Si vous voulez savoir au cinéma, ce que mise en scène signifie, prenez la plupart des films de Fassbinder, et l’évidence s’affiche. Grâce, fluidité, naturel, le cadre s’inscrit de lui-même dans la construction cinématographique, autour d’un récit parfaitement maîtrisé. Et très naturellement, le scénario prend le relais ; les comédiens y puisent leur substantifique moelle.
Je ne me lasse jamais d’un film du réalisateur allemand, où tout semble ainsi couler de source. Ce n’est pas un cinéma d’action, et pourtant la caméra ne cesse de se déplacer, pour traquer le silence, l’indicible, le détail qui tue. Dans « Lili Marleen », petit bijou en la matière, on assiste à une véritable communion entre le mélo classique, la romance historique et le film d’espionnage.
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A l’origine, la célèbre chanson qui donne son titre au film, et que Fassbinder élève au rang d’un hymne international. Alors que les soldats s’affrontent, entendre ce chant, c’est imposer une trêve naturelle. Déjà tout un symbole rehaussé par la stature de son interprète .Ballottée par les hasards de l’Histoire, elle se retrouve côté cœur avec les résistants, alors que ses origines la jettent dans la gueule de l’oppresseur.
Traquée, épiée, partagée entre la liberté que lui procure son statut de star et son amour de toujours, qui l’entrave, elle vit un mauvais roman. Espionne malgré elle, otage de chaque camp, la voici prisonnière d’un dilemme intelligemment posé dans le cœur d’un scénario tout aussi habile à manier les tourments de l’âme.
Au fur et à mesure que la belle joue le jeu des nazis, sa relation avec le résistant polonais devient de plus en plus suspecte. Fassbinder traque les uns et les autres, avec la même objectivité. Une distanciation qui pèse sur le climat de plus en plus oppressant.
On sent le danger, mais il ne se montre pas ; il est à l’image du fléau qu’il dénonce, rampant, pernicieux, jusqu’au jeu tout aussi démoniaque des puissants, qui de la belle, ont fait une marionnette. C’est à celui qui tirera le mieux les ficelles. Mais ils peuvent toujours s’atteler à la tâche, en la matière, Fassbinder est passé maître.