Pas juste au Québec. Aux États-Unis surtout qui sont tombés sous le charme, comme on le fait devant la mimique d'un singe, de Jessica Paré laissant tomber le juron dans la série télé Mad Men.
Le folklorique patois est sorti de la bouche du personnage de Megan Calvet (joué par Paré), personnage qui est aussi montréalais dans la série qu'elle l'est au quotidien.
Son personnage, après avoir été relativement discret dans la série, a pris énormément d'ampleur au cours de la quatrième saison passant du statut de secrétaire au service de Don Draper, à épouse...au service de Don Draper...
Rappelons que la série de Mathew Weiner est un portrait de la révolution sociale qui s'opérait entre 1959 et 1966 aux États-Unis, à New York plus précisément, sur la Madison Avenue, artère des grandes agences de publicités, de là le titre Mad Men. Avec une précision chirurgicale, à la limite de l'ennui diront ceux à qui la série ne plait pas, les épisodes sont dépeints un à un comme si nous nous y trouvions. En plein Amérique envahie par les Beatles, éclaboussée par les interventions au Viet-Nam, balayée par une révolution sociale que les boomers ne sentaient pas passer puisque trop occupé à la vivre et à l'incarner. Une petite histoire de l'Amérique. Une jeunesse revisitée. De là, le succès de la série entre autre. Renvoyer ce type de miroir à une génération aux cheveux gris ne peut pas faire autrement que de remuer quelques souvenirs.
La plus belle trame narative est concentrée sur le rôle des femmes au travers des quatre premières saisons. Par les rôles joués par January Jones, Elizabeth Moss, Christina Hendricks, Alison Brie et Cara Buono principalement.
La première est passée de la docile femme au foyer, la plante de jardin prisonnière de sa vanité, à la femme têtue, imparfaite, qui apprend à vivre hors du joug de son mâle encore plus imparfait, Don Draper, dans une vie de femme séparée, situation qui ne faisait pas encore légion à l'époque.
La seconde est tout à fait à contre-courant pour la période traitée. Elle est carriériste. Mais une carriériste vivant dans l'absence totale de gêne maternelle. Dès la première saison, elle plaque la maternité pratiquement sans émotions. Elle réussit fort bien, avec beaucoup d'humilité, à se tailler une place parmi les hommes dans un métier alors pratiquement reservé exclusivement aux hommes.
Le génie de cette série est de nous faire voir quelque fois que plus ça change, plus c'est pareil
J'ai compris au cours de la quatrième saison que j'avais peut-être manqué quelques épisodes de la troisième saison puisque un personnage mal commode qui aurait (supposément) eu une liaison avec le personnage de Peggy Olson (Elizabeth Moss) ne me disait absolument rien (sinon que l'acteur qui joue le personnage en jouait un tout aussi mal commode dans la série Desesperate Housewives).
Après un an et demi d'attente, la saison# 5 a débuté dimanche le 25 mars dernier sur les ondes D'AMC. Nous sommes en 1966 (je crois). Je ne suivrai pas la série à la télé, préférant l'attendre lorsque disponible en DVD (sans commerciaux et sans 6 jours entre chaque épisode).
Aux États-Unis, un phénomène est en cours suite au premier épisode. Et comme tout phénomène, je flaire quelque chose de légèrement déviant.
Au-delà du traitement plus-que-réaliste de l'époque, je soupçonne une bonne frange de la population des États-Unis de secrètement souhaiter que nous retournions à cette époque où la femme était encagée dans la cuisine ou dans les draps et tout aussi décorative que "Barbiesque". Et complètement à la disposition de monsieur en tout temps. Secrétaire particulière.
J'en ai pour preuve ce commentaire de Gordon Sawyer, misogyne notoire québécois, expliquant pourquoi il aime la série: Ça permet de renouer avec l’époque où le méchant mâle occidental n’était pas encore castré, alors que la femme du temps ne s’était toujours pas réfugiée dans son univers mythologique entièrement fabriqué. (Bien qu’elle était sur le point de, ce que la série parvient à rendre de façon tout à fait remarquable, grâce notamment à l’ex Mme Draper, féministe clairement enragée en devenir à la sauce de l’impayable Betty Friedan). En mal de l’Ancien Régime, l’Homo Occidentalis. C’est ce qui explique la popularité de la série. Mais attention. Les disciples de Friedan auront une toute autre explication. Faut bien défendre et nourrir la prophétie autoréalisatrice, après tout.
Quand Jessica Paré a chanté un morceau à la Brigitte Bardot* pour l'anniversaire de son homme dans le premier épisode en y allant d'un numéro semi-érotique (pour l'époque recréée par la série...1966?) les Étatsuniens se sont si emflammés pour la scène que les producteurs en ont sorti le morceau musical disponible pour la vente.
En tout cas l'Étatsunien a trouvé fort exotique le "calisse" bien de chez nous échappé par son personnage dès le premier épisode.
Ne vous surprenez plus d'entendre chez l'anglophone ce nouveau sacre.
Le sacre du printemps.
(Ceux qui venaient y lire des références à Stravinsky...désolé...)
*La version originale c'était en fait Gillian Hills (ou Sophia Loren).