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Superflu ou essentiel – Quelle limite dans la simplicité volontaire ?

Publié le 03 avril 2012 par Simplicitevolontaire

Posted in Théorie

Pourquoi cette discussion "superflu vs. essentiel" est-elle essentielle ?

Le constat est clair, partagé par (presque) tous aujourd'hui : notre mode de vie occidental est en train de détruire la planète, et il se maintient uniquement aux dépens de notre avenir/nos enfants (climat, destruction des écosystèmes, épuisement des ressources) et des quelques autres 80% de l’humanité (le fameux "si tout le monde vivait comme nous il faudrait 3 Planètes").

De plus en plus de personnes ont conscience de ce fait, ce qui est une excellente chose souvent oubliée.

S'il est ainsi urgent (voire... essentiel ?) de réduire notre mode de vie, une question émerge rapidement : jusqu’où ?

Cette question peut aussi être reformulée en : "comment distinguer le superflu de l’essentiel" ?

La définition super-floue du superflu 

Généralement, quand on arrive à ce niveau de discussion, c’est là que les choses rigolotes arrivent. Il y a d’abord l’écolo "théorique" : d’accord sur les idées, absent sur les actions. Dès qu’il s’agit de lâcher téléphone portable, ordinateur, voiture, semaine d’hiver en Tunisie, frigo,  supermarché… "Mais t'es dingue ?! Tout ça m'est essentiel !"

A l’opposé, on trouve le décroissant jusqu’au-boutiste. Pour lui, l’idéal est de vivre dans les bois (ou mieux, une grotte), sans eau courante, sans électricité, sans… rien ? Certains refusent ainsi tout objet manufacturé, et vivent pieds nus (et oui : pas facile de faire des mocassins, surtout depuis qu’il n’y a plus de vrais Indiens). Toute personne ne vivant pas (encore) dans ces conditions est un vendu du système, un affreux profiteur. Tout serait donc superflu ?

Entre ces deux positions, la vaste majorité des gens. Où l’on se rend compte que la définition du superflu est surtout… super-floue !

...et sans ciel, ne dira-t-on pas « super-flûte ! » ?

La contrainte distingue le superflu de l'essentiel

Des mets simples donnent un plaisir égal à celui d’un régime d’abondance si toute la douleur causée par le besoin est supprimée. — Epicure, Lettre à Ménécée, §130

D’un point de vue physiologique, l’essentiel recouvre très peu de choses : respirer, boire, dormir, manger (dans cet ordre).

Toute personne ayant fait de la randonnée s'en rend compte : lorsqu'il faut porter, on fait très vite le tri. Beaucoup de choses, qui paraissaient pourtant essentielles hier, se révèlent alors superflues.

De même en situation de "crise" : détresse économique, exclusion sociale, vivre dans la rue, voire en temps de guerre ou de disette... On revient très, très vite aux fondamentaux : se nourrir, avoir un toit, être plus ou moins en sécurité.

Ceci explique aussi pourquoi la sécurité est un thème si efficace en politique. Alors que la grande majorité des Français (qui votent) n'ont pas de problème d'ordre physiologique, le problème de sécurité (physique, sécurité de l'emploi etc.) est celui qui vient juste après.

La pyramide des besoins de Maslow (qui n'était pas une pyramide d'ailleurs) résume bien cette hiérarchisation des besoins.

Mais dans une société qui nous permet de satisfaire nos besoins mêmes les plus élevés, pourquoi donc se contenter de l'essentiel ?

Pyramide des besoins de Maslow, 1943

Pyramide des besoins de Maslow, 1943

Définition par l'empreinte écologique

Sans rentrer dans des considérations philosophiques, un objectif spécifique, mesurable, atteignable, réaliste (et donc SMART) est de diviser par 3 notre empreinte écologique. Le plus tôt possible sera le mieux, soit dit en passant.

C'est un objectif éthique et humaniste. Sans cet objectif, notre mode de vie se réalise au détriment des "autres" (que ce soit les 80% de l'humanité, ou les générations futures). Et nous savons depuis l'époque des lumières que :

"La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres."

C'est un objectif ambitieux. Diviser par 4 nos consommations de ressources serait déjà une grande victoire. C'est un objectif qui nécessite de profonds changement individuel, mais aussi un changement de société... d'où l'importance de la politique (cf. bientôt, un prochain article sur ce sujet).

