Les affaires Kucheida et Guérini (Gauche), ou Woerth-Bettancourt (Droite) montrent que les pratiques délétères n’ont pas disparu. Aussi, certains voudraient profiter de ces affaires pour nous vendre une nouvelle loi de « moralisation » de la vie politique qui ne serait en fait ni plus ni moins qu’une légalisation de la mise en coupe réglée de la vie politique par l’UMPS.
Par Vincent Bénard.
Malgré les lois « organisant » le financement de la vie politique à grand renfort d’argent public votées à la suite des « affaires » qui avaient émaillé le second septennat de François Mitterrand, malgré les « lois d’amnistie » votées au début des années 90 qui avaient été vendues aux populations en promettant que désormais, les « magouilles » appartiendraient au passé, force est de constater qu’une multitude de nouvelles affaires, touchant aussi bien la droite que la gauche, démontrent amplement que la vie politique française vit très au dessus de ses moyens. L’argent opaque, pour ne pas dire sale, y circule abondamment.
Des lois étudiées pour favoriser les grands partis
Pourtant, dieu sait que les lois sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales sont sévères. Pour avoir été moi même mandataire financier d’un candidat aux élections cantonales en Loire-Atlantique, je puis témoigner de l’insondable complexité des textes qu’il convient de respecter, même si les sommes en jeu sont ridicules. Pensez que la commission de contrôle des comptes de campagne nous a em…bêtés pour 20 euros non dépensés en fin de campagne pour lesquels le justificatif bancaire tardait à venir ! Et je vous passe toutes les tracasseries, la paperasse, l’article R39, etc.
On pourrait également rajouter, parmi les chausses trappes sous les semelles des petits partis, l’obligation désormais établie de parité homme/femme dans des nombreux scrutins de liste. Seul problème : les femmes s’intéressent peu à la politique, activité qui réclame trop de méchanceté pour nombre de nos compagnes. Qu’à cela ne tienne : les partis établis, jouant sur la masse et sur leurs positions établies, remplissent aisément leurs « hauts de listes », et arrivent à pourvoir leurs fonds de liste en sollicitant quelques femmes bénéficiaires de logements sociaux et autres menus avantages octroyés par le jeu politique. Pour les petits partis, évidemment, c’est beaucoup plus difficile.
Bref, si la loi de 92 n’a en rien résolu la corruption qui pourrit la politique française, elle a en revanche rendu beaucoup plus difficile la tâche des candidats des petits partis ou des indépendants qui voudraient défier les notables établis et soutenus par des partis riches, qui ont les moyens de payer du personnel administratif pour gérer les contingences du même nom grâce à l’argent public.
L’oligarchie UMPS en veut toujours plus !
Eh bien visiblement, cela ne suffit pas à certains. Les affaires Kucheida et Guérini (Gauche), ou Woerth-Bettancourt (Droite), pour ne citer que celles-là, montrent que les pratiques délétères n’ont pas disparu.
Aussi, certains voudraient profiter de ces affaires pour nous vendre une nouvelle loi de « moralisation » de la vie politique qui, sous prétexte d’un énième « assainissement des pratiques financières en politique », ne serait en fait ni plus ni moins qu’une légalisation de la mise en coupe réglée de la vie politique par l’établissement UMPS.
Selon le quotidien suisse romand la Tribune de Genève, qui dévoile l’affaire, deux sénateurs, le socialiste Yvon Quarrément (du Pas de Calais !) et le divers droite Jacques Huley (de Haute Saône) ont préparé une proposition de loi que seul un agenda parlementaire trop chargé a empêché de présenter en catimini devant les assemblées, mais que les deux parlementaires voudraient soumettre après les élections. Non sans une pointe de cynisme empreinte d’un réalisme de bon aloi, le quotidien note que le report de l’examen de la proposition évite de mettre en lumière un sujet trop sensible juste avant le scrutin…
Le racket légalisé ?
Ce projet de loi prévoit, tenez vous bien, d’instaurer sur tout projet de construction une taxe de 1% de la valeur du projet (terrain + coûts de construction) visant au « financement de la vie politique » via une « Caisse Nationale de Financement de la Démocratie », ou CNFD. Le logement social serait, lui, exempté de cette surtaxe. Autrement dit, au lieu de demander à tout promoteur un « Bakchich » de 2 à 3% pour octroyer un permis de construire un peu important, le racket sera légalisé par l’impôt, à 1% sur tout nouveau logement privé construit. À noter qu’initialement, nos deux parlementaires avaient prévu d’ajouter également 1% aux droits de mutation sur les logements anciens, mais que le bureau politique des deux grands partis serait intervenu pour ne pas se mettre à dos tous les propriétaires de logements !
Avec ce nouveau « 1% démocratique », plus besoin de négociations scabreuses avec des promoteurs, plus de risque d’aller en prison si un juge un peu vétilleux fourre son nez dans une affaire glauque, désormais, tu construis, tu casques, c’est la loi ! Sachant que 250 000 logements neufs privés sont construits à peu près chaque année, et je ne compte pas les autres bâtiments, la CNFD pourrait compter sur au minimum 300 millions d’euros de recettes annuelles !
Et comment l’argent de la CNFD serait-il attribué ? Eh bien… Il serait réparti aux partis politiques en fonction du nombre de sièges obtenus à l’assemblée et au sénat ! Eh oui, l’État ne donnera qu’aux riches.
Naturellement, les auteurs de la proposition affirment qu’ainsi, les sommes déboursées seraient contrôlées et ne donneraient plus lieu à des versements en liquide, sources de bien des tentations… Mais ils oublient soigneusement que la précédente loi de 1992, censée éviter ces mêmes dérives, n’a absolument pas empêché les plus corrompus de réclamer des enveloppes de liquide en plus des financements publics.
Mais ce n’est pas tout : l’argent de la CNFD serait réservé aux partis respectant strictement la condition de parité quant aux investitures, et en « contrepartie » de cette masse d’argent public accessible aux partis, les déductions fiscales sur les dons des particuliers aux partis politiques, actuellement de 66%, seraient supprimées, au nom de la lutte contre les niches fiscales !
Autrement dit, les petits partis, tels que le Parti Libéral Démocrate, et bien d’autres, déjà financièrement limités, seraient étranglés, alors que l’UMP et le PS pourraient asseoir leur domination sur la vie politique française en s’abreuvant à une stabulation quasi illimitée d’argent extorqué aux contribuables.
Elle n’est pas belle, la démocratie UMPS ?
La Tribune de Genève a voulu interroger nos deux sénateurs pour obtenir des précisions sur ce texte, mais les deux parlementaires se sont refusés à tout commentaire, pour ne pas, selon leurs termes, « produire d’interférences fâcheuses avec le débat électoral en cours ». C’est vrai, pourquoi risquer d’attirer l’attention maintenant, alors qu’un vote discret, au lendemain de l’élection, à la veille des vacances, passerait sans doute inaperçu ?
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Lire également :
L’article de La Tribune de Genève : « Paris : une loi menace les petits partis politiques de disparition »