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Un livre essentiel : Le Gourou du Vin de Michel Rolland (1)

Par Mauss

Il n'était que temps. Michel Rolland a écrit en collaboration avec Isabelle Bunisset (Editions Glénat, € 19,99) un livre majeur sur l'évolution du monde du vin dans les dernières cinquante années. Il sera en librairie ce mercredi.

Non seulement l'amateur oenophile y trouvera une mine d'informations, mais bien des choses sont remises en place. L'écriture ne manque pas d'être jouissive, l'argumentaire ne manque jamais de précisions, et si certains en prennent pour leur grade (Nossiter, Dupont, Légasse et quelques autres), ce n'est jamais méchant alors que cela aurait pu l'être bien plus.

Un livre majeur, d'une lecture aisée, et l'auteur est bien le premier à relativiser les choses avec cette intelligence des auteurs conscients de ne pas détenir la "vérité".

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 Dire que j'ai apprécié la lecture de ces 200 pages est en-dessous de la réalité. Il y a des pages et des pages à citer ! On commence par l'envoi : "Le ciel ne nous donne des vertus ou des talents qu'en y attachant des infirmités; expiations offertes au vice, à la sottise et à l'envie." (Chateaubriand).Et, dans l'avant propos, de l'auteur : "L'enthousiasme, voilà ce qui fait la lumière de la vie. Je le répète souvent, on ne peut rien entreprendre quand on n'a pas l'envie chevillée au corps et les yeux qui voient plus loin que l'époque".  Les chapitres s'enchaînent avec un naturel immédiat :  Le paysage familial où on apprend tout de son itinéraire, de son éducation, de son monde de jeunesse. Le contexte est bien décrit : c'est la base même de toute sa vie où on ressent le rôle des parents, évoqués avec beaucoup d'émotions. Le vin en révolutions où le lecteur apprend l'essentiel du monde bordelais entre 1973 et 2001. Rencontre avec Robert Parker où, à côté de réalités qu'il est bon d'avoir rappelées, on eût aimé lire aussi un point de vue sur les limites et problèmes posés par une telle hégémonie. Johanthan Nossiter, le janséniste altermondialiste et ses acolytes où, in fine, les piques bien envoyées, sont loin d'être bêtement méchante.  Là-bas, loin de la France, où la liste impressionnante des pays où Michel Rolland travaille comme conseil en étonnera plus d'u.  Un épilogue dont je cite immédiatement un paragraphe essentiel : "Le vin - je tiens à la rappeler - a vocation au plaisir, au rapprochement, à l'échange, plus qu'au dénigrement. Il possède cette spécificité de parler à chacun. Ne laissons plus à d'autres l'arrogance de penser pour nous. Ce qui est au fond d'un verre, même si les confusions idéologiques ou les préoccupations moralisatrices en retardent l'évidence, doit encore s'appeler l'émotion. En dépit d'interventions douteuses, l'intérêt grandissant pour le vin, l'art de la dégustation et de la vinification, témoigne de la nécessité d'une réévaluation. Le temps va jouer en faveur de l'acceptation des diversités et de nouveaux terroirs. C'est le pari de la curiosité contre l'aveuglement. Le triomphe de la tolérance contre le principe de précaution. Le vin se déploie aujourd'hui en des individus multiples,dont la façon de goûter, de commenter, de chercher la cohérence et l'agrément est forcément différente. Il faut s'en réjouir.La vie est belle quand on la réinvente continûment. Il en est de même pour le vin. Les prédictions alarmistes n'y changeront rien." C'est peu dire qu'ici nous partageons ce point de vue, tant il est vrai que "plaisir" et "émotion", "tolérance" et "ouverture" sont et doivent rester les mots clés pour tout oenophile répudiant les chapelles inutiles, sectaires, et finalement particulièrement médiocres. ALLONS PLUS LOIN Dans le premier chapitre, Michel Rolland explique sa jeunesse, son adolescence et le contexte du vignoble libournais où il est né. C'était loin, très loin de ce que cette région est devenue. Il y avait les grands noms, quasi intouchables, et les petits laborieux qui, vaille que aille, essayaient de survivre avec des vins pas folichons, difficiles à vendre, et sans remettre