C'est un objectif réaliste. Pourtant, il ne s'agit pas de retourner à l'âge de pierre. Cet objectif correspond au niveau de consommation de la France des années 60... quand les gens n'étaient pas fondamentalement moins heureux qu'aujourd'hui.

C'est un objectif minimum. Avec cet objectif, l'humanité ne laisse pas forcément des espaces vierges pour la vie sauvage. Il faudrait donc aller encore plus loin. Mais autant déjà commencer par là.

C'est un objectif flexible. Libre à chacun de décider comment utiliser son "quota" de consommation, que ce soit en chauffant plus l'hiver, en voyageant, en mangeant de la viande...

C'est un objectif révisable, à recalculer périodiquement à partir :

  1. de la population
  2. de la surface "utile" (= biologiquement productive)
  3. des techniques actuelles (production, recyclage)

Bien qu'utile en tant qu'outil, cette définition présente cependant les défauts propres à son origine technicienne : elle ne fait pas rêver. Elle correspond à une vision quasi "négative", "pessimiste" de l'écologie. Que l'on peut résumer par : "tu te dois d'être écolo...sinon c'est tuer les bébés phoques (salaud d'égoïste) !"

Définition par la convivialité

Un amis, alors que nous animions un atelier du Forum Ouvert aux Amanins, m'a proposé d'utiliser la convivialité comme critère de sélection.

La convivialité, pourquoi donc ? Thème cher au regretté Ivan Illitch, un des pères fondateurs de l'écologie politique, la convivialité s'oppose à la vision utilitaire de l'outil. L'outil aliène, rend l'homme serviteur. La convivialité le libère, l'anobli.

De manière intéressante, on retrouve la convivialité aux étages #3 et #4 de la pyramide des besoins.

Tout ce qui favorise la convivialité est essentiel : le partage, l'amitié, l'amour, mais aussi l'éducation, les soirées en famille, les discussions politiques... Tout objet qui favorise cette convivialité est essentiel : la nourriture, les livres, les transports en commun, le travail manuel, le troc, ...

A l'inverse, tout ce qui empêche cette convivialité est superflu, voire nocif : les voitures dont les routes forment des tranchées dans nos paysages, la télévision qui a tué les relations de voisinages, les méga-usines et centre commerciaux, les outils récents de communication qui isolent plus qu'ils ne relient...

Cette définition est certes moins claire que la précédente, mais elle a le mérite d'être positive. Aujourd'hui, alors que la solitude atteint des records (dans les villes et les campagnes, chez les jeunes et les moins jeunes... tous pris dans la société du "chacun chez soi, chacun pour soi"), la convivialité a le pouvoir de ré-enchanter notre conscience du paradis sur Terre.

Se libérer du superflu

Que peut-il manquer à l’homme placé hors du désir de toutes choses ? — Sénèque, in « La Vie heureuse »

Ce que nous prenons quotidiennement pour essentiel, est-ce justifié ?

Dans une société de l'hyper-consommation, bombardés constamment de publicités, il est difficile de garder son pouvoir de discernement. Dans la société du "toujours plus", la liste est longue des choses à accomplir et à obtenir... A-t-elle même une fin, cette liste ?

De très nombreux penseurs prônent depuis toujours une vie frugale : philosophes antiques (Epicuriens et Stoïcien en tête), philisophie asiatique (hindouisme, taoïsme, boudhisme et son dérivé zen), les grandes religions monothéistes méditerranéennes (judaïsme, christianisme, islam), et plus récemment des penseurs comme Jean-Jacques Rousseau ou encore Ghandi.

La société, la famille, l'égo (et en toile de fond toujours la publicité) nous poussent à tout considérer comme essentiel : la réussite sociale, avoir XYZ € en banque (combien de zéro avant d'être heureux ?), avoir une maison, trouver l'âme soeur, fonder une famille. Il est alors très instructif de prendre le contre-pied de cette tendance, et de lâcher prise, de laisser partir. C'est en donnant que le coeur devient plus léger.

Si quelque chose vous était vraiment essentiel, vous vous en rendrez compte de toute façon après quelques mois... Sinon, c'est bien que ce n'était pas si essentiel que cela.

Comme me le disais un ami récemment : le bonheur est un état naturel, il est toujours présent. C'est notre désir qui l'empêche de s'exprimer.

Apprendre à se passer des choses, une voie vers le détachement et donc le bonheur ?

Et vous, comment vous vous situez ? Qu'en pensez-vous ?


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