Proche parente des femmes artistes qui ont fait la renommée de l'école d'Utopia - Ada Bird Petyarre, Gloria Petyarre, Kathleen Petyarre et Emily Kame Kngwarreye -, Abie Loy Kemarre est née en 1972 (ou 1974) au cœur du désert australien dont elle propose depuis 1994 les superbes évocations colorées. Cette salle en présente une sélection.
Comme on le sait, Utopia fut d'abord une coopérative de batik dont les animatrices décidèrent dans les années 1970 de reproduire sur toile les motifs traditionnels qu'elles réalisaient déjà pour leur travail d'impression sur soie et c'est par ces femmes qu'Abie Loy fut initiée à la peinture – et aux secrets des rêves nourrissant cette peinture.
De l'art aborigène contemporain, les occidentaux perçoivent en effet avant tout les effets esthétiques et l'œuvre d'Abie Loy témoigne bien de toutes ces qualités qui font une grande artiste : force de la composition, maîtrise des formes, sûreté du dessin à main levée, qualité des couleurs, subtilité de leur application sur la toile.
Mais pour des artistes comme Abie Loy, cette perfection doit tout à son substrat religieux de célébration : de la terre australienne, de ceux qui l'ont créée, des exploits dont ils ont laissé le souvenir aux êtres humains - charge à eux de les commémorer dans des cérémonies où la danse, le chant, la peinture (initialement sur sol), se conjuguent en un hymne total.
Ici, peindre est donc autant un acte de foi que la recherche de la qualité plastique la plus grande car le beau et l'utile (ou l'efficace religieux) sont les deux faces d'un même acte qui fait exister l'objet, le site ou les êtres représentés, pour qu'ils témoignent de l'éternel présent de ce mouvement de création qu'on a appelé le Dreamtime – ou Temps du Rêve.
Son travail tout à fait remarquable explique sa présence dans la plupart des collections privées et publiques australiennes ainsi que dans plusieurs collections publiques au niveau international notamment celle du très prestigieux Bridgestone Museum of Art de Tokyo (Ishibashi Foundation) ou du Musée des Confluences à Lyon où la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob a fait entré une de ses oeuvres utilisée d'ailleurs pour illlustrer la couverture du livre consacré aux collections australiennes contemporaines du Musée des confluences.
Abie Loy KEMARRE, "Awelye", acrylique sur toile, 122 x 122 cm, 2012