Le principe de liberté d’exercice d’une activité professionnelle, consacré au 18ème siècle par le décret d’Allarde, est un principe fondamental du droit français reconnu comme tel par les juges.
Malgré tout, ce principe est parfois confronté à certaines limites, légalement admises, comme la clause de non-concurrence, qui connaît une jurisprudence abondante.
Une divergence d’interprétation entre les chambres sociale et commerciale
La chambre commerciale est amenée à juger de litiges entre associés parfois liés par des clauses de non-concurrence insérées dans des pactes d’actionnaires. C’est à ces occasions qu’une divergence de jurisprudence pouvait apparaître entre les deux chambres, civile et commerciale.
Alors que la chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà encadré strictement les conditions de validité de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail depuis un arrêt du 10 juillet 2002 et que cette jurisprudence était constante, la chambre commerciale continuait pour sa part à faire prévaloir sa vision libérale en matière de clause de non-concurrence, notamment en n’exigeant pas l’existence d’une contrepartie financière pour admettre sa validité.
Une harmonisation jurisprudentielle
Un arrêt récent du 15 mars 2011 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation est venu, à son tour, encadrer strictement la validité des clauses de non-concurrence insérée dans les pactes d’actionnaires.
La chambre commerciale admet ainsi dans cet arrêt que la clause de non-concurrence doit obéir à quatre conditions cumulatives :
- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
- être limitée dans le temps et dans l’espace ;
- tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
- comporter l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière.
C’est cette dernière condition qui faisait défaut en l’espèce.
Dans cet arrêt, la chambre commerciale de la Cour de Cassation ne fait que reprendre, purement et simplement, les conditions de validité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail, posées par la chambre sociale dans une jurisprudence désormais constante depuis cet arrêt du 10 juillet 2002.
Désormais, les chambres sociale et commerciale de la Cour de cassation parlent d’une même voix au sujet de la clause de non-concurrence.
La chambre commerciale justifie traditionnellement sa décision par le fait que la clause de non-concurrence, dans la mesure où elle entrave la liberté de se rétablir d’un salarié, doit être strictement encadrée.
Indifférence quant au support de la clause de non-concurrence ?
Avec ce revirement jurisprudentiel de la chambre commerciale et dans la mesure où la cette dernière ne donne pas plus de précision quant à la nature de l’acte concerné par cette obligation, il semblerait que l’on puisse désormais admettre que la clause de non-concurrence devra systématiquement répondre aux quatre conditions cumulatives, énoncées ci-dessus, pour être valable, et ce, peu importe son « support » (contrat de travail, pacte d’actionnaires, statuts d’une société ou encore tout acte extra-statutaire.)
Limites de ce revirement
En l’espèce, l’actionnaire était aussi salarié dans l’entreprise, ce qui pourrait expliquer le choix de la chambre commerciale de s’aligner sur la jurisprudence de la chambre sociale, et ce, afin d’éviter toute divergence, en faisant prévaloir la qualité de salarié sur celle d’associé.
En outre, dans la mesure où les associés sont bien souvent des personnes morales, ces dernières ne semblent pas être légitimes à se prévaloir de la même protection qu’une personne physique, ce qui pourrait limiter considérablement la portée de ce revirement.
Reste à voir si la chambre commerciale confirmera cette jurisprudence.
Sources :
Cour de cassation, chambre commerciale, 15 mars 2011, n°10-13824
Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2002, n° 00-45135