexte de lecture était ce RER si peut pratique pour lire silencieusement des poèmes évoquant brisures, ruptures, ombres, éclats…
Il n’y a pas de mal à dire qu’on n’a pas compris, qu’on n’a pas réussi à donner du sens derrière les mots à, page après page, trouver du lien entre les différents poèmes, ou encore qu’on identifie pas les 40 moments tirés de la vie d’un homme. Dans le monde judéo-chrétien, le renvoi à la crucifixion était surement une piste, mais disons-le en toute humilité dans les méandres de ces poèmes pour le moins ésotériques, je me suis perdu.
Je me couche sur le
Bruit
Je me touche à l'enfer
La lune saignée à blanc
Affine une dernière joute
Avec le bec impie
D'un oiseau de parade
Cascade d'un vent froissé
D'infanticide douceur
Je sens l'ordre du monde
Me traverser la plaie
Et l'endroit félon
Où s'acharnent nos dieux
Dorlotés cathédrale
Dans la fêlure des draps
L'ombre tient la chandelle
L'âme se range hors de luire
L'odeur arpente les rues
En quête d'oeil factice
page 54, éditions Vents d'ailleurs
Le jeu avec la langue française de l'artiste Jimmy Anjoure-Apourou, les contresens usités et bien d’autres joutes avec les mots m’ont parus ambitieux et maîtrisés. Peut-être que si j’avais eu le temps de m’égarer dans le bois de St-Europe, j’aurai saisi la subtilité et l'essence de ce recueil de poèmes. Je suis simplement un mauvais chroniqueur de ce genre littéraire.
Tous les matins rassemblent
Un jour que j'ai perdu
Jour de très vive matière
D'un temps qui durait loin
Là où les cruautés dormaient
Près de l'amour
Dans l'innocence de l'eau
Qui abreuve et qui noie
page 43, éd. Vents d'ailleurs
Le recueil corps-Puscule m’a paru plus accessible.Bonne lecture et belle découverte,
Jimmy Anjouré-Apourou, 40 moments tirés de la crucifixion d’un homme, suivi de corps-Puscule
Editions Vents d’Ailleurs, 1ère parution en 2011, 103 pages