«Atar Gull» ou le destin d’un esclave modèle de Nury et Bruno, d’après le roman d’Eugène Sue, ma BD du mercredi
Par Mango
Le roman d’Eugène Sue dont cette BD s’inspire fit scandale à sa parution en 1831. Il traite de l’esclavage sous un jour nouveau à une époque où les villes côtières de l’Atlantique comme Nantes et Bordeaux s’enrichissaient grâce à ce trafic. Mêlant cruauté et humour sarcastique, l’écrivain s’insurgeait contre de telles pratiques. La BD de Nury et Bruno reprend cette histoire d’un fils de roi africain qui, ayant réussi à survivre à la traversée meurtrière, dans des conditions effroyables, se retrouve favori de son maître, dans une plantation, mais sa vengeance sera terrible.Dans ce récit pas de pitié: les hommes sont plus mauvais les uns que les autres: cupides, cruels, sournois, traîtres, criminels, sans scrupules. La nature se montre dure et sauvage, dangereuse, entre tempêtes, naufrages, sécheresse, animaux venimeux ou carnivores, épidémies, incendies...Quant à la société, pas d'espoir de ce côté non plus tant elle peut être féroce et injuste. Alors quel sera le destin de l'esclave modèle, Atar Gull dans un tel contexte? Terrible bien sûr: le supplice continue et les morts, les épidémies, les destructions se succèdent autour de lui, seulement le bourreau cette fois n'est plus le même! La construction est habile. Deux livres, de même longueur, racontent les faits : «La traversée», tout d’abord puis «La plantation». L’épilogue, lui, se concentre sur la vengeance, à Nantes.Auparavant en un recto verso, le héros nous est présenté parmi les siens. Le village est réuni autour d’un grand feu, la nuit.
« Mon père…Pourquoi les femmes pleurent-elles?- Elles pleurent leurs hommes disparus…enlevés par nos ennemis de la tribu des Grands Namaquas.- Mais alors, pourquoi les hommes pleurent-ils?- Ils pleurent pour leur tenir compagnie.- Mon père, pourquoi pleures-tu?- Parce que …Je suis leur chef. Leur souffrance est aussi la mienne. Et toi, mon fils, n’as-tu pas envie de partager les larmes de ton peuple?- Non, moi, Atar Gull, je ne pleurerai jamais. Jamais… »
Ce n’est pas que l’histoire me plaise en soi mais j’ai apprécié la façon dont elle est racontée et mise en images. Les dessins, les couleurs, tout est parfaitement en place et au service de l’intérêt du lecteur. C’est une belle réussite mais vu la noirceur des personnages et la violence de l'ensemble, ce n'est pas une BD dont je me souviendrai vraiment. C'est loin d'être un de mes coups de cœur. Je ne l'ai pas trouvée suffisamment attachante pour ça. «Atar Gull» ou le destin d’un esclave modèle de Nury et Bruno, d’après le roman d’Eugène Sue (Dargaud, 2011, 88 pages)