en cause des méthodes qu'on appliquait sans les remettre en cause. Mais il bouillonne déjà, et avec Dany Bleynie (sortie major de sa promotion en oenologie), qu'il épouse en 1970, voilà un couple sur les starting-blocs!Petite citation-bijou sur la relativité des enseignements universitaires, de George Bernard Shaw : "Celui qui peut, agit. Celui qui ne peut pas, enseigne"(page 33) Emile Peynaud est bien mis à sa place : premier. Il a donné à l'auteur "l'envie de comprendre". ce n'est pas peu ! Le chapitre 2 est essentiel pour comprendre les évolutions bordelaises de 1973 à 2001. Pratiquement, chaque année est évoquée avdc précision, les conditions de production, les marchés, les erreurs, les scandales, les problèmes de stock, de mévente : tout y est. Fondamental pour bien comprendre cette évolution sur 3 décennies.Je pourrai citer des pages et des pages . Entre autres : "Si on avait organisé une verticales des millésimes de 1900 à 1970, on en aurait distingué cinq très bons, dix convenables, et cinquante-cinq sans intérêt" Et pour bien comprendre le contexte de l'époque : "Au mois de juillet 1974, j'ai eu la lumineuse idée d'acheter une Méhari, voiture sympathique et économique. Grand mal m'en a prit : ce furent mes vendanges les plus froides et les plus arrosées ! De toute part, la Méhari prenait l'eau, qui s'écoulait allègrement dans mes chaussures. J'optai alors pour un achat plus intelligent : des bottes." (page 48). Il faut bien lire aussi, pages 57 et 58 à quel point il fut difficile d'expliquer aux producteurs le rôle que pouvait apporter le bois neuf.  Et ce n'est que dans les années 80 qu'on commence à prendre conscience qu'il fallait perfectionner les techniques de vinification. Il cite à ce propos les chais "Kawinski" qui utilisaient déjà la gravité : quelqu'un sait de quelle propriété il s'agit ? (page 59).  Il constate enfin que les grands millésimes 1928, 1929, 1945, 1947, 1961 sont des récoltes moyennes (en volume), faibles, voire très faibles, en des années précoces et chaudes. "Conclusion : nous ramassions des raisins mûrs, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir !" Et un humour en sus de Fred Allen: "Une commission est une assemblée de gens qui, seuls, ne peuvent rien faire, mais qui à plusieurs peuvent décider que rien ne peut être fait."  Et la lecture de l'ouvrage fourmille de moments où vous allez sourire devant du bon sens bien dit :-)  A tous les petits médiocres qui aiment opposer les gens : Michel Rolland a une très belle page (69) sur Stéphane Derenoncourt dont il détaille le parcours initial. Il décrit ensuite toutes ses rencontres majeures : avec les Cathiard, Bernard Magrez ("Bernard Magrez est un des très rares hommes qui interdisent la tranquillité"), Gérard et Chantal Perse, Jean Michel Arcaute pour lequel il avait une affection particulière. Un grand Monsieur qui tombait en panne d'essence en pleine nuit, de façon quasi-systématique.   Il raconte la médiocrité confondante des autorités ayant condamné l'utilisation des bâches protégeant les vignes des éventuelles pluies excessives qui ont été à l'origine des "Interdit de Valandraud", "La Preuve par Carles", le "Défi de Fontenil" avec cette conclusion lapidaire : "Intelligence et administration, une cohabitation difficile." Les chapitres suivant sur Parker, Agostini, Dupont, Légasse, Bettane feront l'objet d'un autre billet, tant il y a de choses à dire, à commenter alors même que là, en ce premier lundi des primeurs 2011, une lourde journée de visites commençant par Haut-Brion, Pape-Clément, Lascombes, et ensuite Margaux, Pichon Baron, Léoville-Poyferré nous attend avec quelques membres du GJE qui sont encore à Bordeaux, à la suite de la très intéressante dégustation du millésime 2008 des vins du Cercle Rive Droite (CRD) à La Dauphine (qui fera l'objet d'un billet à part, avec Jérôme Perez, de LPV qui en a déjà parlé sur le forum LPV (ICI).  … à suivre !!!  PS PRO DOMO : Michel Rolland aime le principe des dégustations à l'aveugle. Quand je vous dis qu'on a des amis qui apprécient le GJE :-)
  

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