C'était surprenant.
Samedi dernier, les jeunes avaient été conviés dès 13h... Nicolas Sarkozy était annoncé pour 16h. Ce devait être le « Printemps des jeunes de la France forte ». Un printemps de droite et tout en défensive, à en croire les slogans et les discours. On cria contre la « gôche », François Hollande et l'assistanat. On oublia de prononcer le mot Chômage. Il faut attendre en moyenne attendre 28 ans pour décrocher son premier CDI en Sarkofrance.
Quel message pour cette jeunesse de France ? répéta Benjamin Lancar, le président désigné des Jeunes Pop, à chacun des quelques seniors de l'UMP présents dans la salle. Sur l'estrade, Geoffroy Didier, l'un des sbires de Brice Hortefeux, scandait à tout va « Jeunes de France! » et « Jeunesse de France! ». Olivier Vial, leader de l'UNI en rajouta sur combien la jeunesse avait déserté la « gôche » pour préférer la droite. « Nicolas! Nicolas! Nicolas! » Nom et prénom du candidat sortant furent prononcés à chaque phrase, et sur tous les tons, comme s'il était le Sauveur, le Prophète de cette maigre foule. « « Nicolas Sarkozy est là pour nous aider. (...) Il faut qu'on vous entende à l'autre bout de la terre. » Le ministre de la Culture défendit Hadopi, et attribua les succès récents des films The Artist (5 Oscars) et Intouchables (20 millions d'entrées) à la réussite de son Monarque.
Ils n'étaient pourtant pas si nombreux, ce samedi après-midi Porte de Versailles. Nulle excuse météorologique, il faisait gris et froid sur la région parisienne. «10.000 selon le parti ; la moitié moins, au jugé » rapporta, déçue, l'envoyée spéciale du Figaro, « réunis dans un vaste hall froid et sans âme de la Porte de Versailles, à Paris.»
Les slogans étaient hargneux et défensifs. Nadine Morano fit huer le nom de Julien Dray (qui venait d'être hospitalisé pour un malaise cardiaque). Jeannette Boughrab fit huer celui de Djamel Debbouze. Michèle Alliot-Marie lança « Non, Monsieur Hollande, nous ne voulons pas de votre idée de l'homme! ». Quel argument ! Frédéric Mitterrand tacla « les Bobo et la gauche caviar » (sic!). Un jeune témoin cria sur scène que le travail rendait libre. Sans doute avait-il séché quelques importants cours d'histoire. « Cette victoire, ce sera un combat de rue » lança Geoffroy Didier. Un combat de rues ? La Sarkofrance junior était-elle à ce point pleine de haine ?
Puis « Il » arriva sur l'estrade. Il était temps. Le jeunes commençaient à s'ennuyer. Les tribunes restaient clairsemées. Au premier rang, on avait sorti et placé Bernadette Chirac bien en évidence, à côté de Jean-François Copé, Carla Bruni, Jean-Louis Borloo et Nadine Morano. Derrière le Monarque, on avait laissé une vingtaine de jeunes à peine mixtes et et peu divers pour encadrer le candidat.
« Mes chers amis, vous êtes la Jeunesse de France ! Vous avez 20 ans... (...) 20 ans, est-ce le plus âge de la vie ? La réponse viendra plus tard, quand la vie aura passé, la vie avec ses joies et avec ses peines.»Sarkozy voulait prendre de la hauteur, se cacher derrière de prestigieux héritages qu'il ne méritait pas. Il invoqua de Gaulle et la Résistance: « Cette génération, la guerre lui avait volé sa jeunesse. » Depuis des mois, le Président des Riches se prenait pour de Gaulle, d'hommages en célébrations. Le sauvetage des banques, où il put placer ses proches, était son fait d'armes. Ce samedi-là, Sarkozy fit un grand bond dans l'histoire: après de Gaulle, il n'y avait plus que lui: « Qu'est-ce qui a suivi après ? Trente ans de pensée unique, d'aveuglement, de désordre monétaire, de mondialisation ».
Il recycla quelques extraits du discours de Toulon de 2008: «On ne peut pas continuer avec un monde où l'argent serait la mesure de tout, où le capital aurait tous les droits, où l'obsession du profit à court terme aurait pour conséquence que l'avenir n'aurait plus de valeur». Sans rire, Nicolas Sarkozy assura que c'était « la jeunesse de France qui devait porter le changement du Monde ». Rien que ça. L'assistance gobait tout, la plupart n'avait pas encore connu leurs premières années de chômage ni de précarité.
Il recycla quelques arguments de 2007 contre les « voyous multirécidivistes », oubliant qu'il était président depuis 5 an, la délinquance qu'il voulait détecter dès l'école.
Il y eut aussi la séquence « confessions intimes », quand Sarkozy joua la corde de l'émotion presque puérile, comme dans une émission de TV réalité pour « djeun's». Il évoqua son « besoin d'amour ». Il ajouta: « «Je ne suis pas un robot! Ce que je vous dis va sortir de mon cœur, de mes tripes.» La ficelle était grosse. Il lança des mots, des concepts, du creux des «Dans notre vision du progrès, il y a un besoin nouveau de qualité de la vie.» Il évoqua un « besoin d'urbanité » (?), « d'humanité, de civilité, de politesse ». Au premier rang, Eric Besson, qui venait traiter un journaliste de « serpillière », applaudissait.
Derrière son pupitre, le candidat sortant avait quand même une annonce à faire. Le programme complet n'est pas prêt. Ce samedi, il promit la création d'une banque pour la jeunesse. En 2007, il promettait des prêts à taux zéro: « Je vous propose des prêts aux jeunes créateurs à taux zéro, parce que l’intérêt c’est le prix du temps, parce qu’un taux zéro c’est un acte de foi dans l’avenir » avait-il déclaré le 13 mars 2007 à Besançon. C'était il y a une éternité. Les temps ont changé. Cette fois-ci, la promesse du jour était une nouvelle banque, qu'on imaginait publique. La proposition était encore floue.
« Je dis non à un RMI jeune, non à un RSA jeune mais je dit oui à une banque de la jeunesses pour porter les projets des jeunes Français. Vous voulez créer, vous voulez vous former, vous voulez entreprendre, nous allons créer une banque de la jeunesse qui se portera caution pour tous ceux qui n'ont pas la chance d'avoir une famille qui peut les aider.»Au passage, il fustigeait donc le RSA jeune qu'il avait tenté de créer en 2010. Il avait changé. Puisque les jeunes sont encore trop nombreux au chômage, le candidat sortant annonça vouloir aussi « doubler les effectifs du service civique, qui est une grande réussite ». Surtout, n'appelez pas cela des emplois jeunes !
En sus du traditionnel « aidez-moi, jeunes de France! », il ajouta un « Je n'ai pas peur! ». Il en devenait flippant. Avait-il si peur qu'il avait besoin de le crier à la tribune. Qui avait parlé de peur ?
Le discours dura 44 minutes.
Il se termina par une Marseillaise.
La salle se vida rapidement.