Dégustation
No s’ moque dés paysans, surtout d’ ceux du Bocage,
Mais qu’i’s ont dès bons mots,
Qu’i trouv’nt bi’n à perpos,
Quand i veul’nt discuter dans leux patouais d’ langage.
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Y’avait maître Agenor Bourdin,
Qui faisait valer preus d’ Coulvain,
Eun’ petit’ ferm’ de vingt vergies,
Qu’ avait comm’ cha, d’ bouenn’s réparties.
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Un jou cheux l’ marquis d’ Saint-Agnan,
Il fut porter à la Saint-Jean,
L’argent qu’i d’vait por san fermage,
Et por s’amuser d’ san langage,
L’ marquis qu’était pas mal farceur,
Lui dit : « Vous êt’s un connaisseur,
« En bon cidre, je pense,
« J’en ai plus d’un tonneau,
« Dans la cav’ du château,
« En votre âme et conscience,
« Vous me direz lequel vous semble le meilleur. »
Là d’ssus, i fit mettr’ su la table,
D’ la paur’ baichon bi misérable,
Du p’tit bair’ que no fait dans lés années d’ malheur.
Mais not’ plaisant chât’lain restit la goul’ baîllie,
Quand i vit maîtr’ Bourdin, la figure épanouie,
Apreus san verr’ vidé, l’i dir’ d’un air béat :
« Cha, c’est moussieu l’ marquis, du bair’ bi délicat,
« J’ vas vo dir’ bi franch’ment et en tout’ bouenn’ justice,
« Que, de c’te baichon là, mei j’en f’rais man délice. »
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A présent, dit l’ marquis, qu’était un brin déçu,
Vous allez, mon ami, goûter d’un autre cru ;
Là d’ssus i fit monter, d’ sa cave inépuisable
Du bon bair’ mitoyen qu’i fit mettr’ su la table ;
Nos en mint d’vant maître Agenor
Un grand verre, empli jusqu’au bord.
L’ marquis s’attendait que l’ bouenhomme,
Por çu bair’ là, quasi jus d’ pommes,
L’i trouv’rait d’ nouveaux compliments,
Bi plus forts que lés précédents ;
Mais il eut la forte surprise,
D’ veie maît’ Bouerdin fair’ l’expertise,
Et dir’ sans grande admiration :
« C’est pas d’ la trop mauvais’ baichon. »
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Not’ marquis mortifié, d’ san bon cru d’ la Bazoche,
Avait co dans sa cave, un bon tonnei d’ pur jus,
Mais la clé n’tait pas mins’, por éviter l’s abus.
Et fallait, comm’ no dit, tirer à l’épignoche.
Il en fit apporter plein un grand pot d’étain,
Qu’ no mint bi précieus’ment d’vant l’ nez du vieux Bocain.
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Fallait veie maît’ Bourdin por jugi çu bon baire,
Nos airait dit d’un prêtr’ dans san saint ministère ;
Quand il eut bi senti, goûté et... vidé l’ pot,
I r’mint l’ verr’ sû la tabl’, sans prononcer un mot.
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Voyons dit l’ bon marquis, étonné d’ son silence,
Je m’en suis rapporté à votre compétence,
Pour la dégustation
De mes tonneaux d’ boisson ;
Eh quoi maître Bourdin, êt’s vous muet, mon compère ?
Mon p’tit cidre vous a ravi,
Le mitoyen vous a souri,
Et vous n’ me dites rien, d’un cru qui fend lés verres.
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Patienc’ moussieu l’ marquis qu’ répondit l’ vieux malin
D’ vot’ petit bair, par politesse,
J’ai vanté la délicatesse,
Il avait besoin d’ cha, car sur’ment qu’i n’ vaut rin ;
Vot’ mitoyen, j’ l’ai dit à m’ n’aise,
C’est d’ la baichon pas trop mauvaise.
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Mais quant à c’t’i là, véy’ous bi,
Mei, j’ crais qu’i faut s’en taire,
N’ y a pas d’ louange à en faire.
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I porte s’n estim’ d’avec l’i !