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Assurance catastrophes naturelles : un système de couverture sous pression

Publié le 03 avril 2012 par Sia Conseil

Assurance catastrophes naturelles : un système de couverture sous pression Un séisme d’une magnitude 9 sur l’échelle de Richter vient de survenir au large du Japon, engendrant un tsunami dont les vagues dépassent 30m de haut, s’engouffre jusqu’à 10 km dans les terres, dévastant 600 km de côtes et causant le plus important incident nucléaire depuis l’explosion de Tchernobyl.

Nous sommes le 11 mars 2011. Le bilan de la catastrophe fera bientôt état de plus de 15 000 victimes, 210 milliards de dollars de pertes estimées (environ 5% du PIB du Japon) dont 30 milliards de dommages assurés, causant une déstructuration brutale de la 3ème puissance économique mondiale dont les objectifs de croissance annuelle ont drastiquement été revus à la baisse[1] .

Les scénarios de catastrophes naturelles extrêmes se multiplient ces dernières années. En parallèle aux politiques de prévention et de reconstruction, il est vital de contrôler la pérennité des solutions de couverture financière existantes au regard de l’évolution de la sinistralité sur ces types de risques. Quelle est la tendance d’évolution des phénomènes naturels ? Quels sont les systèmes de couverture financière disponibles ? Comment s‘assurer que des phénomènes de grande ampleur ne déséquilibrent pas l’ensemble du système de couverture en place ?

Evolutions des catastrophes naturelles

Les catastrophes naturelles rassemblent un large ensemble de sinistres provoqués par des évènements climatiques, sismiques, biologiques… Ainsi le CRED[2] a retenu la typologie suivante :

Assurance catastrophes naturelles : un système de couverture sous pression

Chacun de ces phénomènes présente une répartition géographique, une saisonnalité et des potentiels de dommages qui lui sont propres.
La tendance observée depuis le début du siècle présente une croissance exponentielle du nombre de catastrophes naturelles et une volatilité accrue du montant des sinistres associés.

Assurance catastrophes naturelles : un système de couverture sous pression

Assurance catastrophes naturelles : un système de couverture sous pression

Si l’évolution du nombre de phénomènes s’expliquerait principalement par les hypothèses du réchauffement climatique, la hausse du coût des catastrophes pour les assureurs tient aussi de la concordance de plusieurs facteurs additionnels. D’une part, la concentration de personnes, de l’activité humaine et des richesses est en constante progression notamment sur les zones exposées (zones inondables, zones sismiques…). D’autre part, la recrudescence de phénomènes naturels de forte intensité ces dernières années, génère souvent des processus de catastrophes en chaîne, véritables effets d’accumulation comme cela a été notamment le cas lors de l’incident nucléaire de Fukushima. Enfin, les solutions d’assurance sont de plus en plus utilisées à travers le monde.

Moyens de couverture financière

Face à la croissance actuelle des phénomènes naturels, les solutions permettant aux particuliers et aux entreprises de se couvrir financièrement reposent sur la mutualisation du risque par des acteurs de différents niveaux : les assureurs, les réassureurs, les investisseurs et les Etats.

Au niveau des assureurs, les polices d’assurance permettent aux entreprises et aux particuliers de se prémunir contre les dommages liés aux catastrophes naturelles. La coassurance, permet aux assureurs de répartir le risque porté par une même police d’assurance. La législation telle que le régime de catastrophes naturelles en France, le développement d’indices météorologiques tels que ceux proposés par l’acteur Metnext[3] et les outils de modélisation des risques de survenance permettent le dimensionnement et la structuration des polices d’assurance. Celles-ci peuvent de plus en plus intégrer des conditions et des options spécifiques portant sur l’intensité des phénomènes ou la prise en compte de dommages indirects comme le ralentissement de l’activité économique par exemple.

Les réassureurs se positionnent en véritables assureurs des sociétés d’assurance. Ils proposent différentes polices couvrant certaines tranches de risque portées par les assureurs et limitent ainsi leur exposition grâce à des transferts proportionnels (quote-part, excédent de pleins…) ou non (excédent de sinistres, excédent de perte…).

