Pour qui aurait encore des illusions sur le sujet, le torchon brûle entre Nicolas Sarkozy et les syndicats. Lundi 2 avril, dans un entretien à l’Est républicain, le président-candidat, qui avait déjà ciblé la CGT durant ses meetings, s’en est pris à la CFDT, à propos de l’attitude de ses représentants sur le site d’Arcelor-Mittal à Florange : « Quant aux permanents de la CFDT, ils trahissent la confiance des salariés. Ils sont venus m’insulter et essayer de casser mon siége de campagne. Ne confondons pas les salariés d’Arcelor-Mittal, que je ne laisserai pas tomber, et des syndicalistes qui trompent leurs adhérents en faisant de la politique au lieu de défendre les intérêts des salariés« . Quelques heures plus tard, à Nancy, Nicolas Sarkozy, qui, à la différence de François Hollande, n’a reçu aucune organisation syndicale en tant que candidat, récidivait : « C’est le coeur du problème français, les syndicalistes n’ont pas à faire de la politique ».
Sans appeler comme Bernard Thibault, à un changement de président de la République, François Chérèque n’a pas ménagé le président candidat, fustigeant ses attaques contre les corps intermédiaires, qui relèvent à ses yeux d’une « démocratie autoritaire » et d’une « démagogie populiste« , et n’hésitant pas à qualifier son bilan de « globalement négatif« . Le 2 avril, dans une déclaration de sa commission exécutive, la CFDT hausse encore le ton. Aprés avoir souligné que quatre candidats ont accepté de la recevoir – Eva Joly, François Bayrou, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon -, elle martèle : « Seul le candidat de l’UMP n’a pas souhaité répondre. La CFDT ne le rencontrera donc pas car la campagne officielle va débuter et il n’est pas question pour la CFDT de se trouver en position d’être instrumentalisée par un candidat si près du scrutin« . Notant que c’est « la première fois qu’un président de la République sortant refuse d’échanger avec la CFDT« , la centrale ajoute : « Cette attitude de Nicolas Sarkozy est dans la ligne de ses attaques répétées depuis le début de sa campagne contre les corps intermédiaires, les partenaires sociaux, et en particulier les candidats ».
La CFDT a également réagi aux critiques contre ses militants d’Arcelor-Mittal qu’il cherche à « opposer aux »vrais » salariés »: elle « déplore et condamne ces propos dangereux pour la démocratie en général et la démocratie sociale en particulier ». Dans son interview au Monde du 3 avril, Bernard Thibault revient à la charge contre ce « président aux pleins pouvoirs, arbitre ou juge en toutes circonstances et sur tous les sujets » qui veut « piétiner les corps intermédiaires qui sont des obstacles à ses objectifs ». Evoquant l’hypothèse, qu’il ne juge pas « la plus probable », d’une réélection de Nicolas Sarkozy, le secrétaire général de la CGT avertit : « Si l’élection reconduit Nicolas Sarkozy, on fera avec mais nous aurons notre mot à dire. Imagine-t-on alors ce que serait la situation en 2017? Que resterait-il du code du travail, des conventions collectives, de la sécurité sociale si Nicolas Sarkozy faisait un deuxième mandat, à savoir le dernier? Il prétend prolonger son premier mandat. Avec un deuxième mandat, l’addition serait particulièrement lourde ».
Sans se départir de sa neutralité – Force ouvrière refuse, comme à chaque élection de donner des consignes de vote, au nom de l’indépendance syndicale -, Jean-Claude Mailly, qui n’a rencontré que François Hollande et Jean-Luc Mélenchon, critique aussi les déclarations de Nicolas Sarkozy. « On n’a rien à gagner à pratiquer l’anathème dans ce genre de situation« , a-t-il déclaré mardi 3 avril. Et, a ajouté le secrétaire général de FO, qui est membre du Parti socialiste, « le syndicat ne doit pas être muet sur ses positions et ses revendications« . De son côté, François Hollande, qui se fixe comme objectif de rénover la démocratie sociale, a saisi l’occasion de son intervention, lundi 2 avril, devant la CGPME, en délicatesse croissante avec le Medef, pour faire l’éloge des corps intermédiaires, jugeant « utile d’avoir des hommes et des femmes qui se consacrent à la défense de leurs intérêts qui sont aussi les nôtres. Parfois nous sommes en confrontation, en contradiction. Nous cherchons le compromis« . Et le candidat socialiste, qui selon sa formule utilisée à La Réunion veut désormais « taper » le président sortant, a enfoncé le clou: « Il n’est jamais bon de mettre en cause les organisations syndicales de salariés, de leur manquer de respect, d’avoir du mépris. Parce qu’en définitive, ce sont les salariés qui ont choisi leurs représentants ». L’assemblée de petits patrons, qui n’a pas un amour immodéré pour les syndicats, n’a sans doute pas été conquise mais quand le torchon brûle entre Nicolas Sarkozy et les syndicats, François Hollande en fait son miel.