Ce matin, twit matinal « Ce qu’il y a de bien avec le retour des beaux jours, c’est que désormais, c’est dans la rue qu’on croise des jolies courbes. »
Twit qui enclencha un clash général, sur le sexisme présupposé ou non de ce twit prononcé par un blogueur très lu ce qui n’arrangeait pas notre affaire.
Et donc pourquoi ce twit est évidemment sexiste. Avec son corollaire ; pourquoi 99% des hommes et des femmes ne vont pas le trouver sexistes.
(avec son sous-corollaire ; « vous feriez mieux de vous occuper du viol c’est plus important« ).
Quand il fait chaud, seules les femmes sont vues comme se dénudant ou s’habillant plus légèrement. Vous constaterez que tout le monde – à part les cadres obligés au costard cravate – s’habille logiquement plus légèrement mais nous notons seulement l’apparence des femmes. Vous aurez beau chercher ; vous trouverez peu de gens dire « ah j’adore l’été et voir ces hommes peu vêtus » pour la bonne et simple raison que.. les hommes ne se dévêtissent pas autant que les femmes.
Scoop incroyable ; hommes et femmes ne s’habillent pas pareil. Et les femmes portent – c’est récent en revanche – des jupes et robes courtes. C’est ce qui permet aux hommes de s’extasier. Je pourrais détailler l’habillement féminin qui met justement en valeur les « jolies courbes » tout en comprimant les « jolies courbes » et en les juchant sur des choses improbables qui te massacrent les pieds mais qui font de « jolies courbes » aux pieds. Tout l’habillement féminin traditionnel est encore dédié à mettre en valeur les courbes d’une femme, ce qu’on appelle (bêtement) la féminité. L’habillement masculin traditionnel n’est pas destiné à mettre en valeur la beauté mais la masculinité qui n’a pas vocation à être belle mais virile. (la beauté de la virilité est plus antique qu’actuelle).
Ces injonctions sociales sont si fortes que les femmes sont prêtes à se bousiller qui les pieds, qui la peau, qui le dos pour « être des femmes ». (l’injonction à être viril obéit à d’autres rites pas plus aisés mais de nature différente).
Je citais hier le livre de Mona Chollet sur l’injonction des femmes à être jolies (ou pour le moins apprêtées si elles ne sont pas foutues d’être jolies) . Mona Chollet disait que l’arrivée des femmes sur le marché du travail avait eu un prix ; le contrôle sur leur corps.
Un lecteur citait hier Fatima Mernissi : « Les Occidentaux n’ont pas besoin de payer une police pour forcer les femmes à obéir, il leur suffit de faire circuler les images pour que les femmes s’esquintent à leur ressembler. »
Il y a une convention sociale occidentale disant qu’il est licite, admis que les hommes regardent les femmes et commentent. Et cette norme sociale a été vendue comme valorisante pour les femmes bien évidemment ce qui ne fait que les entretenir dans l’idée qu’il faut être jolies, car il faut être regardées. J’existe parce qu’on me regarde et je dois tout faire pour qu’on me regarde.
Vous me rétorquerez que les femmes regardent aussi les hommes. Oui mais pas de la même manière et cela n’est pas une convention sociale admise. Encore aujourd’hui, on le sait tous et toutes, une femme qui aime les hommes est une salope. Il n’y a pas d’injonction sociale à ce que les hommes apprécient les « courbes masculines » ? Même l’expression n’existe pas alors qu’un homme a « quand même » deux, trois courbes.
Précisons ici en gros et gras que je ne suis pas en train de traiter les hommes de porc ou que sais-je. Je parle de normes et d’injonctions sociales qui concernent tout le monde.
Et donc il ne pose aucun problème à personne que les hommes soient dans l’obligation de regarder des femmes (sinon que seraient-ils mon dieu) et commentent ce qu’ils regardent (ca ne fait de mal à personne et c’est flatteur n’est ce pas ; et si on t’a donné des yeux etc).
Je cite Mona Chollet « La peur de ne pas plaire, de ne pas correspondre aux attentes, la soumission aux jugements extérieurs, la certitude de ne jamais être assez bien pour mériter l’amour et l’attention des autres, traduisent et amplifient tout à la fois une insécurité psychique et une autodévalorisation qui étendent leurs effets à tous les domaines de la vie des femmes. Elles les amènent à tout accepter de leur entourage ; à faire passer leur propre bien-être, leurs intérêts, leur ressenti, après ceux des autres ; à toujours se sentir coupables de quelque chose ; à s’adapter à tout prix, au lieu de fixer leurs propres règles ; à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, se condamnant ainsi à un état de subordination permanente ; à se mettre au service de figures masculines admirées, au lieu de poursuivre leurs propres buts. »
Alors cette petite phrase, en apparence anodine, qui se veut sans nul doute sympathique pour les quelques femmes qu’il a croisées, est sexiste. Sexiste parce qu’elle offre un traitement différencié selon les hommes et les femmes et que globalement – je ne parle pas de cas individuels qui ne m’intéressent pas – seuls les hommes « aiment regarder les filles ».