Son visage se multiplie sur les panneaux publicitaires et devant les kiosques à journaux. Pris en photo, nous dit-on, « le dimanche 25 mars, 16H30, au Palais de l’Elysée », il fait la une de Paris Match avec une accroche doloriste : « après l’épreuve de Toulouse », « je serai un président différent ».
Le pauvre homme, qu’il a dû souffrir ! Regardez-le, son corps dans une posture mal assurée, épaules de 3/4 légèrement tombantes, courbure de la cravate qui laisse deviner un peu de ventre, un bras invisible, l’autre un brin ballant, comme ayant du mal à trouver sa place. Sa tête, qui semble dodeliner légèrement, vous donne presque immédiatement envie de le prendre dans vos bras pour lui faire un gros câlin.
Le teint est pâle (je travaille beaucoup, je ne prends jamais le soleil), fatigué voire maladif (je travaille tard). Les cheveux parcourus de ce gris qui a fait son apparition peu avant le début de la campagne (j’ai tout le poids de la France Forte sur la tête, ça me fait des cheveux blancs). Et ce sourire, ah, ce pauvre sourire, un peu contraint, pas contraint parce qu’en temps normal il ne sourit pas, oh non, mais contraint parce que vraiment il n’a pas la tête à sourire, avec tout ce travail et tous les soucis du vaste monde. Un sourire de brave type, au fond. Heureusement, l’œil garde toute sa lucidité, même si les paupières tendent à tomber (je ne dors pas beaucoup, tellement je travaille).
Ce sourire presque contrit, presque timide (pensez donc, avec tout ce monde qui doit m’regarder), que l’on retrouve aussi sur l’affiche de la France Forte, qu’il est loin de l’horrible Sarkozy, hargneux, haineux, hâbleur dont les antisarkozystes primaires passent leur temps à dire tant de mal !
Qu’il est différent, ce Nicolas Sarkozy, du jeune premier qui s’affichait il y a 5 ans en une du même hebdomadaire face à Ségolène Royal …
Ou même du fringuant quinqua qui parade en compagnie de Carla Bruni …
Sans même parler de l’athlète façon Poutine, torse nu au bord de l’eau …
C’est simple : comme il l’a dit et répété à son meeting de Villepinte, Nicolas Sarkozy « a appris », il a changé une fois de plus, et il le montre, en toute intimité au lecteur de Paris Match, au badaud qui passe devant la publicité.
Un homme marqué physiquement par l’exercice du pouvoir, un homme redevenu humain, celui dont la femme s’épouvante : mon mari travaille tellement, j’ai peur qu’il meure ! Un homme qui finit par ressembler à ce montage photo que font circuler les méchants antisarkozystes depuis des années :
Bref, un homme comme vous et moi, un bon gars qui rentre le soir, éreinté, retrouver sa petite fille et son épouse. Épouse qui elle-même, d’ailleurs, loin de l’image de reine des podiums qu’on lui prête souvent, est une maman toute simple, qui sort en tenue grise et informe avec son bébé, comme l’a indubitablement prouvé … Paris Match. Bonjour Mère Courage ! Un modèle (au top) pour toutes les femmes de ce pays.
Je tiens néanmoins à rassurer mes lecteurs : dès qu’on l’installe sur une tribune de meeting, devant ses militants, le bon vieux Sarko ressuscite, tel le diable jaillissant de sa boîte.
Docteur Nico et Mister Sarko ? Faudrait quand même faire attention à ne pas s’y perdre, entre toutes ces identités.
Romain Pigenel