Le développement des Cat bonds permet la titrisation d’une partie des risques à destination des investisseurs. Ces obligations, généralement émises par l’intermédiaire d’un Special Purpose Vehicle leur permettent d’investir dans des produits dont le rendement est généralement supérieur aux taux de marché des établissements bénéficiant du même ranking, et proposant une classe de risque largement décorrélée des risques de marché. Le versement des coupons et du nominal de ces obligations, particulièrement intéressantes dans des stratégies de diversification et de gestion alternative, est conditionné à la non-réalisation d’évènements naturels. Cette solution, qui permet aux assureurs d’externaliser une partie du risque de leur bilan et de limiter leur risque de défaut pour les assurés, s’est imposée comme une nécessité face à l’ampleur des phénomènes naturels observés.

Les Etats dont le rôle est de maintenir l’intégrité des citoyens et des activités économiques sur le territoire national peuvent être amenés à intervenir en assistance aux sinistrés dans les situations d’urgence. L’intervention des Etats se décline en amont par des politiques de prévention (politique environnementale, politique d’urbanisme…), jusqu’aux mesures exceptionnelles d’indemnisation (pour les agriculteurs en cas d’épisodes de sécheresse par exemple) en passant par l’organisation de secours lorsque la situation l’exige. Par ailleurs, l’Etat peut également intervenir en aide au système de couverture en place notamment par l’intermédiaire d’organismes spécifiques. En France, la Caisse Centrale de Réassurance détenue à 100% par l’Etat propose par exemple des contrats de réassurance dotés de la garantie de l’Etat et pouvant proposer des solutions de couverture illimitées dont le but d’assurer la solvabilité globale du système de couverture actuel en cas de phénomènes naturels extrêmes.

Le système de couverture actuel est-il pérenne ?

Ces dernières années ont vu l’intensification de l’apparition de « cygnes noirs », phénomènes naturels de grandes ampleurs, dont le caractère imprévisible rend urgente l’évaluation des limites du système actuel et la mise en place de leviers d’ajustement.

Les limites inhérentes au système actuel reposent sur plusieurs aspects :

  • L’appréciation du risque, qui repose sur des solutions de marchés ou des modèles internes, qui par nature ne reflète jamais complètement la réalité et laisse la porte ouverte à l’imprévisible.
  • L’abaissement de l’effet de mutualisation au regard de la transition d’échelle des grandes catastrophes de ces dernières années. Il est désormais assez courant que des phénomènes de grande ampleur touchent des régions, des pays, voire des continents distincts comme cela a été le cas lors du Tsunami ayant touché l’Asie du Sud-Est en 2004.
  • La complexification de la typologie des sinistres dont le fait générateur peut provoquer d’autres sinistres en chaîne et du fait de l’imbrication avancée de la vie sociale et économique des pays.
  • L’assiette de répartition du risque qui n’introduit que partiellement la participation des Etats, voire de l’aide internationale, notamment en ultime recours face à une situation d’urgence.

Considérant les potentielles limites du modèle de couverture financière des catastrophes naturelles actuel, plusieurs pistes de pérennisation peuvent être avancées :

  • Rendre plus systématique le recours aux assurances de couverture des risques de catastrophe naturelle, permettant des effets de mutualisation plus large
  • Elargir les garanties et l’intervention y compris financière des Etats et des structures internationales, en soutient aux catastrophes de grande ampleur
  • Favoriser la diversification géographique du risque entre assureurs mondiaux au regard des propriétés régionales de la survenance des phénomènes naturels
  • Affiner les exigences règlementaires sur ce type de risque particulier permettant de garantir la solvabilité des différents acteurs de l’assurance
  • Intensifier le développement en amont des politiques de prévention et de communication autour des sinistres d’origine naturelle par l’implication de l’ensemble des acteurs de la filière

Depuis les années 1990, la croissance des dommages liés aux catastrophes naturelles suit un rythme élevé sensiblement supérieur à celui de la croissance mondiale, soutenant une activité devenue clé pour les systèmes assurantiels. La pérennisation globale du système de couverture est donc vitale et devra passer par des évolutions nécessaires pour faire face aux enjeux de demain.

Sia Conseil


[1] Un mois après la catastrophe, les économistes de l’OCDE ont revu les objectifs de croissance de +1,7% à +0,8% pour l’année 2011
[2] CRED – Center for Research on the Epidemiology of Disasters – structure de recherche parrainée notamment par des agences des nations unies telles que l’organisation mondiale de la santé (OMS)
[3] Metnext : co-entreprise entre Meteo France et Euronext


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