Par Jarvis
C’est une idée qui me trotte parfois dans la tête sans qu’elle parvienne tout à fait à exprimer tous ses tenants et aboutissants. Le point de départ est un constat général et banal : nous assistons à la désindustrialisation progressive de l’Europe sous l’effet des délocalisations. Ce mouvement, qu’on nous décrit comme inexorable, est la résultante, pour les industriels, de coûts d’opportunité trop importants pour rester sur le territoire. Inexorable mouvement qui est en soi inexorable pour tout territoire du moment que les paramètres de coût du travail jouent en faveur d’un pays tiers. Quelle rapidité pour que l’installation sur un territoire soit de nouveau remise en cause? Dans le cas où l’entreprise décide de produire en nom propre, les coûts d’installation d’usine, les premiers reportings analytiques, le temps que l’usure fasse l’affaire : on peut compter en années avant que le coût d’opportunité devienne désavantageux pour le pays d’accueil. Dans le cas d’une préférence pour la sous-traitance, se posent des problèmes d’un autre ordre (qui existent aussi pour les entreprises ayant décidé de produire en nom propre, d’ailleurs). Un ordre plus psychologique : une asymétrie d’information. La tentation du coût avantageux est forte pour ce pays tiers, mais quel effet sur la qualité intrinsèque et perçue de mes biens et services? Quels impacts logistiques ?
On voit des premiers flux sortants en Chine en matière d’industrie. Le dumping de la force de travail devient un paramètre de concurrence entre grands sous-traitants, le leitmotiv ultime, en faisant le pari d’un niveau qualitatif sensiblement similaire. Mais qu’est-ce que ce mouvement laisse derrière lui? Bien souvent des progressions sociales dans des pays et des catégories sociales longtemps laissées-pour-compte de la mondialisation. Cet espace-temps entre l’arrivée et le départ, aussi soudain l’un que l’autre, crée une époque formidable. Sitôt intégré dans le grand élan de la mondialisation, sitôt exclu. Le sentiment d’avoir vu passer un train. Qu’est-ce que cela crée sociologiquement ? Une classe de réactionnaires, de révoltés?
On en vient au propos final : ce passage temporel de mondialisation dans ces pays crée des capitaux, que j’appellerais capitaux sociaux, ce sont des acquis en termes de niveau de salaires, de droits, de compétences, de connaissances d’une entreprise orientée vers un marché mondialisé… Ces capitaux ne sont pas analysables quantitativement. Mais l’analyse doit se porter sur la construction d’un indice de capitaux sociaux. Ainsi, en France, on pourrait croire que l’indice de capital social serait fort (nettement plus fort qu’en Allemagne avec les lois mises en vigueur pour une plus grande flexibilité du travail). De fait, un indice trop fort n’impliquerait pas une bonne santé économique.Cet indice, en soi, ne veut rien dire : il devrait être pondéré selon des données temporelles qui correspondraient à une durée depuis l’ouverture économique réelle à l’économie mondialisée jusqu’à nos jours. Ainsi pourra-t-on réellement comparer les effets d’une mondialisation. Voir si par l’effet des délocalisations (flux induisant des stocks) et des modifications de programme d’optimisation des acteurs de l’industrie (sensibilité aux paramètres), l’idée d’un équilibre social mondial serait possible.P.S. : Cet article présente un modèle de raisonnement qui fait abstraction de nombre de subtilités concernant le droit, la fiscalité, les enjeux politiques à l’international. Bref, un modèle incomplet en somme. Pléonasme économique.